Secrets d'Histoire

La nation, l’âme d’un peuple

Qu’est-ce qu’un pays ? Une histoire, des frontières, une capitale, une langue, une religion, une monnaie unique et des symboles partagés par tout un peuple. Pendant quatorze siècles, les rois de France ont largement contribué à créer une identité commune

- Par Sophie Denis

En 481, Clovis n’est qu’un petit roitelet âgé d’une quinzaine d’années, fils d’un chef barbare, Childéric Ier. Il vient d’hériter d’un bout de territoire gros comme un confetti, circonscri­t à la région de Tournai dans l’actuelle Belgique. Ses exceptionn­elles qualités de chef de guerre liées à un grand sens politique lui font étendre son royaume vers l’est et le centre de notre France. À la veille de sa mort, en 511, il est devenu le seul maître des Francs, et son territoire s’étend désormais du Rhin jusqu’aux Pyrénées. Les livres d’Histoire le consacrero­nt premier roi de France, même si le terme France est un anachronis­me.

Une capitale de 30 000 habitants

D’abord installé à Tournai, puis à Soissons, qui lui donne le contrôle du nord de la Gaule, il décide en 508 de faire de Paris sa capitale. Ancienne Lutèce devenue capitale des Parisii, une tribu gauloise, Paris est alors une ville moyenne de 30 000 habitants, bien moins importante que Lyon, l’ancienne capitale des Gaules. Elle n’a évidemment pas la superficie que nous lui connaisson­s, circonscri­te à l’île de la Cité, occupée par les Parisii, et un bout de l’actuel Quartier latin, où les Romains ont bâti une ville nouvelle entre la rue Saint-Martin et la rue Saint-Jacques. Les choix de Clovis sont éminemment stratégiqu­es : Paris est en effet plus centrale que Soissons dans l’actuelle configurat­ion du royaume. Garnison fortifiée – il lui a fallu repousser l’assaut des Huns – elle a aussi été la résidence des empereurs Julien l’Apostat, de 357 à 360, puis de Valentinie­n Ier en 365. C’est sur la rive gauche, au pied du mont Lucotitius, devenu plus tard montagne Sainte-Geneviève, que Clovis s’installe, à l’abri des murs somptueux du palais des Thermes. Construit à la fin du iiie siècle par le gouverneur général des Gaules, il rappelle par

Ancienne Lutèce devenue capitale des Parisii, une tribu gauloise, Paris est alors une ville moyenne de 30 000 habitants, bien moins importante que Lyon, l’ancienne capitale des Gaules.

son luxe et ses dimensions le palais des Thermes bâti à Rome par l’empereur Dioclétien. Il est réputé pour le luxe de ses salles de bains, alimentées par aqueduc depuis Arcueil et Rungis. Les restes du palais des Thermes seront par la suite absorbés dans l’hôtel des abbés de Cluny, devenu le musée du même nom.

Un long règne parfois interrompu

Clovis ne change pas la physionomi­e de la ville. Tout juste fait-il construire quelques églises, pour affirmer sa nouvelle foi chrétienne. La basilique des Saints-Apôtres, dédiée à saint Pierre et saint Paul est bâtie sur le mont Lucotitius, lieu choisi par son épouse Clotilde. C’est là qu’il est enterré l’année suivante, en 511, rejoint bientôt par sainte Geneviève dont il fut un disciple. La renommée de l’église ne cesse de croître, jusqu’à devenir l’abbaye SainteGene­viève avant de tomber en ruines et d’être finalement démolie au début du xixe siècle, où quelques-uns de ses vestiges sont utilisés pour le lycée Henri IV. Paris capitale ? Clovis était loin de se douter que son choix serait maintenu seize siècles plus tard. Encore a-t-elle connu quelques interrupti­ons pendant son long règne : elle a été supplantée par Aix-laChapelle sous le règne de Charlemagn­e, par Tours entre 1422 et 1528, puis de nouveau entre 1588 et 1594, par Versailles dès 1682, enfin par Bordeaux et Vichy, aux heures parmi les plus sombres de l’Histoire de France.

 ??  ?? Sainte Geneviève rend la confiance et le calme aux Parisiens effrayés de l’approche d’Attila, panneau central de la fresque en triptyque du Panthéon, par Jules-Élie Delaunay.
Sainte Geneviève rend la confiance et le calme aux Parisiens effrayés de l’approche d’Attila, panneau central de la fresque en triptyque du Panthéon, par Jules-Élie Delaunay.
 ??  ?? Clovis Ier (466-511) et son épouse Clotilde (475545), qui l’a converti à la foi catholique. Esquisse de détail pour le décor de la coupole de l’église SainteGene­viève (le Panthéon), vers 1811, par Antoine-Jean Gros (17711835).
Clovis Ier (466-511) et son épouse Clotilde (475545), qui l’a converti à la foi catholique. Esquisse de détail pour le décor de la coupole de l’église SainteGene­viève (le Panthéon), vers 1811, par Antoine-Jean Gros (17711835).
 ??  ?? Vue aérienne du Quartier Latin, avec la tour Clovis du lycée Henri IV et l’église Saint-Étiennedu-Mont.
Vue aérienne du Quartier Latin, avec la tour Clovis du lycée Henri IV et l’église Saint-Étiennedu-Mont.

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