Secrets d'Histoire

PLUS DURE SERA LA CHUTE

1772-1775

-

L’ancien monde n’est pas mort. Face à ce fils de pasteur qui prétend réformer le pays, il résiste de toutes ses forces. Struensee s’est trop approché du pouvoir et de la reine et va se brûler les ailes. La noblesse danoise va lui faire payer cher l’affront de s’être choisi un destin trop grand et une reine trop belle pour lui.

Pendant que Matilda et Struensee coulent des derniers jours heureux,

la résistance à la Cour s’organise. Les réformes libérales du ministre roturier ne passent pas auprès de la noblesse, outrée d’avoir à renoncer à certains de ses privilèges. L’opposition a deux meneurs: la reine douairière Juliane-Marie, qui lorgne le pouvoir pour son fils Frédéric, né de son union avec le père de Christian, et souffrant d’un handicap physique qui ne paraît pas être un obstacle pour porter la couronne; un certain Guldberg, précepteur du jeune handicapé, qui voue à Struensee une haine d’autant plus grande qu’il est roturier comme lui. Ils vont s’appuyer sur l’hostilité des soldats de la garde nationale que Struensee a licenciés pour les affecter à d’autres corps de l’armée. Ils sont danois et ne supportent pas qu’un Allemand dirige

le pays. Et le peuple commence à manifester son mécontente­ment, persuadé que le roi Christian est plus ou moins captif de Struensee et de la reine infidèle. La folie du roi a été cachée et ce n’est pas Guldberg qui va la révéler, lui qui rêve de se débarrasse­r du couple maudit. D’autant que Struensee s’apprête à abolir le servage, toujours en odeur de sainteté au Danemark. Guldberg s’assure le concours du comte de Rantzau, qui va trahir son ami.

LES AVEUX DE LA REINE

La date est fixée dans la nuit du 16 au 17 janvier 1772, après un bal masqué.

Le motif est inventé de toutes pièces: Struensee et l’Anglaise auraient décidé de se débarrasse­r du roi, pour devenir régent et régente. Après le bal, Struensee raccompagn­e

la reine à sa chambre, lui souhaite bonne nuit et se retire dans ses appartemen­ts. Ils ne se reverront jamais. Struensee est arrêté en pleine nuit dans son lit. Au même moment, la reine douairière et Guldberg pénètrent dans la chambre du roi et s’assurent qu’il ne va pas bouger. Matilda est arrêtée et placée en résidence surveillée à Elseneur. La nouvelle se répand à Copenhague et s’ensuivent deux jours d’émeutes, de violences et d’exactions en tout genre, perpétrés par le peuple persuadé d’avoir été berné par Struensee et les adeptes des Lumières. La police se garde bien d’intervenir. Arrêter une reine n’est pas anodin, et potentiell­ement dangereux quand elle est la soeur du roi d’Angleterre. Guldberg et ses sbires doivent lui faire avouer son infidélité, ce qui permettra d’obtenir son divorce pour l’écarter définitive­ment. La même pression est exercée sur Struensee, qui, dans un premier temps, nie. Pour sauver la tête de son amant, Matilda passe aux aveux et prend sur elle toute la responsabi­lité. Cela ne suffira pas à le sauver, il est accusé et condamné pour avoir usurpé le pouvoir royal.

PRIVÉE DE SES ENFANTS

Sans doute sans comprendre, Christian signe l’arrêt de mort.

Le 28 avril 1772, il tente de rejoindre en carrosse le lieu de l’exécution, Guldberg, soupçonnan­t que ce soit pour sauver son ami, donne l’ordre au carrosse de partir dans la direction opposée, puis de dételer les chevaux et d’enfermer le roi dans le carrosse. La mort de Struensee est atroce: on lui coupe une main, il est décapité, puis démembré. Silencieus­e, la foule finit par s’en aller, écoeurée par tant de violence. Matilda a le droit de quitter Copenhague pour le château de Celle en Allemagne, où elle mène une vie paisible, privée de ses enfants qu’elle ne reverra jamais. Elle n’est plus reine, mais toujours mère du futur roi. Une conspirati­on se trame avec quelques nobles et le soutien du roi d’Angleterre pour la faire revenir comme régente. Elle meurt très opportuném­ent d’une fièvre contagieus­e en 1775, à 24 ans. Guldberg a réussi à prendre la place de Struensee et annule toutes ses mesures libérales. Il perd le pouvoir en 1784, lorsque Frédéric fomente un coup d’État pour devenir régent, mettant fin aux rêves de la reine douairière. Jusqu’à la mort de son père, en 1808, il instaurera des réformes, en droite ligne avec la politique de Struensee. Pendant quarante ans, Christian VII aura été un roi fou, fantoche et malheureux.

 ?? ??
 ?? ?? Portrait de la princesse Louise Augusta en 1791, de Anton Graff (1736-1813).
Portrait de la princesse Louise Augusta en 1791, de Anton Graff (1736-1813).

Newspapers in French

Newspapers from France