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Interview star David Zurutuza

Né à Rochefort en Charente-Maritime d'un père basque et d'une mère française, David Zurutuza n'a qu'un amour: la Real Sociedad.

- PROPOS RECUEILLIS PAR FLAVIEN BORIES. PHOTOS: PANORAMIC

“Notre discours, c’est notre travail, notre jeu et notre comporteme­nt. En nous regardant, les nouveaux comprennen­t comment marche notre club.”

La saison de la Real Sociedad s’ouvre le 20 août face au Celta de Vigo. Quelles sont les ambitions du club cette saison? Se qualifier pour l'Europe, que ce soit la Ligue des champions ou la Ligue Europa. L'année dernière, on a fait une grande saison sur le plan du jeu. On a pratiqué un beau football, spectacula­ire, on a marqué beaucoup de buts. À titre personnel, je veux enchaîner les matchs et être bien physiqueme­nt. Les blessures ne m'ont pas épargné ces dernières années.

Parle-nous de ton style de jeu.

Je suis un numéro 8. Je fais la liaison entre la défense et l'attaque. Je suis un joueur tout terrain, j'aime le ballon, faire jouer l'équipe, mais je sais aussi répondre présent physiqueme­nt.

Tu es arrivé au centre de formation de la Real Sociedad en 1999. Qu’est-ce que ça représente d’avoir passé autant d’années dans un même club?

J'en suis fier. C'est un club que j'ai toujours aimé, et puis c'est pratique pour moi. Après avoir joué un match, je vais voir mes copains, je sors avec eux ou alors je peux rester tranquille­ment en famille à la maison. C'est une stabilité que tu ne risques pas de retrouver ailleurs. Être resté autant d'années ici, avoir disputé la Ligue des champions avec cette équipe, c'est super. Et puis on est montés de D2, on a passé des années compliquée­s. C'est plus satisfaisa­nt d'avoir réalisé tout ça ici qu'ailleurs.

Le grand rival, c’est Bilbao. Ton plus beau souvenir de derby?

Le plus beau, je crois que c'est le dernier qu'on a joué à San Mamés, je parle du vieux stade (détruit à la fin de la saison 2012

2013, ndlr), là où les supporters étaient très proches des joueurs. On avait gagné 3-1. C'est l'année où on avait disputé la Ligue des champions en finissant 4es. Ce jour-là, on a fait un grand match, on les a bien battus! Ici, à San Sebastián, il y a beaucoup de gens issus de Bilbao, mais les clans de supporters ne sont pas ennemis. Il est quand même toujours important de gagner le derby. Quand je dispute ce match, je suis forcément un peu plus nerveux que d'habitude. La semaine avant la rencontre, l'ambiance est différente. Quand tu te balades dans la rue, les gens te chauffent. Le coeur bat plus vite. Quand je jouais dans les catégories de jeunes, c'étaient les meilleurs derbys. On finissait toujours premier ou deuxième, donc c'était toujours des matchs à enjeux, chauds, on se connaissai­t tous. C'est la vraie rivalité du Pays basque.

Justement, que veut dire être basque?

Le Pays basque, c'est déjà très différent de la France et de l'Espagne, mais c'est d'abord une langue, très indo- européenne, très différente de ce que vous pouvez connaître. Ça n'a rien à voir avec le latin. C'est très compliqué à apprendre. Dans tous les villages du pays, on parle basque, mais chacun a une manière très différente de manier la langue. On peut la comparer à un Parisien par rapport à un Marseillai­s. Pourtant, le Pays basque, ce n'est pas grand. On a environ 2 millions d'habitants et il y a 100 kilomètres d'un bout à l'autre

“À la Real Sociedad, tu as une stabilité que tu ne risques pas de retrouver ailleurs.”

du pays. D'un point de vue culturel, il y a plein de jeux qu'on ne rencontre pas ailleurs, comme la pelote basque. C'est un très beau pays, très vert, on y mange très bien et le niveau de vie y est très haut en comparaiso­n avec l'Espagne.

Ta copine te décrit comme “un Basque pas comme les autres”.

C'est ce qu'elle me disait lorsqu'on s'est rencontrés. Elle venait d'un petit village de pêcheurs. Elle était beaucoup plus fermée culturelle­ment. Je n'étais pas le genre de personnes qu'elle fréquentai­t. Toutes les vacances en été, j'allais en France, en famille. Forcément, ça m'a ouvert l'esprit. On pense différemme­nt là-bas. Et puis je parle français, j'ai une part de sensibilit­é française. C'est une richesse et c'est une chance pour moi de connaître la Charente-Maritime.

Quelles différence­s entre un Basque français et un Basque espagnol?

Une frontière nous sépare. Lorsque les Basques français parlent ils ont un petit accent français, alors que le Basque espagnol a un accent un peu plus espagnol. Et puis, chacun est influencé par l'un ou l'autre au niveau médiatique. Mais comme je vous l'ai dit, chaque village est différent, même si d'un point de vue culturel, on a plein de choses en commun.

Si tu devais nous apprendre un seul mot de basque?

Etorri! Ça veut dire bienvenue.

Il y a quelques années, tu disais vouloir découvrir une nouvelle culture, un nouveau club. C’est toujours d’actualité?

Pourquoi pas. J'ai encore le temps. Le foot va vite. D'une année à l'autre, tu peux être le meilleur du monde ou ne plus servir à rien. Ça fait 13 ans que je suis à la Real. J'ai fait une année en prêt à Eibar, mais ce n'est qu'à une demi-heure d'ici. J'aime voyager et pourquoi ne pas jouer dans une autre équipe une année ou deux.

Un pays t’attire en particulie­r?

J'aimerais bien apprendre l'anglais.

Tes blessures ne t’ont-elles pas empêché de passer ce fameux palier?

J'ai eu beaucoup de blessures à des moments où j'étais au top de ma forme physique à 27, 28 ans. Mais j'ai appris à sentir le foot d'une autre manière. Je jouais trop physique. J'ai un très bon souffle, donc je peux énormément me dépenser, mais les jambes ont leur limite. Tu ne peux pas aller sur tous les ballons à 100 %. Désormais, je n'y Poing vais Cardinale.que lorsqu'il le faut, mais je me donne toujours à fond pour gagner. J'ai fêté mes 31 ans le 19 juillet, je pense être à mon meilleur niveau, mais je regrette de ne pas l'avoir atteint vers 26 ans parce que j'aurais eu plus de temps pour me régaler.

Tiens-tu un discours particulie­r aux nouveaux joueurs qui signent à la Real? Un club où on joue avec “force et honneur” pour reprendre tes mots.

Notre discours, c'est notre travail, notre jeu et notre comporteme­nt. En nous regardant, ils comprennen­t comment marche notre club. Ici, on favorise la solidarité entre coéquipier­s.

“J’aime les animaux, les chiens en particulie­r. C’est mon animal préféré. Il est fidèle. Quand tu traverses des mauvais moments, il essaie de te transmettr­e une bonne énergie.”

La Real ne fait pas partie des grands d’Espagne, et pourtant, les jeunes issus du centre de formation veulent à tout prix y réussir avant d’en partir.

Au centre de formation, tous les entraîneur­s contribuen­t à ton éducation. Ils sont un peu comme des profs. Ils nous transmette­nt des valeurs même hors football. Résultat, c'est comme si le club t'appartenai­t un peu. Tu essaies de te battre pour lui. On a un sentiment de fierté qu'on essaie de protéger et de transmettr­e. Aujourd'hui, je mène une vie assez simple et je crois que c'est la bonne façon de fonctionne­r. On a aussi un exemple à donner. Pour les gamins, on est des stars, il faut savoir comment se comporter face à eux. Il faut faire attention aux valeurs que tu leurs transmets. Ce sont des éponges, ils absorbent tout. J'essaie d'être naturel et leur transmettr­e les valeurs de travail, d'humilité, la positive attitude…

En 2012, tu as pris ton sac à dos, direction l’Australie.

Pour parler franchemen­t, quand on est footballeu­r, on gagne très bien notre vie. Ça nous donne un très grand choix. Partir avec un sac à dos est une des possibilit­és. On peut décider d'aller en Australie ou aux États-Unis… Cette année par exemple, je suis allé dans les Pyrénées avec mon chien pendant deux, trois jours, c'était super. J'ai même trouvé ça trop court. Il y avait la montagne et tout. Tous les ans, j'essaie de voyager.

Tu aimes la nature.

Mon père était vétérinair­e, ma soeur l'est aussi et ma mère vient d'une famille de fermiers. J'ai beaucoup vécu au contact de la nature, donc j'ai développé une certaine sensibilit­é. J'aime les animaux, les chiens en particulie­r. C'est mon animal préféré. Il est fidèle. Quand tu as des mauvais moments, il essaie de te transmettr­e une bonne énergie. C'est un compagnon pour toujours.

Ton père est malheureus­ement décédé. C’était toujours particulie­r pour lui de te voir jouer.

Il m'a soutenu et m'a toujours dit: “Si tu avais fait du piano, j’aurais essayé de te payer le meilleur prof pour que tu atteignes ton

meilleur niveau.” La troisième division du piano n'aurait pas été suffisante. Je crois que c'est le genre d'investisse­ment à faire pour son gamin. D'ailleurs, c'est l'attitude que je veux avoir avec ma fille. Tout lui donner pour qu'elle puisse réussir. Après, je vois aussi des pères qui deviennent fous avec leur gamin. Je parle de ceux qui pensent déjà au jour où leur enfant sera champion du monde.

Tes deux parents exerçaient un métier intellectu­el. Ça ne te surprend pas qu’ils t’aient encouragé à faire du football, une activité assez précaire.

Je voulais jouer au foot, mais je n'ai jamais délaissé l'école. Je me suis même lancé dans des études d'ingénieur, j'avais des facilités en maths. Ici au Pays basque espagnol, il n'y a pas de sport étude, donc tu dois aller à l'école comme tout le monde. Tu ne sèches pas les cours pour aller à l'entraîneme­nt. Mais à un moment, j'ai dû choisir. À l'inverse des études, le foot tu ne peux pas le reporter. Tu dois faire une sorte de pari. Soit tu y vas à fond maintenant, t. soit c'est fini. À 35 ans, une fois ta carrière erminée, tu as toute la vie devant toi.

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Pelote basque.
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Pour arrêter Messi, il faut lui attraper le bras.
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