Marie-Louise Portrait de femme sans préjugés
Les Français ont autant aimé l’impératrice qu’ils l’ont détestée. Elle est d’abord l’épouse modèle de Napoléon, avant d’être affublée de tous les défauts et plus encore lorsqu’elle a refusé de le suivre dans son premier exil sur l’île d’Elbe. Sa légende n
Elle n’a été impératrice des Français que quatre années durant. Mais cela a suffi à donner naissance à une légende noire. Pour les admirateurs de Napoléon, elle est avant tout la traîtresse qui a trompé l’empereur et l’a abandonné à la chute du régime. Les historiens en quête de scandale en ont fait une souveraine fantoche, nymphomane, méchante et bête de surcroît. A-t-elle été la victime expiatoire de préjugés ? Parce que le miroir de l’Histoire l’a déformé, il n’y a qu’un moyen de dessiner le juste portrait de Marie-Louise d’Autriche : décaper la légende couche par couche, en déconstruisant puis en reconstruisant sa vie à l’aide des archives. Ce qui en ressort est très édifiant. Non, Marie-Louise n’est pas une figure falote ! Femme complexe, ballottée entre
des enjeux politiques qui la dépassaient, elle a habilement su tirer son épingle du jeu.
Était-elle limitée intellectuellement ?
Née le 12 décembre 1791, Marie-Louise, fille aînée de l’empereur d’Autriche, reçoit l’éducation qui sied à ses titres : archiduchesse d’Autriche, princesse de Hongrie et de Bohême. Elle a appris l’histoire, la géographie et les belles lettres. « Je sais un peu de neuf langues », écritelle fièrement : français, allemand, anglais, italien, espagnol, hongrois et latin, notamment ! Ses précepteurs lui ont opportunément enseigné que les femmes peuvent être appelées à régner dans le cadre d’une régence. Et MarieLouise a aussi appris à détester la Révolution française… En décembre 1809, elle a 18 ans à peine lorsque Napoléon et Joséphine ont
divorcé. Pour consolider le traité de paix signé entre la France et l’Autriche, elle a été contrainte de quitter les siens et d’épouser un homme deux fois plus âgé qu’elle, qui lui a toujours été présenté comme l’Antéchrist. Avec abnégation et intelligence, elle se sacrifia pour son pays… en gardant le sourire. Sa mauvaise réputation vient-elle de son immaturité ? Montée sur le trône au sortir de l’adolescence, Marie-Louise a mis de longs mois à acquérir l’aisance suffisante pour tenir son rang à la cour.
Était-elle une épouse indigne ?
« En somme, je préférais Marie-Louise », soupirait Napoléon à Sainte-Hélène. Pourtant, le couple vécut une longue lune de miel qui a débuté le jour de leur mariage, le 1er avril 1810, pour ne s’achever qu’en juin 1812, au départ de l’empereur pour la campagne de Russie. Durant cette période heureuse, les époux étaient inséparables, jouaient aux quilles, aux cartes, se promenaient à cheval, dînaient en amoureux… : l’empire était en paix, ils en profitaient. Le 20 mars 1811, la naissance du roi de Rome, les a rapprochés encore. Contrairement à ce que disent les malveillants, Marie-Louise était une mère attentionnée et Napoléon, tout à la joie d’avoir un héritier, un vrai papa poule.
Marie-Louise, montée sur le trône au sortir de l’adolescence, a mis du temps avant de tenir son rang.
Était-elle une impératrice fantoche ?
« Je m’aperçois chaque jour qu’elle a une excellente mémoire et le jugement sûr », a écrit l’archichancelier Jean-Jacques-Régis de Cambacérès au sujet de Marie-Louise. Nommée régente de l’empire en mars 1813, elle a gouverné à la place de Napoléon pendant une année. Elle a pris goût à l’exercice et prouvé à ceux qui la tenaient pour une cruche combien ils se trompaient. Au grand étonnement des hommes aguerris au pouvoir qui l’entouraient, elle a présidé tous les conseils, travaillé en bonne intelligence avec les ministres et signé des centaines de décrets, jusqu’à la chute finale de Napoléon, survenue en avril 1814.
A-t-elle abandonné Napoléon ?
À l’été 1814, alors que Napoléon était relégué à l’exil sur l’île d’Elbe, Marie-Louise suivait une cure en Savoie. Là, elle est tombée amoureuse d’Adam Albert de Neipperg, le général mandaté par son père, l’empereur d’Autriche, pour l’escorter. Elle aurait agi par vengeance autant que par dépit, informée que Napoléon était retombé dans les bras de Marie Walewska, sa maîtresse polonaise. Plus tard, elle confia : « Une épouse
ne peut oublier certaines choses. Ah, cette visite de la Walewska et de son fils, comme elle brûle encore dans mon âme ! » Pour elle, désormais, son mariage avec Napoléon n’existait plus que sur le papier mais elle n’oubliera pas qu’il est le père de son fils. Et le défendra lors du Congrès de Vienne qui, en 1815, a redessiné l’Europe.
Comment a-t-elle vécu l’après-empire ?
Marie-Louise est devenue duchesse de Parme. Selon Lamartine, elle était alors « charmante et bien éloignée de l’affreuse image que les libéraux et les bonapartistes français avaient faite d’elle. » Quand Stendhal écrit La Chartreuse de Parme, ce n’est pas un hasard : il s’agissait à l’époque de la principauté la plus en vue d’Italie. Bien qu’il lui en coûtât, Marie-Louise a laissé son fils à Vienne, pour qu’il y reçoive une éducation digne de son nom. Elle lui a obtenu le titre de duc de Reichstadt, une place dans l’armée autrichienne et a même détourné des fonds pour assurer son avenir… La vague émeutière générée par la révolution de Juillet finit par atteindre Parme, en 1831. Emprisonnée par ses sujets, elle a réussi à s’évader. Venue à son aide, l’armée autrichienne l’a rétablie à la tête du duché, où elle est restée jusqu’à sa mort.
Était-elle une nymphomane ?
Loin d’être une mangeuse d’hommes, MarieLouise a formé avec le comte de Neipperg un couple fusionnel. Ils ont eu deux enfants, Albertine et Guillaume Albert ; ils se sont même mariés secrètement après le décès de Napoléon Bonaparte. La mort de Neipperg, en 1829, a dévasté Marie-Louise. Par la suite, elle a contracté un mariage de raison avec son Premier Ministre, le comte Charles-René de Bombelles. En 1832, la mort de son fils aîné Napoléon II, emporté par la tuberculose, lui a brisé le coeur. Tout comme celle de son père, François Ier d’Autriche, en 1835. Dans les années 1840, Marie-Louise est une femme malade, lourdement handicapée par les rhumatismes. Elle était hypocondriaque au point d’ordonner à son médecin de la trépaner pour la guérir de ses maux de tête ! Au soir de sa vie – elle s’est éteinte le 17 décembre 1847 –, elle est encore officiellement la veuve de Napoléon… L’Histoire la méprise, alors qu’elle a cultivé la mémoire de son premier mari, en aménageant un musée à la gloire de celui-ci au premier étage de son palais. Et elle a conservé les lettres d’amour qu’il lui a envoyées. MarieLouise a une réputation d’« oublieuse », alors qu’elle s’est toujours souvenue de ses années de bonheur aux côtés de Napoléon Bonaparte.
Au soir de sa vie, Marie-Louise est encore officiellement la veuve de Napoléon. L’Histoire la méprise alors qu’elle a cultivé la mémoire de son premier mari.