HÉLÈNE TIERCHANT : « SARAH A ABORDÉ LE NOUVEAU MONDE AVEC UNE GRANDE OUVERTURE D’ESPRIT. »
Historienne passionnée de cinéma et de théâtre, Hélène Tierchant nous brosse dans son nouveau livre un attachant portait de la comédienne.
Après avoir écrit sur Mademoiselle Georges et l’actrice Musidora, pourquoi Sarah Bernhardt ?
Elle est un mélange de fragilité, due à son enfance difficile et sa santé déficiente, et de force de vie. Quand en 1870, les médecins lui diagnostiquent une phtisie avec un pronostic pessimiste, elle passe un brevet de secouriste et panse les plaies des autres. Elle est une pionnière : première directrice de théâtre, première comédienne à endosser des rôles masculins, première à faire un enregistrement avec Edison en 1880, à se laisser filmer au cinéma en 1900, avec Hamlet. À la charnière du Second Empire et du monde moderne, elle aborde son temps avec une formidable ouverture d’esprit.
Elle était douée pour d’autres disciplines artistiques…
Elle manifeste dans Ma double vie une plume très moderne. Elle a aussi écrit des pièces, deux romans et un texte très drôle et très poétique. À 16 ans, elle veut rentrer aux BeauxArts, alors interdits aux femmes. Le duc de Morny lui fait donner des cours privés de peinture. Son domaine d’excellence est la sculpture. Le buste de sa soeur Régina, exposé dans un salon, suscite la jalousie de Rodin. Avec Gustave
Doré, qui l’initie à la grande sculpture, elle travaille sur deux groupes pour la façade de l’Opéra de Monte Carlo. À l’époque, certains refusent de croire que c’est elle qui sculpte. Zola prend sa défense.
Était-elle féministe?
Pas au sens où on l’entend aujourd’hui. Elle a même d’abord eu une attitude conservatrice par rapport au vote des femmes, avant 1914. En 1916, elle a changé d’avis. Amie de la journaliste engagée Séverine, et de Louise Michel, elle est révoltée par les injustices faites aux Noirs, aux Amérindiens, pas seulement aux femmes. Par contre, ses choix de vie, de comédienne qui mène sa carrière, de femme qui élève seule son enfant, qui choisit ses amants, sont féministes dans les faits.