Voici venu le temps de la jalousie
Camille disparue, Alice devrait trouver le bonheur auprès de son cher peintre. Mais la période des vaches maigres n’est pas terminée et Claude ne cesse de s’absenter pour son art. Quant à Ernest, le mari ruiné, il n’a pas dit son dernier mot : chassés-cro
Vient le redoutable hiver 1879-80, où les températures descendent à -25 °C. La Seine charrie des glaçons. Ce qui donnera à Monet l’occasion de belles toiles (dont La Débâcle, qu’il vend en 1880 pour la coquette somme de 1 500 francs : une première pour lui !). Tandis qu’Alice scie du bois pour réchauffer la couvée. Oui, Alice, la bourgeoise ! Elle scie du bois, s’occupe des huit enfants, fait tourner la maison et gère les créanciers pendant que Claude peint. La période des vaches maigres, entamée avec Camille, n’est pas encore finie. Alice croit en Monet. Alors, elle scie…
De Poissy à Giverny
Mais Alice est jalouse car Claude part, de plus en plus souvent, chercher ailleurs l’inspiration, loin du chahut de la tribu : Vernon, Rouen, Pourville, Dieppe, Étretat… Le déménagement dans une maison à Poissy ne change rien, d’autant que cette fois-ci leur concubinage saute aux yeux du voisinage : Camille est morte et Ernest absent. Alice se morfond quand Claude n’est pas là. Elle exige qu’il lui écrive une lettre chaque soir pour lui raconter dans le détail
Camille est morte et Ernest absent. Alice se morfond quand Claude n’est pas là. Elle exige qu’il lui écrive une lettre chaque soir.
Ernest, le mari, est de retour et tente de reconquérir Alice. Inquiet, Claude montre enfin dans ses lettres tout son amour : « (…) Je sens bien que je vous aime plus que vous ne le supposez. »
ses faits et gestes de la journée. Ce qu’il fera scrupuleusement à chacun de ses voyages, la Normandie, Bordighera en Italie et BelleÎle-en-Mer. C’est lors d’un de ses voyages à Étretat qu’il apprend alors la nouvelle : Ernest, le mari, est de retour et tente de reconquérir Alice. Inquiet, Claude montre enfin, dans ses lettres, l’amour qu’il éprouve pour sa belle : « Je n’ai pas eu le courage de travailler aujourd’hui… Je suis comme fou… Je sens bien que je vous aime plus que vous ne le supposez. » Alice a gagné ! Elle a fait craquer l’armure de Monet. En 1883, Claude succombe au plus gros coup de foudre de sa vie. Il s’agit… de la maison de Giverny ! Il a 43 ans, il y passera les quarantetrois prochaines années. Alice se sent bien dans cette maison, les enfants ont de la place. Une nouvelle ère commence pour la famille.
Vaudevilles à répétition
Mais Ernest n’a pas dit son dernier mot. Profitant des absences nombreuses de Claude, il refait surface. Le vaudeville se reproduit plusieurs fois. Notamment en 1884, quand Claude est à Bordighera. Alice, toujours jalouse et condamnée aux bruines franciliennes, fête ses 40 ans avec Ernest… Un drame pour Claude ! De leur côté, les enfants mettent la pression : le concubinage de Claude et d’Alice est très mal perçu dans leur entourage ; Marthe, la fille aînée, n’arrive pas à se marier, sans doute pour cette raison. En février 1886, Alice menace de quitter Claude s’il ne l’épouse pas. Claude s’enfuit
Alice toujours jalouse, Claude toujours fuyant, Ernest toujours entre eux deux. Jusqu’à ce jour fatal de mars 1891 où Ernest tombe gravement malade, victime d’une vie d’excès.
alors à Étretat, où cette fois-ci il ne peindra pas, mais écrira des lettres désespérées à Alice : « Le peintre est mort en moi, il ne reste qu’un cerveau malade. » Il avoue même son incapacité à prendre une décision et lui en laisse la responsabilité : « Prenez vous-même une résolution, je m’y soumettrai, dussé-je en mourir. » Dans le couple, c’est bien Alice qui porte la culotte !
Le mariage des amants
La situation continue ainsi pendant quelques années: Alice toujours jalouse, Claude toujours fuyant, Ernest toujours entre eux deux. Jusqu’à ce jour fatal de mars 1891 où Ernest tombe gravement malade, victime d’une vie d’excès. Comme elle l’avait fait pour Camille, Alice le veille six jours et six nuits jusqu’à sa mort. Il est enterré à Giverny, où sa femme a acheté une concession. Il n’y a désormais plus d’obstacle à l’union d’Alice et de Claude. Mais il faudra attendre encore une année : le 16 juillet 1892, Alice, née Angélique Émilie Alice Raingo, devient enfin madame Monet… Dix jours plus tard, sa fille Suzanne épouse Theodore Butler, un jeune peintre américain. Il était temps que cette famille fasse comme tout le monde !