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PSG - OM en Coupe: le vrai Classico

- PAR NICOLAS KSSIS-MARTOV. PHOTOS: PANORAMIC / ARCHIVES FFF

Le PSG 1993 vainqueur sans encaisser un seul but / Capitaine Raí / Papin Papin Papin! / Le but de Vikash Dhorasoo / La première victoire de l’OM / Le quadruplé du PSG / Le bisou du président Borelli à la pelouse du Parc / Le dernier match de Zlatan à Paris

Les deux plus grands du foot tricolore en matière de popularité (donc également en retour d’hostilité), l’OM et le PSG, ont gagné la Coupe de France dix fois chacun, un record. Surtout, leur rivalité y a trouvé l’occasion de s’exprimer de la manière la plus clinquante et émouvante qui soit. Rien ne peut en effet remplacer la douleur ou la joie d’une éliminatio­n directe, d’une qualificat­ion, voire d’un titre face à un éternel rival.

Même si le stade de France est toujours aussi froid, même si les supporters ne sont plus vraiment présents, même si l’enjeu sportif n’était pas au rendez-vous, gagner une Coupe de France contre l’OM reste un plaisir terrible. Un moyen de rappeler aux Marseillai­s, malgré la fameuse Coupe d’Europe dont ils nous rebattent les oreilles, qui nous sommes et

où ils en sont.” Amar, ancien porte-parole des Lutèce Falco, groupe de supporters du Virage Auteuil, fidèle parmi les fidèles des couleurs de la capitale, savoure encore ce dernier succès le 21 mai 2016. Un succès si prévisible qu’il en fut presque relégué au second rang derrière le départ de Zlatan Ibrahimovi­ć, dont la “légende” éclipsa presque la remise du trophée. Presque. Car il s’avère impossible pour ces deux équipes, le PSG et l’OM, de se retrouver sur une pelouse sans finir par tutoyer le tragique ou le sublime, bien au- delà de la simple analyse tactique de la rencontre, des stats ou des notes des joueurs. Un exemple: le 27 février 2013, au Parc des Princes, en huitièmes de finale cette fois. Le rouleau compresseu­r de Laurent Blanc déroule sans problème. Toutefois, Joey Barton, le trublion britanniqu­e, qui, à défaut de briller sur le terrain, assure le show et fait se pâmer les ultras phocéens, va presque à lui seul remporter le match symbolique en ridiculisa­nt le géant suédois, mimant devant lui un grand nez à la Cyrano. Une blague de potache, suffisante pour réchauffer le coeur des supporters marseillai­s et occulter le score.

Certes, la rivalité entre le PSG et OM en Coupe pourrait se limiter à compter les coups, et les coupes. Et de ce point de vue, le PSG, contrairem­ent au championna­t, a clairement pris le dessus. En seulement 50 ans d’existence, il a ramassé autant de Coupe de France (10) que l’Olympique en plus de 116 ans (à côté de ses 10 titres, l’OM a perdu 9 finales, le PSG 4). Surtout Marseille n’a engrangé qu’une seule qualificat­ion en dix confrontat­ions directes contre son ennemi juré. Cet unique succès remonte au 28 avril 1991. L’équipe emmenée par Raymond Goethals va parvenir à enfoncer Paris à domicile, lors de ce huitième de finale, entre car caillassé – la routine – et jet de sièges sur les forces de l’ordre. La star JPP notamment s’amuse de la défense parisienne et les exploits de Pascal Olmeta neutralise les vaines tentatives de Daniel Bravo. Le portier en

garde un souvenir ému encore aujourd’hui:

“La Coupe de France contre Paris? Imagine que tu veux séduire une jolie fille et que tu ne sais pas comment t’y prendre, alors que tu veux absolument y arriver. Battre le PSG au Parc en Coupe, c’est ce dont rêve tout enfant, disputer ce type de matchs. C’était de la folie. Tu n’as qu’une envie: boxer la pelouse. Il faut le vivre pour le croire.”

La Coupe conserve donc un charme unique, une culture spécifique. Elle appartient désormais au patrimoine national au même titre que nos musées ou le Tour de France. “La Coupe de tous les clubs de France, ce n’est pas rien tout de même,

renchérit Fabrice Fiorèse qui évolua, non sans mal, dans les deux clubs durant les

années 2000. C’est in fine la cerise sur le gâteau, continue-t-il. Même si j’ai toujours eu l’impression que dans les deux clubs, la priorité restait le championna­t, cela demeurait un objectif présent, particulie­r. Cependant, tu commences surtout vraiment à sentir la pression quand tu arrives dans le dernier carré.” “Pour moi, tu y retrouves tout ce qui fait vibrer un supporter, précise

Amar, le côté éliminatio­n directe, la tension, tu vis la sanction ou le triomphe le soir même, alors qu’en championna­t, tu oublies

vite au bout du compte 80 % des matchs de la saison. Une défaite et une éliminatio­n en Coupe en revanche, tu ne risques pas de

les digérer si facilement.” Pour preuve ce 16e de finale anodin du 10 février 2002. Pas franchemen­t un choc pour ces deux formations qui tentent alors d’exister face à Lyon et Lens. Pourtant à la suite de 120 minutes stressante­s, seul le talent et la réussite du gardien parisien, Jérôme Alonzo, permettra de départager les deux équipes, au bout d’une épique et interminab­le séance de tirs au buts ( 7-6). Si le Parc était loin d’être plein, 30 000 spectateur­s à peine, les présents tremblent encore à l’idée de revivre une si longue torture.

D’ailleurs, les vrais débuts de la friction et des premières étincelles entre les deux clubs et leurs publics respectifs se sont s’abord manifestés en Coupe de France, avant d’enflammer notre L1 pour le plus grand bonheur de Canal Plus ou beIN Sports. Rembobinon­s. 1975. Marseille est un géant qui court aux côtés de Lyon et Nîmes derrière Saint-Étienne en championna­t. Le PSG, lui, ne représente encore qu’un petit bébé qui commence à peine à marcher dans la cour des grands.

“Battre le PSG au Parc en Coupe, c’est ce dont rêve tout enfant, disputer ce type de matchs.” Pascal Olmeta

Mais le destin des clubs va se croiser, dans tous les sens du terme, en huitièmes de finale. Just Fontaine, l’entraîneur des Parisiens et légende du foot français à jamais meilleur buteur en Coupe du monde, ne s’est toujours pas remis du climat hostile qui les attendait au Vélodrome. “Le match était tendu, l’atmosphère électrique. J’en ai été déstabilis­é. Notre bus a été attaqué à coup de pierres sur le chemin du stade. Franchemen­t, je ne comprenais pas du tout pourquoi. Avant, que ce soit avec le Red Star ou le Racing de Paris, je n’avais rien vu de tel, jamais ressenti une haine particuliè­re entre les clubs de Paris et l’OM. On n’a d’ailleurs jamais su qui étaient les imbéciles responsabl­es.” Le foot français n’est alors pas habitué à vivre pareilles scènes. Des CRS sont appelés en renfort et reçus à coup de parpaings, certains témoignage­s évoquent des cocktails Molotov. Daniel Hechter, président du club parisien, est évacué par une porte dérobée, quand l’arbitre se retrouve exfiltré tel un agent secret dans une voiture de police. Dans ce contexte particulie­r, les Parisiens, pourtant très loin d’être favoris, ont toutefois réussi à prendre l’avantage psychologi­que. Le nul 2-2 ramené de Marseille grâce à un doublé de l’internatio­nal congolais François M’Pelé laisse toutes ses chances aux challenger­s. Au retour, leurs pieds ne tremblent pas. “Finalement, c’est triste, regrette Just Fontaine. Personne ne semble l’avoir retenu, alors que cela constituai­t un quasi-exploit pour nous. Malgré leur vedette brésilienn­e Paulo César, nous les avions battus deux zéro. Après la montée en D1, il s’agissait d’une seconde source de grande fierté… Et puis je me souviens que pour la première fois, j’ai vraiment senti le public parisien avec nous au parc, qui était enfin bondé et qui nous poussait.” Cet événement est également le début d’une grande romance entre le PSG et la Coupe de France. Il va y écrire les premières belles pages de son livre d’or et y graver ses premiers faits d’armes, notamment avec la victoire sur les Verts de Michel Platini en 1982 et la scène mythique d’un Borelli, alors président, embrassant la pelouse sacrée du Parc où se tenaient

encore les finales. La finale, il faudra justement attendre encore longtemps avant que PSG et OM ne puissent y régler leurs comptes. Une éternité de patience. 2006. L’épreuve de vérité. Guy Lacombe, l’entraîneur parisien de l’époque, souligne du haut de sa longue expérience qu’il ne saurait s’agir d’un match comme un autre. “C’est une leçon que j’ai tirée de tous les clubs dans lesquels je suis passé, à Paris spécifique­ment ce club sent ce trophée: du balayeur au président, tout le monde était

sur le pied de guerre.” Cette finale s’inscrit surtout dans un contexte exceptionn­el. Les deux clubs ne sont pas au mieux et loin en tout cas d’un OL outrageuse­ment dominateur. Toutefois, toute la France du foot n’a d’yeux que pour ce choc. Il faut dire que la rivalité entre les deux clubs, largement entretenue par les directions et les médias, n’a cessé de grandir et atteint cette année-là des sommets. Vexé par le comporteme­nt de son homologue parisien, Pape Diouf, l’emblématiq­ue président de l’OM, avait envoyé les jeunes espoirs du centre de formation, les “minots”, disputer le Classico au Parc au lieu du onze type. Ils avaient décroché un nul héroïque pour la plus grande fierté de la Canebière. Les retrouvail­les entre “seniors” sentaient le feu et le soufre. “C’est difficile de résumer l’atmosphère, se

rappelle Guy Lacombe. Lorsque le tirage était tombé et que l’on avait su qu’il était possible de tomber contre eux en finale, nous nous étions dit avec Pedro Pauleta qu’il fallait absolument la gagner. Nous n’étions pas vraiment favoris. L’OM avait une très belle équipe en face. Ce qui m’a marqué le plus reste l’entrée des joueurs, l’électricit­é dans l’air du SDF, je me suis dit intérieure­ment: ‘Ce soir, ce sera bon pour

nous.’ Rien qu’en regardant le visage de mes joueurs cadres, j’ai senti le onze très déterminé. Je me souviens de celui de Vikash (Dhorasoo), il m’avait étonné. Il est si cool généraleme­nt. Il était presque livide. Et tous mes gars étaient

au diapason.” Le coach ne sera pas déçu. Déjouant tous les pronostics, le PSG l’emporte, par le miracle notamment d’un boulet de canon de Dhorasoo, transfigur­é par l’événement et qui sauve par là même une saison plus que moyenne. “Quelque part, cela a même un peu caché les problèmes à venir, car la suite fut beaucoup moins reluisante”,

sourit Amar. Voici bel et bien la vocation de la Coupe de France. Loin des apparences et des rapports de force, des budgets et des revues d’effectif, elle ouvre toujours le champ des possibles. De quoi désormais laisser de grands espoirs de rédemption aux Marseillai­s. Reste à expliquer à Frank McCourt la différence avec les play-offs.

“Pour la première fois, j’ai vraiment senti le public parisien avec nous au parc, qui était enfin bondé et qui nous poussait.” Just Fontaine

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Rabiot au milieu de la défense marseillai­se, lors de la dernière finale
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 ??  ?? Rothen, Paulo César, Pauleta, Yépès, Cissé, Armand, Rozehnal, et la Coupe de France 2006
Rothen, Paulo César, Pauleta, Yépès, Cissé, Armand, Rozehnal, et la Coupe de France 2006

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