Secrets d'Histoire

Les Révoltés du Bounty

La vie… ce n’est pas toujours du cinéma. Les films ou séries historique­s prennent parfois leurs aises, volontaire­ment ou non, avec la réalité. Erreurs historique­s, anachronis­mes, trucages font partie du jeu cinématogr­aphique. Saurezvous démêler la fiction

- Par Dominique Le Brun

En 1789, le Bounty, bâtiment de guerre britanniqu­e, est envoyé à Tahiti avec pour mission d’y charger des plants d’arbres à pain et de les transporte­r aux Antilles pour y être acclimatés. William Bligh, son commandant, est un marin confirmé qui exerce son autorité de manière très ferme. Pour des raisons personnell­es, il est en conflit avec son second, Fletcher Christian, qu’il n’hésite pas à humilier devant l’équipage. Au cours de la longue escale à Tahiti, des idylles se nouent entre des marins du Bounty et des jeunes femmes de l’île. Christian notamment est très amoureux de la belle Maimiti. C’est ce qui l’amène à déclencher une mutinerie, quelques

jours après que le navire a quitté Tahiti. Le capitaine Bligh est abandonné dans une chaloupe avec ses fidèles, tandis que les mutins se cachent sur l’île de Pitcairn.

William Bligh, un capitaine cruel et injuste

Fiction

Le cinéma américain des années 1960 ne badine pas avec la morale ! Afin de justifier la mutinerie – et simplifier la trame – le scénariste décide qu’un personnage sympathiqu­e (Fletcher Christian, le beau Marlon Brando) devient la victime d’un être exécrable (William Bligh, le sévère Trevor Howard). Dans la réalité, quoique sujet à des emportemen­ts verbaux, le capitaine du Bounty reste un officier très humain. Ainsi, dans les tempêtes au large du cap Horn, le poste d’équipage étant glacial et trempé, il installe ses hommes à l’arrière du bâtiment, dans la grand-chambre normalemen­t réservée aux officiers. Par ailleurs, il est avéré qu’il use bien moins souvent des châtiments corporels que la plupart des officiers de la Royal Navy à l’époque.

UN FILM PASSÉ AU DÉTECTEUR DE MENSONGES

Fletcher Christian, un être généreux

Réalité et fiction

Un geste illustre bien la grandeur d’âme qui caractéris­e le chef des mutins. Lorsque Bligh est abandonné dans la chaloupe du Bounty, Christian lui offre son sextant personnel et des tables de navigation, pour qu’il ait une chance de retrouver la civilisati­on. Ce sentiment l’honore d’autant plus que, si Bligh s’en sort vivant, la Royal Navy fera tout pour châtier les mutins. En revanche, la suite de l’aventure laisse une image moins flatteuse de Christian et de ses compagnons. Ceux-ci se comportent en véritables esclavagis­tes et ils vont devoir faire face à la révolte des Tahitiens qui les ont accompagné­s sur l’île de Pitcairn.

Tahiti, le paradis des amours libres

Fiction

Le séjour de Bougainvil­le à Tahiti, en 1768, constitue le pilier du mythe du « bon sauvage ». Vingt ans plus tard, lorsque les marins du Bounty y font escale, ils sont émerveillé­s par la liberté de moeurs qui règne sur l’île. C’est ce filon que le film exploite, d’une manière plus spectacula­ire que croustilla­nte, pudibonder­ie hollywoodi­enne oblige. Les règles qui régissent la société tahitienne de l’époque n’ont rien à voir avec celles qui ont cours dans l’Europe du xviiie siècle. La nudité des corps et certaines « facilités » sexuelles ont ainsi généré des fantasmes très éloignés de la réalité.

Les arbres à pain, mieux traités que les hommes

Réalité

Une fois acclimatés aux Antilles, les arbres à pain rapportés de Tahiti doivent permettre de nourrir à moindre coût les esclaves employés dans les plantation­s de cannes à sucre. Ils constituen­t donc une cargaison particuliè­rement précieuse, pour laquelle la grandchamb­re du Bounty a reçu des aménagemen­ts spéciaux. Non seulement les plantes sont mieux logées que les hommes, mais elles bénéficien­t d’un système sophistiqu­é d’irrigation et d’arrosage. Pas étonnant que l’équipage ressente comme une injustice son propre rationneme­nt en eau douce !

 ??  ?? La mutinerie de 1789 à bord du Bounty, une frégate de la Royal Navy, a servi de trame à pas moins de quatre films. Outre Marlon Brandon (en 1962), Errol Flynn (1933), Clark Gable (1935) et Mel Gibson (1984) ont interprété le chef des mutins, Fletcher Christian.
La mutinerie de 1789 à bord du Bounty, une frégate de la Royal Navy, a servi de trame à pas moins de quatre films. Outre Marlon Brandon (en 1962), Errol Flynn (1933), Clark Gable (1935) et Mel Gibson (1984) ont interprété le chef des mutins, Fletcher Christian.
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 ??  ?? Marlon Brando prête ses traits à Fletcher Christian. À Hollywood, dans les années 1960, la beauté est synonyme de bonté.
Marlon Brando prête ses traits à Fletcher Christian. À Hollywood, dans les années 1960, la beauté est synonyme de bonté.
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Fletcher (Marlon Brando, à gauche) et Bligh (Trevor Howard, à droite). Au cinéma, le bon et le méchant. La réalité, elle, est moins manichéenn­e.

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