L’amant encombrant
Arrivée au sommet du pouvoir, Catherine montre rapidement qu’elle a l’envergure d’un chef d’État. Championne du nationalisme russe, elle entreprend une vaste réforme du pays. À ses côtés, Grégoire Orlov peine à trouver sa place, en dehors du lit de l’impératrice, et vit mal cette « inversion des rôles ». Et pourtant, elle l’aime...
De lourdes tâches attendent la nouvelle impératrice : remplir les caisses de l’État qui sont vides, payer l’armée, sans solde depuis huit mois, calmer les révoltes des paysans, s’attaquer à la corruption, restaurer la confiance, réformer en profondeur l’administration gangrenée par la fainéantise, l’ignorance et le chaos. Tête bien faite, formée par la lecture de Montesquieu et Voltaire, Catherine est aussi un bourreau de travail, oeuvrant jusqu’à 15 heures par jour avec une efficacité redoutable. Un jour, elle demande aux sénateurs combien la Russie compte de villes, mais aucun n’est susceptible de lui répondre. Qu’on aille chercher une carte du pays ! Le Sénat n’en possède pas. Elle en fait acheter une à l’Académie des sciences, signifiant ainsi aux sénateurs leur amateurisme.
L’union de la carpe et du lapin
Par-delà les frontières, elle réaffirme l’intérêt de la Russie pour la Pologne et souhaite étendre son pouvoir au Moyen-Orient. En trente-quatre ans de règne, elle apportera
plus de 500 000 km2 de territoire à l’empire. Une seule chose l’anime, son amour pour la Russie... et pour le Russe, qu’elle décrit ainsi, dans ses Mémoires : « Jamais l’univers ne produisit d’individu plus mâle, plus posé, plus franc, plus humain... Aucun homme ne l’égale en régularité de traits, en beauté de visage, en éclat de teint, carrure...» Nul doute que Grégoire Orlov soit l’inspirateur de ces lignes. Son amant est devenu un des personnages les plus puissants de la Cour. Catherine lui est reconnaissante de sa participation au coup d’État, tout comme de sa fougue au lit. Sans doute est-elle amoureuse, même si beaucoup s’étonnent de cette liaison de la carpe et du lapin. Grégoire n’est ni noble, ni intelligent, ni cultivé. Elle le couvre pourtant de cadeaux, lui attribue 120 000 roubles par an et un palais.
Un comportement de parvenu
Un traitement de faveur dont bientôt Orlov ne se satisfait plus. Avec une arrogance non dissimulée, il se comporte comme un petit chef à la Cour. Des témoignages le décrivent vautré sur un sofa dans la chambre de l’impératrice, ouvrant en son absence des plis officiels. Comme une maîtresse entretenue, le voilà qui rêve désormais au mariage ! Après tout, Catherine est libre, débarrassée de son mari, sans doute assassiné par Alexis Orlov. Le clan de ses frères pousse bien sûr au mariage, tandis que Catherine songe plutôt à une union secrète. N’y a-t-il pas un précédent avec Élisabeth et son favori, Alexis Razoumovski ? Mais l’hostilité de la noblesse est telle qu’elle renonce et donne à Grégoire, en guise de consolation, un titre de comte et un portrait d’elle dans un médaillon de diamants en forme de coeur. Catherine est bien inspirée, un complot contre Grégoire et son frère Alexis,
fomenté par de jeunes officiers, est déjoué in extremis. Colérique, jaloux, exigent, Grégoire commence à lasser son impériale maîtresse. Pourtant, elle ne se décide pas à le quitter. Par peur de sa réaction ? L’homme est un colosse. Par fidélité ? Par tendresse ? Les années qui passent ne parviennent pas à dénouer le lien qui les unit. Sans doute Catherine a-t-elle trop besoin d’être aimée pour renoncer à la présence de son amant, si rustre soit-il.
Le héros de Moscou
Grégoire s’ennuie, Grégoire cherche à briller aux yeux de Catherine, à trouver sa place d’homme auprès d’une femme conquérante qui ne le laisse s’exprimer qu’au lit. Elle lui refuse même de partir en guerre contre les Turcs, peut-être par peur de le perdre. Aussi sautet-il sur l’occasion quand elle se présente : une épidémie de peste se déclare à Moscou, provoquant la panique du peuple. Grégoire propose de s’y rendre pour rétablir la confiance et éteindre la révolte dans l’oeuf. Catherine y consent, malgré les dangers, plus grands encore que sur un champ de bataille. Chaque jour, il meurt 700 personnes à Moscou. Trois mois plus tard, l’épidémie est jugulée, la paix revenue, Grégoire rentre en héros. Catherine le couvre d’honneur, fait dresser pour lui un arc de triomphe... mais lui ouvre de moins en moins la porte de sa chambre. Leur histoire touche-t-elle à sa fin ?
Colérique, jaloux, exigent, Grégoire commence à lasser son impériale maîtresse. Pourtant, elle ne se décide pas à le quitter. Par peur de sa réaction ? L’homme est un colosse. Par fidélité ? Par tendresse ?