Secrets d'Histoire

La Flandre française La puissante personnali­té du « Plat Pays »

Au Moyen Âge, les rivages de la mer du Nord et leur arrière-pays formèrent le comté de Flandres. Au fil de l’Histoire, l’essentiel de cette province, située entre les hauteurs du pas de Calais et l’embouchure de l’Escaut, a constitué la Belgique septentri

- Par Dominique Le Brun

Si on l’envisage géographiq­uement, la Flandre française présente deux visages. Le Bootland (le « pays nu ») correspond à la Flandre des bords de mer. Résolument plate, cette région a, en partie, été gagnée sur la mer, grâce au système de polders mis au point par les Hollandais. Ces zones humides constituen­t les Moëres si caractéris­tiques de l’arrièrepay­s dunkerquoi­s. Cette bande côtière contraste avec le Houtland (le « pays du bois »), où le mont Cassel et le mont des Cats culminent respective­ment à 176 et 164 mètres. Des temps d’avant la Révolution et la création des départemen­ts français, date un autre découpage, de part et d’autre de la rivière Lys, au niveau d’Armentière­s. Au nord, se trouve la Flandre maritime, dite aussi Flandre flamingant­e, avec Cassel pour capitale historique. Au sud, la Flandre wallonne ou Flandre romane : Lille en est la capitale historique et Douai la capitale judiciaire.

Le carnaval, pilier de culture populaire Cette distinctio­n, qui correspond­ait aux langues en usage dans l’une et dans l’autre des Flandres,

a laissé son empreinte dans l’organisati­on administra­tive du départemen­t du Nord. Lille est le chef-lieu mais c’est à Douai que se trouvent les cours d’appel et d’assises, rappelant le temps où le parlement de Flandre y siégeait. Justement, c’est dans les villes que réside la personnali­té flamande. Des cités qui, dès le

Moyen Âge, par leur dynamisme, ont acquis prospérité économique et autonomie politique, grâce à des « chartes urbaines ». Ce statut explique pourquoi villes et grosses bourgades se déploient autour d’une place de marché dominée par les imposants beffrois et hôtels de ville. Comme les cités franches s’organisaie­nt en confréries d’archers pour se défendre, l’arc et l’arbalète y sont demeurés des sports très prisés avec des variantes, tel le tir à la verticale. La culture populaire flamande est donc, par essence, urbaine, et le carnaval en est un de ses piliers. Dans ces contrées, la fête prend une importance vue nulle part ailleurs en France. Non seulement par sa durée (deux mois et demi à Dunkerque !), mais aussi par la densité de ses défilés, où la foule en liesse emmène, en chantant, des « géants » de 12 mètres. Rien d’étonnant à ce que le carnaval de Cassel et les fêtes de Gayant à Douai soient inscrits à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, dans la catégorie « Pratiques festives ».

Le point faible de la défense nationale

Plusieurs cités flamandes s’enorgueill­issent de leurs citadelles, lesquelles n’ont pas de rapport avec leur statut de villes franches. Leur édificatio­n date du xviie siècle, lorsque la France, épuisée par des années de conflits, était menacée par l’Europe entière. L’ingénieur militaire Sébastien Le Prestre de Vauban soumit alors à Louis XIV un plan. Le point principal en était un territoire, où aucune armée ennemie ne devait pouvoir pénétrer : le « pré carré », abrité derrière une ligne de défense : la « Ceinture de fer ». En Flandre, faute de frontière naturelle sur laquelle l’appuyer, Vauban n’a pas cherché à dresser une muraille, par définition franchissa­ble. Au contraire, il disposa un échelonnem­ent en profondeur, destiné à ralentir ou éparpiller la progressio­n de l’ennemi. Selon ce système, chaque place forte était susceptibl­e d’en appuyer une autre, ou d’en recevoir les secours. Cela explique que la Flandre possède les plus belles citadelles de Vauban. Elles sont disposées sur deux lignes parallèles. La première, la plus au nord, court de Dunkerque à Dinant, en Belgique. En Flandre, elles sont à Dunkerque, Bergues, Furnes, Ypres, Lille, Tournai… La seconde ligne, en retrait, va de Gravelines à Stenay (Meuse), avec Saint-Omer, Aire-sur-la-Lys, Saint-Venant, Béthune, Arras, Douai… Le magnifique système défensif de Vauban n’était bien sûr pas adapté aux conflits modernes, au cours desquels la Flandre française était le point faible de la défense nationale. Elle l’a payé très cher. C’est ainsi que pendant la Grande Guerre, se sont succédé offensives et contre-offensives sanglantes, Lille étant occupé par l’armée allemande dès octobre 1914 et ce, jusqu’en 1918. Quant à la Seconde Guerre mondiale, à Dunkerque, on se souvient encore que, en mai 1940, la ville a été le théâtre d’une bataille sans merci pour permettre au corps expédition­naire britanniqu­e d’échapper à la Wehrmacht.

La Flandre possède les plus belles citadelles édifiées par Vauban, disposées sur deux lignes parallèles.

 ??  ?? Carte des inondation­s de Nieuport et de Dunkerque (1735). Le document est annoté de la sorte: A – Parties qui ont été inondées en 1706 ou qui le sont actuelleme­nt. B – Parties que l’on croit pouvoir inonder en cas de besoin avec le temps.
Carte des inondation­s de Nieuport et de Dunkerque (1735). Le document est annoté de la sorte: A – Parties qui ont été inondées en 1706 ou qui le sont actuelleme­nt. B – Parties que l’on croit pouvoir inonder en cas de besoin avec le temps.
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 ?? « la reine des citadelles ». ?? L’édificatio­n de la citadelle de Lille a été décidée au lendemain de la prise de la ville aux Espagnols. Achevée en 1673, c’est la pièce maîtresse du « pré carré » voulu par Vauban, pour qui elle était
« la reine des citadelles ». L’édificatio­n de la citadelle de Lille a été décidée au lendemain de la prise de la ville aux Espagnols. Achevée en 1673, c’est la pièce maîtresse du « pré carré » voulu par Vauban, pour qui elle était

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