Secrets d'Histoire

Louis XIV, Marie-Thérèse d’Autriche et Madame de Maintenon : deux épouses pour le roi

Le premier mariage de Louis XIV avec l’infante d’Espagne est célébré avec faste, scellant la réconcilia­tion entre les puissances catholique­s française et espagnole. Celui qu’il contracte avec sa favorite, Madame de Maintenon, en revanche, reste secret. Bi

- Par Coline Bouvart

Le mariage de Louis XIV et de l’infante Marie-Thérèse est le fruit d’âpres négociatio­ns qui durent près de vingt années. Noué pour des raisons diplomatiq­ues et politiques, il apparaît comme le meilleur moyen de consolider la paix entre la France et l’Espagne, en guerre depuis 1635. Les enfants, tous deux nés en 1638, n’ignorant rien de ce projet, grandissen­t en se sachant destinés l’un à l’autre. Ce qui n’empêche pas Louis XIV de s’éprendre passionném­ent de la nièce de Mazarin, la ravissante et pleine d’esprit Marie Mancini. Alors que l’union espagnole se précise, il tente de se révolter contre l’autorité du cardinal et de sa mère Anne d’Autriche, fervente partisane de l’infante : il refuse de renoncer à son amour. La question du mariage avec l’élue de son coeur est même évoquée. Hélas, s’agissant du roi de France, une mésallianc­e est inenvisage­able. Rappelé à son devoir, ce dernier se sépare de sa belle lors d’une scène déchirante.

9 juin 1660 – Le Mariage de Louis XIV avec MarieThérè­se d’Autriche, fille du roi Philippe d’Espagne (1660), d’Adam Frans van der Meulen ; musée de Tessé, Le Mans.

Doublement cousins

En octobre 1659, un représenta­nt du roi de France se rend à Madrid pour demander l’infante. « Il arrive au palais au galop, afin de montrer l’impatience de son roi à se marier, explique l’historien Jean-François Solnon. Il est reçu par Philippe IV puis par Marie-Thérèse, à laquelle il est interdit de parler du mariage. Le roi d’Espagne fait savoir qu’il sera présent aux noces de sa fille. » Les deux Cours se rejoignent près de la frontière : côté espagnol, « tout au long du chemin, réjouissan­ces diverses, combats de taureaux, cérémonies religieuse­s se succèdent à la grande joie du peuple. » Pendant un mois, Philippe IV et son entourage séjournent au château de Fontarabie, tandis que la cour de France réside à Saint-Jean de Luz, la ville voisine. Le mariage par procuratio­n est célébré à Fontarabie, le 3 juin 1660. Les époux sont doublement cousins : Louis est fils d’Anne d’Autriche et de Louis XIII ; Marie-Thérèse est fille d’Élisabeth de France (soeur de Louis XIII) et de Philippe V (frère d’Anne d’Autriche).

La première rencontre

« Le 6 juin 1660 a lieu la rencontre officielle avec Louis XIV dans des bâtiments éphémères, édifiés exprès sur l’île des Faisans, au milieu de l’étroite rivière de la Bidassoa, raconte Jean-François Solnon. À l’exception de la robe de l’infante, les costumes des Espagnols étaient d’une sobre élégance, contrastan­t avec ceux des Français débordant de rubans et de dentelles colorés. Pour éviter tout incident fâcheux, chaque délégation foulait un tapis de velours qui représenta­it son territoire. Un espace était ménagé entre les deux tapis pour symboliser la séparation des deux royaumes. » On fait assaut d’amabilités, regrettant « avec des formules toutes faites, les trop longues années de guerre. Philippe IV semble heureux de revoir sa soeur Anne d’Autriche mais il se dérobe à ses baisers, étiquette oblige. » Anne aurait dit à son frère : « Je crois que Votre Majesté me pardonnera d’avoir été si bonne Française. » En devenant reine de France, en effet, elle a toujours privilégié son royaume, quitte à cautionner la guerre contre son pays natal. Marie-Thérèse en fera autant en 1667, lors de la guerre de Dévolution, soutenant les prétention­s de Louis XIV sur les territoire­s espagnols liés à sa dot. Lecture est donnée du

Jean-François Solnon : « Il fallait arrêter les guerres franco-espagnoles »

traité de paix et du contrat du mariage. Si MarieThérè­se est éblouie par la beauté de Louis XIV, celui-ci dit sa déception devant le physique ingrat de l’infante. Galant, il en attribue la cause à l’habit espagnol, tout en raideur : « J’attends de la voir habillée à la française pour savoir si elle est belle. » Pour signifier l’accord entre les promis et leurs nations, les rois s’embrassent, Mazarin passe dans la partie espagnole de la salle et Luis de Haro dans la partie française.

Un couple uni malgré les infidélité­s

Le 9 juin 1660, le mariage de Marie-Thérèse et de Louis XIV est célébré dans l’église de Saint-Jeande-Luz. La reine porte un long manteau fleurdelis­é, symbole de sa naturalisa­tion. Leur union est aussitôt consommée. Selon Jean-François Solnon, dans les premiers temps, le roi semble épris de celle qui lui est depuis toujours destinée. Puis elle perd l’attrait de la nouveauté. De son côté, « discrète, vertueuse, éloignée de toutes intrigues, passionném­ent amoureuse de Comment se sont passées les négociatio­ns du mariage de Louis XIV et de Marie-Thérèse ?

Mazarin portait ce projet depuis des années, espérant y gagner soit les Pays-Bas du Sud qui dépendaien­t de Madrid (Belgique, Luxembourg et une partie du nord de la France d’aujourd’hui), soit peut-être toute la succession espagnole. En revanche, Philippe IV n’y était pas préparé. La mort de son fils aîné Balthazar Charles, en 1646, faisait de sa fille Marie-Thérèse l’héritière de la Couronne. Pas question d’apporter celle-ci à la France si l’infante épousait son roi. Le remariage de Philippe IV et la naissance d’un nouvel héritier mâle en 1657, Philippe Prosper, ont écarté cette éventualit­é. L’union des jeunes gens devait faire oublier les affronteme­nts militaires entre les deux pays. Encore fallait-il arrêter la guerre.

Cette union a scellé la paix franco-espagnole…

La défaite espagnole à la bataille des Dunes, en 1658, a précipité la signature d’un traité. Négociée sur une île de la Bidassoa, à la frontière de la France et de l’Espagne, la Paix des Pyrénées fut signée le 7 novembre 1659. Elle prévoyait le mariage de Louis XIV avec l’infante. Une clause allait avoir d’importante­s conséquenc­es. Les Français exigèrent une dot colossale de 500 000 écus d’or. Une subtilité dans le texte indiquait que la renonciati­on à la succession espagnole était subordonné­e au paiement de cette dot. Or, Mazarin escomptait – ce qui arriva – qu’il n’aurait jamais lieu. Et, à la mort de Philippe IV, Louis XIV a réclamé la part de l’héritage de sa femme. son mari qui ne cesse, il est vrai, de lui témoigner de la tendresse, Marie-Thérèse supporte bon gré mal gré ses infidélité­s. Parlant mal le français, médiocre danseuse (alors que Louis est excellent), ayant le goût de jeux enfantins, elle reste fermée à l’esprit de Cour. » La reine

s’acquitte de son premier devoir : elle enfante six fois mais seul Louis, le Grand Dauphin, né en 1661, atteint l’âge adulte. Elle meurt, en juillet 1683, à Versailles. « C’est le premier chagrin qu’elle m’ait causé », fut la laconique oraison funèbre de celui qu’elle avait tant aimé.

La Maintenon, reine secrète

Devenu veuf, Louis XIV, qui a alors 45 ans, ne souhaite pas se retrouver au centre de nouvelles négociatio­ns matrimonia­les. S’étant éloigné des choses galantes, il aspire alors à une vie simple et pieuse. L’attachemen­t qui le lie à Françoise d’Aubigné, fait d’admiration, de tendresse, de respect et d’amour, l’incite à passer outre les origines modestes de la marquise de Maintenon. Son confesseur l’encourage à se mettre en règle avec Dieu : il sauvera son âme s’il épouse celle qu’il aime sous la forme d’un mariage morganatiq­ue sur le plan dynastique. Leur union est célébrée en toute discrétion à Versailles, dans la nuit du 9 au 10 octobre 1683. Elle reste secrète pour ne pas choquer la Cour. La marquise, elle-même, en détruira toute trace. Ses faveurs manifestes et son influence sur le roi en feront « la reine (secrète) de Versailles mais jamais celle de France ». Louis XIV lui est fidèle jusqu’à sa mort, qui survient en 1715. Elle le rejoint dans la tombe en 1719.

Le confesseur de Louis XIV l’encourage à se mettre en règle avec Dieu : il sauvera son âme s’il épouse celle qu’il aime sous la forme d’un mariage morganatiq­ue.

 ??  ??
 ??  ?? L’église SaintJean-Baptiste (xve siècle), à Jean-deLuz, dans les PyrénéesAt­lantiques. L’église était en réfection lorsqu’elle a accueilli, en 1660, le mariage de Louis XIV et de l’infante espagnole. Le retable monumental, en bois doré sculpté, a été mis en place en 1669, en souvenir de l’événement.
L’église SaintJean-Baptiste (xve siècle), à Jean-deLuz, dans les PyrénéesAt­lantiques. L’église était en réfection lorsqu’elle a accueilli, en 1660, le mariage de Louis XIV et de l’infante espagnole. Le retable monumental, en bois doré sculpté, a été mis en place en 1669, en souvenir de l’événement.
 ??  ?? 7 juin 1660 – L’Entrevue de Louis XIV et de Philippe IV sur l’île des Faisans, de Jacques Laumosnier (1669-1745) ; musée de Tessé, Le Mans.
7 juin 1660 – L’Entrevue de Louis XIV et de Philippe IV sur l’île des Faisans, de Jacques Laumosnier (1669-1745) ; musée de Tessé, Le Mans.
 ??  ??
 ??  ?? Louis de France, dit le Grand Dauphin (xviiie siècle), atelier de Hyacinthe Rigaud ; musée des Châteaux de Versailles. Le fils aîné de Louis XIV est mort en 1711, sans avoir jamais régné.
Louis de France, dit le Grand Dauphin (xviiie siècle), atelier de Hyacinthe Rigaud ; musée des Châteaux de Versailles. Le fils aîné de Louis XIV est mort en 1711, sans avoir jamais régné.
 ??  ?? Les Ménines ou La Famille de Philippe IV (1656), de Diego Vélazquez ; musée du Prado, Madrid.
Les Ménines ou La Famille de Philippe IV (1656), de Diego Vélazquez ; musée du Prado, Madrid.
 ??  ?? Vue du château de Versailles, jardins et parc (1668), de Pierre Patel ; musées des Châteaux de Versailles.
Vue du château de Versailles, jardins et parc (1668), de Pierre Patel ; musées des Châteaux de Versailles.
 ??  ?? Françoise d’Aubigné et sa nièce, miniature d’après Louis Elle (xviiie siècle).
Françoise d’Aubigné et sa nièce, miniature d’après Louis Elle (xviiie siècle).

Newspapers in French

Newspapers from France