RENNES, UNE BELLE ENDORMIE ?
Alors que les ondes de l’Ille et de la Vilaine semblent paresseusement traverser Rennes, bien naïf celui qui ne devinerait pas qu’elles avaient l’habitude de sortir de leurs lits et de menacer tout le sud de la ville avant d’être canalisées. Rennes est à leur image, une fausse paisible, que les soubresauts de l’Histoire n’ont pas épargnée.
Âprement disputée, Rennes a été attaquée et assiégée plusieurs fois, par les Normands, par les Anglais, par les Français... C’est finalement en intégrant avec la Bretagne le domaine royal en 1532 et en devenant une capitale provinciale que la ville va connaître une certaine quiétude, et donc un essor démographique et économique. En 1899, c’est d’ailleurs à Rennes que l’on décide d’organiser le second procès du capitaine Dreyfus. Rennes est une ville de garnison, et assez éloignée des tumultes parisiens pour que le gouvernement espère un procès serein. L’histoire de Rennes n’est pas pour autant un long fleuve tranquille.
LA RÉVOLTE DES BONNETS ROUGES
En 1675, Louis XIV a besoin de renflouer les caisses du royaume pour mener la guerre contre les Provinces-Unies. Colbert prend diverses mesures, et invente de nouvelles taxes: taxes douanières, sur la vaisselle d’étain, sur le papier timbré,
etc. La Bretagne, qui n’a été rattachée à la Couronne française qu’assez récemment, bénéficie jusqu’alors de plus de libertés et est exemptée de nombreux impôts. Les villes puis les villages bretons se révoltent, à commencer par Rennes le 18 avril 1675. C’est la révolte du Papier timbré (Colbert veut imposer de timbrer les actes notariés). Le soulèvement est réprimé avec difficulté et vire au mouvement antinobiliaire et à une remise en question de tous les prélèvements. Les insurgés mettent au point un « Code paysans » et réclament
« la liberté de la province Armorique ». Le Parlement est envoyé à Vannes, et le gouverneur de Bretagne ordonne procès et exécutions. La révolte est écrasée.
LA JOURNÉE DES BRICOLES
Depuis décembre 1788, alors que les États de Bretagne se réunissent, des jeunes « patriotes » du tiers état s’opposent aux nobles et réclament une réforme. Les débats sont suspendus. Le 26 janvier 1789, les porteurs en tous genres – qu’on reconnaît
aux courroies de cuir, ou bricoles, dont ils se servent, se regroupent pour protester contre la hausse du prix de la farine et du pain. Les étudiants en droit sont pris à partie. Le 27, ces étudiants dénoncent les manoeuvres de la noblesse qui a essayé de créer une manifestation populaire, et se rendent au Parlement pour porter plainte, soutenus par la foule. Les heurts sont sanglants et les positions irréconciliables. Les travaux du Parlement sont suspendus indéfiniment, les nobles quittent Rennes, et les assemblées populaires qui se mettent en place serviront de modèle lors de la Révolution, dont la journée des bricoles signe les prémices.
UNE SERIAL KILLEUSE À RENNES
Autre affaire qui a défrayé la chronique, celle d’Hélène Jégado. Née en 1803, cette domestique qui sert dans nombre de familles en tant que cuisinière va empoisonner à l’arsenic plusieurs dizaines de personnes, y compris de très jeunes enfants. Elle est finalement confondue à Rennes, arrêtée, jugée coupable et guillotinée le 26 février 1852.
UN ATTENTAT CONTRE LES NAZIS
Sous l’Occupation, le cinéma Le Royal continue à projeter des films. Il réserve ses séances du soir aux forces occupantes, et celles du matin au public français.
Le 28 février 1943, en pleine séance de projection du film Parade en sept nuits, une bombe explose lors de la soirée réservée aux officiers allemands. Elle ne fait aucune victime, mais les cinémas rennais Royal et Select sont désormais interdits au public français par les autorités allemandes. ∫