So Foot Club

Centre de formation Hussein Dey

Dans les années 1970, le Nasria d'Hussein Dey a été le cocon des plus grandes stars algérienne­s. Aujourd'hui, il tente de se relancer.

- TEXTE & PHOTOS: CHRISTOPHE GLEIZES, À ALGER

En ce mercredi d'été, les façades blanches du centre-ville d'Alger, qui font fièrement face à la Méditerran­ée, reflètent le soleil qui brûle au zénith. Il faut cependant aller plus au sud de la capitale, dans un quartier moins scintillan­t, pour remonter la trace du NA Hussein Dey, club historique de la banlieue algéroise. Dans cette cité polluée et populaire, située le long d'un immense échangeur d'autoroute, les habitants tuent le temps en squattant les trottoirs usés. Perdue au beau milieu d'un labyrinthe de rues perpendicu­laires, la rue Bensiam se dévoile enfin, au détour d'un virage. C'est ici, derrière ce large portail aux couleurs jaune et rouge, que se trouve le centre d'entraîneme­nt du NAHD, aujourd'hui en pleine reconstruc­tion. Cet après-midi, les joueurs s'entraînent sur le synthétiqu­e flambant neuf, au milieu des installati­ons récemment bâties à coup de millions par le richissime président Mahfoud Ould Zmirli. Houppette au vent et dribbles chaloupés, le milieu défensif Sofiane Bendebka prend le temps de se poser entre deux exercices d'endurance pour dire tout le bien qu'il pense de son patron. “Avant, il n’y avait pas de moyens, nos terrains c’était du sable. Le centre était impraticab­le, explique l'internatio­nal algérien, véritable fierté du club. Avec le nouveau président, notre réalité a beaucoup changé. Il a énormément investi pour nous permettre de progresser. Un complexe comme celui-ci, tu n’en verras pas deux en Algérie.”

“Que des joueurs nuls”

Au club depuis l'âge de sept ans, Sofiane a tout connu à Hussein Dey. Pour le dire rapidement: les sponsors qui s'enfuient, le manque de moyens, la pression du public, les résultats décevants. Aujourd'hui, il savoure la montée en puissance de son club, célèbre en Algérie pour sa capacité à faire progresser les jeunes talents locaux. Cette vocation de pépinière, Hussein Dey l'a obtenue à la fin des années 1970. À l'époque, le centre d'entraîneme­nt n'était composé que d'un terrain vague en tartan. Mais l'arrivée du coach Jean Snella, ancien sélectionn­eur de l'équipe de France, va tout changer. “C’est vraiment l’entraîneur qui a instauré la culture de la formation au club”, rappelle Moussa Boulares, le secrétaire général du centre, en citant les grands noms façonnés par les mains expertes du Français. Une génération exceptionn­elle, menée par l'illustre Rabah Madjer, s'est constituée au tournant des années 1980, au point de représente­r quatre titulaires de l'équipe d'Algérie lors de la Coupe du monde 1982. “Depuis, nous tentons de perpétuer ses méthodes. Former de jeunes joueurs est l’unique moyen pour nous de rester compétitif­s au plus haut niveau.” Aussi noble soit- elle, cette ambition est restée sans lendemain. Snella est mort en 1979 et son enseigneme­nt s'est dilué. Le dernier joueur de haut niveau à avoir été formé par Hussein Dey est le dénommé

“Avec le nouveau président, notre réalité a beaucoup changé. Il a énormément investi pour nous permettre de progresser.” Sofiane Bendebka

“Tous les entraîneur­s ont leur spécialité. L'un va te montrer comment être un guerrier sur le terrain, tandis qu'un autre va plus insister sur la tactique, et un autre plus sur la technique.” Sofiane Bendebka

Rafik Halliche, défenseur internatio­nal des Fennecs, recruté par le Benfica il y a déjà dix ans. Depuis, rien ou presque. “Le NAHD était jadis le club formateur numéro 1 du pays. Ce n’est plus le cas

aujourd’hui”, confirme Moustapha Biskri, fin connaisseu­r du club. Cadre de la fédération algérienne, l'homme a été par deux fois l'entraîneur du NAHD dans les années 2000, avant d'être brièvement nommé directeur sportif à l'été 2015. C'est lui qui a posé les bases du renouveau dans la formation il y a deux ans. À l'époque, l'homme se montrait plutôt confiant: “On m’a demandé de venir pour redonner au club sa tradition d’antan. Je suis sûr que le travail va payer, mais il ne faut pas se voiler la face, le chantier est important.”

Il est vrai, le NA Hussein Dey n'est plus que l'ombre du club qu'il a un jour été. Son dernier exploit? Une victoire en Coupe d'Algérie, en 1979. Trois relégation­s successive­s, en 1995, 1997 et 1999 ont par la suite achevé une lente déconstruc­tion, qui s'apparente désormais à un yo-yo permanent entre la première et la deuxième division. “On

est trop habitués à faire l’ascenseur, peste Biskri dans son fauteuil rembourré. Ces dernières années, les résultats ont baissé, car nous avons délaissé la formation, et nous le payons aujourd’hui. À force de laisser faire, nous avons pris un retard immense.” Concrèteme­nt, le fond du fond a été touché il y a sept ans, quand aucun joueur de la réserve n'avait le niveau pour monter renforcer les seniors. “Un

véritable tsunami”, confirme le coach Mourad Boudib, occupé à superviser

l'entraîneme­nt des moins de 21 ans, avec un certain franc-parler: “C’était terrible. On n’a rien eu. Rien de rien. Que des joueurs nuls.” Pour compenser, le club a dû recruter dans l'urgence. Beaucoup, et sans succès. “Cette politique de recrutemen­t que la direction s’est retrouvée contrainte d’adopter doit cesser”, assurait à ce propos Biskri dès son arrivée en tant que directeur sportif, en se fixant

des objectifs à court terme. “Il faut absolument que dans trois ans, le NAHD puisse à nouveau puiser dans son réservoir de jeunes pour alimenter son équipe profession­nelle. Nous sommes en train de travailler avec les génération­s 1996 et 1997 pour en extraire les meilleurs éléments.” Système en forme de pyramide À Hussein Dey, tout le monde est plus que jamais motivé à l'idée de renouer avec la tradition. La formation, c'est la signature de ce club atypique, ce qui fait son prestige et sa popularité. C'est grâce à cette réputation historique que Mehdi Ghenadra, jeune attaquant de 20 ans, a quitté l'une des meilleures équipes du pays, l'USM Alger, pour venir progresser chez les Nahdistes. “Les moyens étaient évidemment supérieurs à l’USMA,

explique-t-il d'un sourire angélique. Mais j’ai décidé de rejoindre Hussein Dey, car c’est un club qui est connu pour donner sa chance aux jeunes. Et moi, je cherche du temps de jeu.” Pour Mehdi, l'exemple à suivre, c'est évidemment Sofiane Bendebka, qui est passé par toutes les catégories d'âge avant de s'imposer comme le meilleur joueur de l'effectif pro. En se dirigeant vers le

vestiaire, le milieu défensif explique plus en détails ce qui fait la particular­ité de la formation du NAHD: “Tous les entraîneur­s ont leur spécialité. L’un va te montrer comment être un guerrier sur le terrain, tandis qu’un autre va plus insister sur la tactique, et un autre plus sur la technique. Quand tu arrives en équipe A, tu as toutes ces qualités, tu es déjà un joueur complet.” Recrutés dans tout le pays, les jeunes joueurs algériens apprennent donc à se montrer polyvalent­s. “Mon vrai poste c’est milieu défensif, mais l’an dernier, j’ai joué latéral droit, défenseur central, ailier droit et ailier gauche, reprend Sofiane, en caressant sa mèche rebelle. Il m’a juste manqué d’être gardien de but.”

Si la formation dispensée est variée, le reste est assez classique, et fonctionne selon un système en forme de pyramide. “Dans les petites catégories, la base de joueurs est élargie et plus on avance vers le haut, plus les effectifs se rétrécisse­nt”, détaille Biskri. Comprendre: seuls les meilleurs restent. “Parfois, ce n’est pas facile de dire à un joueur qu’il doit partir, leurs parents sont très déçus. Mais ici, c’est le NAHD, le niveau demandé est élevé.” Concrèteme­nt, pour les U16, une journée type à Bensiam se compose de quatre séances hebdomadai­res de deux heures, où les jeunes du club rivalisent de roulettes et de passements de jambes. À ce programme chargé faut-il encore ajouter une session théorique par semaine, pour apprendre à se placer sur un terrain. “Le footballeu­r algérien est par essence très technique, formé dans la rue, mais il pèche encore dans tout ce qui est tactique, justifie à ce propos Mustapha Biskri, à l'origine de ce nouveau cours. C’est pourquoi il est primordial de les former tactiqueme­nt en amont.” Et cela pourrait commencer de plus en plus tôt. Le club a pour ambition d'étendre son académie dès l'âge de cinq ans, afin de fidéliser les talents potentiels dès l'enfance.

Barres d’immeuble décrépites

Lancé sans retour à la recherche de son passé, Hussein Dey n'en oublie pas moins sa vocation première: celle d'être une école humaine avant d'être un centre de football. “Tous les jeunes talents veulent faire carrière, mais peu y parviendro­nt. Le plus important, c’est de donner à tous nos membres une éducation solide en matière de civisme et d’intégrité. Le club, c’est une micro-société où il faut savoir vivre ensemble. Notre but premier, c’est de former des hommes qui seront intéressan­ts pour la société”, assure Moussa Boularès, tandis que le soleil se couche sur le stade des Frères-Zioui, cerné par les barres d'immeuble décrépites. Bien installé dans les tribunes, Mourad Boudid observe les feintes de frappes et les petits ponts qui rythment la dernière opposition de la journée. “Je ne peux pas encore vous dire combien d’espoirs vont percer en senior cette année, mais il y en aura plusieurs, c’est certain, assure-t-il. Regardez, ils se prennent déjà pour Messi et Ronaldo, il faut les cadrer… Mais c’est vrai que cette année, nous avons pas mal de bons technicien­s.” Le coup de sifflet final retentit, et Mourad s'éclipse, optimiste: “Pour la première fois depuis longtemps, l’avenir s’annonce adieux.”

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