Secrets d'Histoire

UN CURIEUX TRÉPAS

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Après sa promesse de mariage, Henri IV impose une séparation à Gabrielle d’Estrées à l’occasion de la Semaine sainte. Bien qu’attristée, la favorite enceinte de sept mois obéit mais elle tombe brutalemen­t malade et meurt la veille du dimanche de Pâques sans avoir revu le roi qui, au lieu d’une noce, lui offre des funéraille­s dignes d’une reine.

Peu avant Pâques 1599, le roi rejoint Gabrielle d’Estrées à Fontainebl­eau où il souhaite résider pendant la Semaine sainte. Contre toute attente, il demande à sa favorite de rentrer à Paris. Il souhaite bien se comporter pendant le carême, ne pas vivre pendant quelques jours dans le péché de luxure avec celle qu’il aime depuis presque dix ans. Gabrielle est déçue. Incapable de s’opposer aux ordres du roi, elle s’allonge dans une litière tendue de velours noir et orange et quitte Fontainebl­eau le 5 avril. Elle fait escale pour la nuit à Melun où le roi la retrouve en catimini. La soirée prend un tour tragique. Gabrielle pleure car de sombres pressentim­ents lui font redouter le pire. Elle recommande ses enfants, ses châteaux et ses domestique­s à son amant comme si elle était sur son lit de mort. Rien n’attendrit le roi. Le lendemain matin, il rentre à Fontainebl­eau alors que sa belle s’embarque sur la Marne en direction de Paris. Une fois arrivée dans la capitale, Gabrielle se rend chez son ami, le riche banquier italien Sébastien Zamet. Celui-ci lui réserve un accueil digne d’une reine. Malgré ses bons soins, le coeur de la favorite est à la peine. Elle ne trouve pas davantage de confort chez sa tante adorée, Isabelle de Sourdis, qui la couve pourtant comme une mère.

UNE DISPARITIO­N QUI ARRANGE BEAUCOUP DE MONDE

Pour le Mercredi saint, Gabrielle se rend à la messe. Personne ne remarque sa mine triste tant ses atours chatoient. La favorite sait qu’elle doit continuer la comédie du paraître, quoi qu’il se passe. Le soir, elle dîne chez Zamet. Pour le dessert, le Toscan

fait servir des citrons givrés. Quoi de mieux que des agrumes et de la glace pour prouver son opulence à son invitée? En portant la cuillère entre ses lèvres, Gabrielle fait la moue. Le citron a un goût bizarre. Plus tard dans la soirée, la favorite est prise d’un malaise. Son gosier la brûle et son ventre la torture. La douleur insupporta­ble la fait défaillir. Gabrielle se réveille un peu plus tard chez sa tante. Elle va mal, la mort rôde, elle le sent. Elle trouve cependant la force de se rendre en ce Jeudi saint à la messe matinale de Saint-Germain-l’auxerrois mais l’aprèsmidi, elle reste clouée au lit par des maux insoutenab­les. Trois lettres sont envoyées à Henri IV dans la journée pour lui faire part de l’état de son amante. Mais étonnammen­t, le roi ne s’empresse pas de la rejoindre. La dernière missive finit cependant par l’alarmer: malgré les saignées et les lavements, Gabrielle a perdu l’usage de l’ouïe, de la vue et du mouvement. Cette fois, le roi veut partir pour Paris en dépit des tentatives des courtisans pour le retenir. Finalement, il change d’avis après avoir parcouru quelques lieues en direction de Paris et envoie un médecin à sa « petite caillette ». Celui-ci se trouve impuissant. Gabrielle d’Estrées agonise déjà. Elle meurt dans la nuit du Vendredi au Samedi saint, avant l’aurore du 10 avril 1599. Sa beauté s’était déjà évaporée. Avant de rendre l’âme, elle était devenue subitement laide, ravagée par un mal sans nom… Alors qu’il se murmure que la favorite a été empoisonné­e, Henri IV lui organise des funéraille­s dignes d’une reine… piètre consolatio­n posthume pour celle qui aurait dû épouser le roi avant la Quasimodo. Pour montrer son chagrin, le souverain aurait porté le noir du deuil pendant trois mois. C’est moins de temps qu’il ne lui en fallait pour tomber amoureux d’Henriette d’Entragues âgée d’à peine 20 ans, faire annuler son mariage avec Marguerite de Valois et organiser ses noces avec Marie de Médicis.

 ?? ?? Gabrielle d’Estrées évanouie en présence d’Henri IV menaçant et de Sully, de FrançoisAn­dré Vincent (1746-1816). Cette oeuvre fait partie d’une série de six tableaux peints de 1784 à 1787 pour servir de cartons de tapisserie pour la tenture de l’Histoire de Henri IV.
Gabrielle d’Estrées évanouie en présence d’Henri IV menaçant et de Sully, de FrançoisAn­dré Vincent (1746-1816). Cette oeuvre fait partie d’une série de six tableaux peints de 1784 à 1787 pour servir de cartons de tapisserie pour la tenture de l’Histoire de Henri IV.
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Getty Images La nef et le choeur de l’église SaintGerma­inl’Auxerrois, à Paris, où ont eu lieu les obsèques royales de Gabrielle d’Estrées, en avril 1599.

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