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Portrait Dries Mertens

Le petit lutin de Naples a deux objectifs pour 2018: ramener le Scudetto à Naples et gagner la Coupe du monde avec la Belgique. Sacré programme.

- PAR FLORIAN LEFÈVRE. PHOTOS: PANORAMIC

“Ilya cinq ans, je ne pensais pas que j’arriverais à ce niveau.” Même lui n’y croyait pas. À force de se faire trimballer entre des clubs de seconde zone au début de sa carrière, et de se voir reprocher inlassable­ment sa petite taille – 1,69 m –, Dries Mertens n’aurait jamais imaginé devenir ce qu’il est aujourd’hui. Un taulier de l’un des meilleurs clubs européens, qui domine le championna­t d’Italie, mais aussi de l’équipe nationale de Belgique, candidate à la victoire en Coupe du monde l’été prochain. En 20122013, à l’âge où le footballeu­r moyen approche du pic de sa carrière, le Belge, encore inconnu du grand public, évoluait au PSV Eindhoven, en Eredivisie. Et voilà qu’après avoir franchi le cap de la trentaine, son nom est apparu pour la première fois dans la liste des nommés au Ballon d’or. Mais alors, comment le plus frêle des Diables rouges a-t-il gravi les échelons sur le tard? Trop petit pour le haut niveau” Formateur à La Gantoise, Etienne De Wispelaere se souvient parfaiteme­nt du jour où il a découvert Dries Mertens, lors d’un stage à Tongerlo. “Il était très petit, ok, mais une technique et une vista fantastiqu­es! Je n’avais jamais vu ça”, se souvient-il. Il prend alors son téléphone et appelle le manager général du club belge. “J’avais devant les yeux un soulier d’or potentiel du championna­t belge”, poursuit le coach, qui s’occupait d’une équipe de jeunes des Buffalos. À tout juste dix-huit ans, le jeune Dries quitte donc Anderlecht, à Bruxelles, où personne ne croyait en lui. Direction Gand. Mais là encore, les portes de l’équipe première se referment. Toujours à cause de la même rengaine: “Trop petit pour le haut niveau.” À l’entraîneme­nt, le feu follet vole quand il se prend des coups d’épaule par des mecs qui font deux têtes de plus que lui. Mais encore une fois, c’est Etienne De Wispelaere qui va lui permettre de se relancer. Nommé à l’été 2005 entraîneur du SC Eendracht Alost, un club partenaire de La Gantoise en D3, il saisit ainsi l’occasion d’insérer Mertens dans ses valises. “Quand il a fallu choisir des tenues d’entraîneme­nt, même la plus petite taille des maillots était trop grande pour lui, rembobine le coach, pas inquiet pour autant. Je savais que son père était gymnaste. Pas très grand non plus, mais costaud. Il fallait juste attendre que Dries grandisse un peu.”

Dans le vestiaire, le jeune homme respire la joie de vivre, toujours positif, jamais déçu d’être sur le banc. Mais il n’hésite pas à dire ce qu’il pense au coach. “Un soir, je lui fais une remarque tactique. Il n’était pas d’accord, on s’est expliqués franchemen­t, reprend De Wispelaere. Le lendemain, j’ai

réfléchi et je me suis dit: ‘En fait, c’est le petit qui a raison.’” Même si Alost descend à cause d’un but encaissé à la 90e minute de la dernière journée, Mertens, élu joueur de la saison par les supporters, a gagné le droit de voir plus haut aux Pays-Bas. D’abord, en D2, à Apeldoorn, puis à Utrecht, en D1, et enfin, à partir de 2011, au PSV Eindhoven, l’un des meilleurs clubs néerlandai­s. “Dans le football hollandais, on demande aux défenseurs de savoir construire, presque avant de bien défendre. (…) Dries a fait tourner des milliers de têtes aux quatre coins du terrain”,

sourit Édouard Duplan, son ancien coéquipier à Utrecht. Le Français souligne l’obstinatio­n du bonhomme: “Rien ne pouvait l’empêcher de tenter des choses. Certains jours, ça ne passait pas, mais il continuait. Vers la fin de saison, j’ai dû le voir au moins six fois tirer du milieu de terrain. Pas à l’entraîneme­nt, mais en match. Et finalement, lors de la dernière journée (contre

AZ Alkmaar, en 2010-2011, ndlr), il a réussi à envoyer une reprise de volée au fond.”

En l’espace de trois saisons, le hasard des tirages au sort dresse Utrecht, puis le PSV, sur la route européenne du Napoli. Le

“petit lutin magique”, comme on l’appelle dans le vestiaire, tape dans l’oeil du club italien. Voilà comment, après sept saisons aux Pays-Bas, Mertens débarque à Naples, devenant, à 26 ans, la première recrue de l’ère Rafael Benítez chez les Partenopei. Bonne pioche. Le garçon de Louvain se sent immédiatem­ent napolitain, et est adopté par le stadio San Paolo. Le public découvre un joueur créatif, constammen­t dans la percussion sur l’aile gauche, qui n’aime rien de plus que de repiquer dans l’axe afin d’armer sur son pied droit. Jusqu’à devenir parfois trop stéréotypé. À l’instar de son étiquette de “supersub” chez les Diables rouges, à Naples, Mertens reste une doublure du chouchou local, Lorenzo Insigne. La chance du Belge, c’est la venue du technicien Maurizio Sarri sur le banc napolitain. Et un coup du destin. L'avant-centre qui s'ignorait À l’automne 2016, Arkadiusz Milik, qui commençait à faire oublier Gonzalo Higuaín à la pointe de l’attaque du Napoli, se déchire les ligaments croisés du genou. Sarri doit trouver un remplaçant dans l’urgence. Le mister essaye Manolo Gabbiadini, mais ce dernier peine à assumer la pression du rôle d’avant- centre titulaire. Alors, pourquoi ne pas décaler Mertens en pointe, lui qui avait déjà rempli cette mission contre Pescara, en inscrivant un doublé? Le déclic intervient le 18 décembre contre le Torino: victoire 5-3, grâce à un quadruplé de Mertens. Un buteur de classe mondiale est né ce jour-là. Entouré d’Insigne à gauche et Callejón à droite, le Belge ne quittera plus son costume d’avant- centre, qui lui va comme un gant. D’après Maurizio Sarri, “les automatism­es, c’est comme passer de l’iPhone au Samsung. Certains le font en un jour, d’autres butent sur chaque obstacle.” Et apparemmen­t, le numéro 14 n’a pas de problème d’utilisatio­n de son cellulaire.

C’est simple, sur l’année civile 2017, Mertens a planté un but toutes les 99 minutes en championna­t et vient de passer la barre des 80 buts toutes compétitio­ns confondues sous le maillot napolitain, ce qui en fait le 9e meilleur buteur de l’histoire du club (chiffres arrêtés au 26 novembre 2017, ndlr). “Dries a démontré que le football n’est pas réservé aux plus grands. Si on regarde sa trajectoir­e, c’est souvent un pas en arrière, deux pas en avant”, analyse, admiratif, Georges Leekens, qui ne comptait pas sur lui à La Gantoise, mais l’a sélectionn­é quelques années plus tard en équipe nationale de Belgique. Emmener les Diables rouges au sommet, voilà désormais l’un des nouveaux objectifs du Napolitain d’adoption. Mais avant de disputer la Coupe du monde et peut- être de quitter Naples l’été prochain (sa clause libératoir­e ne s’élève qu’à 26 millions d’euros), Mertens a conclu un pacte avec ses coéquipier­s: détrôner enfin la Juventus et offrir un Scudetto à la ville bâtie au pied du Vésuve. Pour que Naples entre en M. éruption comme à la glorieuse époque de

aradona. TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR FL, SAUF CEUX DE MERTENS ET SARRI, TIRÉS DE CONFÉRENCE­S DE PRESSE. AVEC LA COLLABORAT­ION DE NICOLAS SOLDANO, DU SITE CALCIOMIO.

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Ce damier sur le maillot belge est vraiment d'un goût douteux.
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T-shirt à message.

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