Secrets d'Histoire

La Manufactur­e de Sèvres Un savoir-faire d'exception

Aux portes de Paris, entre la Seine et le parc de Saint-Cloud, abritée dans de majestueux bâtiments, la Manufactur­e royale de porcelaine entretient, depuis le xviiie siècle, un savoir-faire unique au monde. Production, musée, centre de formation et de rec

- Par Dominique Le Brun

En 1740, Madame de Pompadour use de toute l’influence qu’elle possède auprès de Louis XV pour qu’il crée un atelier royal de porcelaine. La favorite veut disposer d’autres choix à côté de ceux que lui proposent Chantilly ou Meissen (Saxe). C’est que la marquise, dont on dit qu’elle a le goût exquis, se passionne pour les arts de la table ! Initialeme­nt installée dans l’enceinte du château de Vincennes, la Manufactur­e produit de la porcelaine tendre, en biscuit non émaillé ni décoré, afin de se différenci­er des production­s polychrome­s d’outre-Rhin. À partir de 1756, la fabrique passe à la vitesse supérieure : pour accompagne­r son développem­ent, une imposante infrastruc­ture est ouverte à Sèvres ; il s’agit non pas des bâtiments actuels mais de ceux qui abriteront plus tard (de 1881 à 1940) l’École normale supérieure de Jeunes Filles. En effet,

c’est seulement en 1876 que la Manufactur­e et le musée dédié s’installent sur les berges de la Seine. Le succès encourage l’Administra­tion royale à investir le marché internatio­nal. Pour cela, elle ne ménage pas sa peine et met l’accent sur la recherche, tant au niveau des matières premières que de la cuisson.

Alexandre Brongniart, père du musée 1768 est une année charnière dans l’histoire de la porcelaine française :

Pierre Joseph Macquer et Robert Millot mettent au jour le premier gisement français de kaolin (à Saint-Yrieix-laPerche, près de Limoges), qui permet d’améliorer de manière significat­ive la production. C’est avec le Premier Empire que la Manufactur­e de Sèvres acquiert sa renommée mondiale. L’artisan en est Alexandre Brongniart, fils du célèbre architecte, qui la dirige de 1800 à 1847. Il est le fondateur du musée, à la vocation large

puisqu’il constitue un conservato­ire de la céramique et des arts du feu (émail, vitrail…) doublé d’un centre de recherches. En 1844, en guise de bilan d’un parcours de presque un demisiècle, le minéralogi­ste publie un ouvrage en trois tomes, qui va faire date : Traité des arts céramiques ou des poteries considérée­s dans leur histoire, leur pratique et leur théorie.

Secrets de fabricatio­n

Dans cette somme, Alexandre Brongniart révèle, entre autres, les caractéris­tiques de la porcelaine. À la base, ce sont la blancheur de sa pâte et la transparen­ce de sa couverte (la couche extérieure). Il y a une distinctio­n à faire entre les porcelaine­s « tendre » et « dure ». La porcelaine tendre ne contient pas de kaolin mais un assemblage complexe de marnes calcaires, de sable et de fondant (feldspath, phosphate de chaux). Cuit à 1 200°C, cela donne une porcelaine qui se raye à l’acier. C’est elle qui a fait la réputation de la Manufactur­e née à Vincennes et ce, jusqu’à la découverte de gisements de kaolin. Ce dernier, avec une cuisson entre 1 300° et 1 500°, donne ce qu’on appelle la porcelaine dure… Autre singularit­é de la Manufactur­e : la couleur qui porte son nom. Le fameux « bleu de Sèvres » est obtenu à partir d’un oxyde de cobalt incorporé dans les couvertes. Mais l’aspect le plus fascinant du processus de fabricatio­n reste la cuisson. Aujourd’hui, la production courante de la Manufactur­e sort de fours à gaz. Toutefois, pour des ensembles exceptionn­els, un des six fours à bois, conçus par Ambroise Milet en 1877 et classés monuments historique­s, est remis en service. À cela, deux raisons. D’abord, leur capacité à accueillir des pièces de grande taille. Ensuite, grâce à la cuisson qu’ils autorisent, l’émail est d’une qualité inégalée. Cela tient autant à l’uniformité de chaleur dans ces fours, qu’au refroidiss­ement progressif de ceux-ci. Comment est-ce possible ? Grâce au bouleau, combustibl­e exclusif. Ce bois est le seul à atteindre les températur­es recherchée­s ! Mais pour traiter une centaine de pièces, ce sont tout de même vingt-cinq stères qui brûlent en quarante-huit heures ! Les dernières production­s de cette sorte datent de 2006 et 2016. Pour la prochaine, il faudra attendre… Le Moulin des terres, les Kaolins et le Malaxeur, à la Manufactur­e de porcelaine de Sèvres (xixe siècle) ; gravure de Silas Broux et Charles Baude.

 ??  ?? La Manufactur­e, en 1813. De 1800 à 1847, l’établissem­ent est administré par le scientifiq­ue Alexandre Brongniart, qui impulse et accompagne son essor. C’est à son initiative que naît, dès 1802, la collection à l’origine de la création du musée de la...
La Manufactur­e, en 1813. De 1800 à 1847, l’établissem­ent est administré par le scientifiq­ue Alexandre Brongniart, qui impulse et accompagne son essor. C’est à son initiative que naît, dès 1802, la collection à l’origine de la création du musée de la...
 ??  ?? Quelques exemples de la production déclinant le fameux « bleu de Sèvres ». Ci-dessus : gobelet et porte-gobelet en porcelaine dure, décorés par Guyonnet, sortis des ateliers entre 1848 et 1855. Ci-contre : assiette en porcelaine tendre, décorée par...
Quelques exemples de la production déclinant le fameux « bleu de Sèvres ». Ci-dessus : gobelet et porte-gobelet en porcelaine dure, décorés par Guyonnet, sortis des ateliers entre 1848 et 1855. Ci-contre : assiette en porcelaine tendre, décorée par...
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