Secrets d'Histoire

Rompre avec une furie

À tous ses amours, Mme de Staël refusait la séparation. Pour Benjamin Constant, avec qui elle entretenai­t une relation fusionnell­e quoiqu’impossible, cette obstinatio­n a atteint des sommets. Le feu de leur passion s’est consumé dans un mauvais vaudeville.

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C’est une relation terrible que celle d’un homme qui n’aime plus et d’une femme qui ne veut pas cesser d’être aimée. » Cette remarque désabusée, Benjamin Constant la fait à lui-même, dès 1805. Le lien qui l’unit à Germaine de Staël n’est désormais qu’une « associatio­n d’esprits ». Ils ne sont plus amants mais Minette, comme il la surnomme parfois, se montre de plus en plus tyrannique.

Crises de jalousie

Depuis la fin 1804, Benjamin Constant a renoué avec une ancienne amoureuse, Charlotte de Hardenberg, qu’il a connue à la cour du duc de Brunswick et qui a le même âge que lui, 37 ans. Elle est douce, tolérante. Sans avoir percé ce nouvel amour, Mme de Staël sent que son compagnon, jadis si épris, s’éloigne. Ses propres liaisons ne l’empêchent nullement de faire des scènes de jalousie qui durent la nuit entière. L’immense succès de son roman Corinne, dont Napoléon lui interdit d’aller recueillir les lauriers à Paris, ne l’apaise pas. Un soir d’août 1807, lors d’une crise plus violente que les autres, Benjamin Constant lui signifie son désir de rompre. Elle se roule par terre, hurle et tente même de s’asphyxier avec son mouchoir.

Benjamin Constant est horrifié par sa propre lâcheté servile. Cette fois, il est décidé : il lui faut en finir. Mais, courageux… il fuit ! Et trouve refuge chez sa cousine Rosalie.

Un mariage secret

Forcément, Benjamin Constant cède à celle qui s’apparente de plus en plus à une furie. Le lendemain, il est horrifié par sa lâcheté servile. Cette fois, il est décidé : il lui faut en finir. Courageux… il fuit ! Et trouve refuge chez sa cousine Rosalie. Germaine de Staël l’y poursuit. Il abdique encore, acceptant de revenir habiter à Coppet à la condition qu’il retrouve sa liberté quand elle partira à Vienne, à la fin de l’été comme elle l’a prévu depuis longtemps. Il profite de son séjour au château, pour achever l’écriture de sa tragédie Wallstein. En juin 1808, il offre à Charlotte de l’épouser en secret. En attendant mieux… Une année s’écoule pourtant, sans qu’il ose avouer sa trahison.

Mauvais roman

La nouvelle mariée aura du courage pour deux. Au soir du 8 mai 1809, elle prend l’initiative de faire passer un billet signé : « Charlotte Constant de Hardenberg » à Germaine de Staël. Laquelle ne va pas rendre les armes. Elle impose que le mariage – et l’affront – reste secret et que Benjamin Constant séjourne à Coppet jusqu’à la fin de l’été, comme il en avait fait le serment. « Je voudrais du fond de l’ âme que ces trois mois servissent à une douce fin de ma misérable existence », lui écrit-elle. Le dénouement est digne d’un mauvais roman. Charlotte menace de se suicider et sa rivale se fait une raison… En 1810, à 44 ans, Mme de Staël rencontre enfin l’amour absolu qu’elle cherchait. Il a les traits d’un militaire, Albert de Rocca, 23 ans. Ils se marient en 1811. Elle s’éteint le 14 juillet 1817 ; six mois plus tard, Rocca la suit dans la tombe.

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Mme de Staël en Corinne (xixe siècle), de Firmin Massot ; château de Coppet (Suisse).
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 ??  ?? Le dernier amour. Après Benjamin, Germaine se lie avec Albert, un soldat des armées de Napoléon. Portrait (xixe siècle), par PierreLoui­s Bouvier.
Le dernier amour. Après Benjamin, Germaine se lie avec Albert, un soldat des armées de Napoléon. Portrait (xixe siècle), par PierreLoui­s Bouvier.

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