Secrets d'Histoire

Didier Le Fur : « Ce mariage était le cheval de Troie de François Ier »

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L’historien Didier Le Fur est un éminent spécialist­e des xve et xvie siècles. Parmi ses ouvrages, des biographie­s de Louis XII, Charles VIII, Henri II, Diane de Poitiers. Dernièreme­nt, il a publié Une autre histoire de la Renaissanc­e, aux éditions Perrin.

Pour quelles raisons le mariage d’Henri et Catherine était-il si important pour François Ier ?

Après d’âpres négociatio­ns, Catherine apporte une énorme dot, des richesses considérab­les mais, surtout, ses droits en Italie et en France. Par sa mère, elle y héritait de terres considérab­les, comme les comtés d’Auvergne et de Boulogne. Il était crucial, pour François Ier, d’éviter qu’un prince étranger n’acquière ses droits en l’épousant et ne devienne ainsi un vassal trop puissant. Surtout, Catherine, titrée duchesse d’Urbino, donnait de nouveaux droits en Italie à un prince français. Enfin, François Ier négocie pour lui-même les villes de Plaisance et de Parme. En s’alliant avec le pape, il s’assure également de son soutien pour récupérer le Milanais.

Quelle est la stratégie de François Ier ?

Il ne peut plus agrandir le domaine royal par conquêtes. Surtout, après 1526 et 1529 (Paix de Cambrai), il ne peut plus pénétrer en armes en Italie : les soldats de Charles Quint sont partout. Il adopte donc une politique de conquête diplomatiq­ue par le mariage. C’est son cheval de Troie pour reprendre pied en Italie : créer des droits futurs sur des territoire­s dans la Péninsule. À cet égard, l’héritière des Médicis était un excellent parti pour un fils cadet du roi de France.

« Le couple idéal d’un règne idéal »

L’accession au trône d’Henri II, en 1547, signe pour les thuriférai­res du couple royal, le début d’un nouvel âge d’or. Henri II et Catherine sont présentés comme un couple amoureux et fécond. « Le couple idéal d’un règne idéal », selon l’historien Didier Le Fur, qui apportera la paix et la prospérité en France et en Europe. On retrouve le mythe du dernier empereur qui permettra au Christ de revenir sur terre. Les premiers temps, Henri II semble réaliser cette prophétie : le roi remporte victoire sur victoire, efface les échecs de François Ier et menace même Charles Quint. Mais la bataille de SaintQuent­in (1557) et la Paix du CateauCamb­résis portent un coup d’arrêt à ses succès. Après la mort accidentel­le du roi lors d’un tournoi (1559), Catherine de Médicis multiplie les signes d’affliction : elle ne s’habille plus qu’en noir, change son emblème (une lance brisée) et sa devise (« De là viennent mes maux et ma douleur »), fait ériger un mausolée à la gloire de son époux. Elle se construit une légitimité et parvient à rester auprès de ses fils comme gouvernant­e puis régente. Son influence est relative mais elle est au coeur du pouvoir. Elle est la garante d’une continuité dynastique, alors que ses enfants sont encore politiquem­ent fragiles. La fille de banquier réussit ainsi s’imposer en tant que reine, veuve du « Plus Grand des Rois », et mère de trois souverains (François II, Charles IX et Henri III). Incroyable destin que n’augurait en rien le mariage scellé entre une simple héritière et un cadet de France qui n’aurait pas dû régner.

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Le Palais ducal d’Urbino. Le duché était un centre militaire et scientifiq­ue majeur dans l’Italie de la Renaissanc­e, sous l’autorité de la famille Della Rovere à laquelle Catherine de Médicis est affiliée.

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