So Foot Club

Interview Papu Gómez

Le numéro 10 de l'Atalanta a deux rêves: participer au Mondial 2018 avec l'Argentine et emmener son club le plus loin possible en Ligue Europa.

- PROPOS RECUEILLIS PAR VALENTIN PAULUZZI, À BERGAME. PHOTOS: PANORAMIC

Première du groupe de l’Olympique lyonnais en Ligue Europa, demi-finaliste de Coupe d’Italie et sixième de Serie A, l’Atalanta confirme son excellente saison 2016-2017. Avec, à la baguette, son meneur de jeu argentin Alejandro Gómez. Plus connu sous le nom de

“Papu”, le numéro 10 nerazzurro a un rêve: disputer le Mondial avec l’Argentine. Ça veut dire quoi, Papu?

Rien! C’est le nom affectueux que m’a donné ma mère quand j’étais petit et c’est resté. Tout le monde l’a repris, mes coéquipier­s, mes amis, les journalist­es argentins. Personne ne m’appelle Alejandro, seulement Papu.

Tu es né à Buenos Aires, mais tu n’es pas un enfant des barrios difficiles.

C’est vrai, je suis issu d’une famille de classe moyenne, une maman mère au foyer qui tient maintenant un magasin de vêtements et un père entraîneur de waterpolo. J’ai trois frangins, mais je suis le seul à jouer au foot.

Tu as déclaré ne pas être un fan absolu de Maradona, ce qui est rare pour un Argentin.

Je reconnais évidemment tout ce qu’il a fait footballis­tiquement parlant, mais étant né en 1988, je ne l’ai presque pas vu jouer. Mes idoles étaient Aimar, Riquelme, Ortega, Saviola, mais je connais bien le fils de Maradona, Diego Jr, il est venu me voir avant un match à Naples une fois et on est devenus amis.

Quels sont tes souvenirs en tant que supporter de l'Albicelest­e?

La Coupe du monde 1998. J’étais enfin en âge de comprendre le football, je ne loupais rien, je collection­nais les vignettes et tout. Il y a eu ce huitième de finale remporté aux tirs au but contre l’Angleterre. On est allés fêter ça dans la rue.

Tu as été formé à l’Arsenal de Sarandí, pas le plus connu des clubs argentins.

C’est une équipe relativeme­nt jeune, puisque fondée en 1960, elle a gravi les échelons petit à petit jusqu’à découvrir “Étant né en 1988, je n’ai presque pas vu jouer Maradona. Mes idoles étaient Aimar, Riquelme, Ortega, Saviola.” la première division en 2002 dont elle est maintenant une habituée. En fait, c’est le petit club de mon quartier d’Avellaneda, dans l’ombre du Racing et de l’Independie­nte. Ils ont été champions en 2012 et quand j’y étais, on a remporté la Copa Sudamerica­na.

À quel poste as-tu été formé?

Numéro 10. Avec le mythe Maradona, c’est

le poste où tous les jeunes Argentins veulent jouer, surtout les petits rapides comme moi. Le 4-3-1-2 a longtemps été la tactique la plus répandue, mais c’est passé de mode et ça a viré sur du 4-4-2 et du 4-3-3, c’est là que j’ai commencé à jouer sur l’aile.

Il paraît que Diego Simeone ne serait pas étranger à ce changement tactique.

Effectivem­ent, avec l’Arsenal, je jouais derrière l’attaquant dans un 4-4-1-1 et j’ai connu Simeone à la suite de mon transfert à San Lorenzo. C’est lui qui m’a changé de place contre mon gré, car il fallait que je coure beaucoup, que je défende. Il me disait: “Un jour, tu joueras peut-être en Europe, et ce sera à ce poste.” El Cholo avait

raison.

Avait-il déjà la même philosophi­e de jeu?

Pas du tout! Il n’hésitait pas à aligner quatre ou cinq attaquants et à défendre à deux. Il a évolué petit à petit, notamment après son passage de six mois à Catania. J’avais compris qu’il ferait du chemin grâce à sa personnali­té, mais il doit aussi énormément à son préparateu­r physique Ortega.

Ton arrivée en Europe, à Catania en 2010, n’a rien de traumatisa­nt.

Ça, c’est certain, on était douze Argentins dans l’équipe! J’avais préféré la Sicile à Bari pour cette raison d’ailleurs. La première année, on traînait toujours ensemble, on habitait le même immeuble, on partait à quatre en voiture à l’entraîneme­nt, on restait avec nos familles, nos enfants, on faisait des asados. Je n’ai presque pas appris un mot d’italien. C’était comme être en Argentine, vraiment. Catania a été une expérience magnifique.

Tout le contraire du Metalist Kharkiv où tu signes en 2013…

Le club s’était qualifié pour les préliminai­res de la Ligue des champions, mais est exclu à la suite d’une affaire de match arrangé qui a eu lieu cinq ans plus tôt. J’ai donc juste joué le championna­t ukrainien où le niveau est très bas, hormis quatre équipes. Ça allait bien les premiers mois, puis on a commencé à voir des manifs, mais sans débordemen­t. Et en décembre, la guerre civile a éclaté, le président de la République s’est enfui et celui de notre club aussi, ils étaient d’ailleurs très amis.

C’était la guerre?

Non, mais le climat était très tendu. Un jour, on est allés faire un tour à vélo en famille dans un parc, on revient à la maison, on regarde les infos et on apprend que le maire de la ville vient de se faire tirer dessus là où on était. Une autre fois, on traverse la place principale en voiture au milieu de 5000 manifestan­ts pro-russes d’un côté et 5000 pro-Union européenne de l’autre, tous avec des cagoules sur la tête et des protège-tibias sur les bras. La ville était remplie de policiers, enfin, des policiers bizarres, cagoulés eux aussi et avec des gros flingues, on ne savait pas s’ils étaient gentils ou pas, c’était flippant.

Comment ça s’est terminé là-bas?

On finit la saison, ensuite il y a les vacances et quand on est en stage de reprise en Autriche, il y a cet avion de la Malaysian Airlines abattu près de Donestk. Ma famille devait se rendre à Kharkiv avec le même moyen de transport… J’ai dit au club que je ne voulais plus revenir en Ukraine, que je ne pouvais pas vivre de cette façon et je suis rentré en Argentine où je me suis entraîné seul pendant deux mois.

Et c’est là que tu atterris à l’Atalanta.

Oui, en 2014. Quand j’ai découvert la ville, le centre d’entraîneme­nt, le sérieux, l’organisati­on, je me suis dit que je venais d’arriver dans un club important, et c’est le cas. D’ailleurs, notre président vient de racheter le stade à la municipali­té. Venir ici n’est jamais un pas en arrière dans la carrière d’un joueur.

En début de saison dernière, tu aurais pu imaginer que l’Atalanta allait finir quatrième de Serie A?

Sincèremen­t, c’était difficile à prédire. Les bons jeunes issus du centre de formation, nous les avions. Mais il manquait un entraîneur ayant le courage de les aligner régulièrem­ent, comme l’a fait Gasperini avec Conti, Caldara, Petagna, Gagliardin­i, etc. J’avais affronté ses équipes en tant qu’adversaire et c’était toujours compliqué, sur toutes les zones du terrain. C’est un football agressif, mais il faut une préparatio­n physique spectacula­ire, sinon vous n’y arrivez pas. Et puis un entraîneur doit être un enseignant et lui nous apprend quelque chose à chaque séance.

Ça a changé quoi sur le terrain pour toi?

Avant, j’étais quasiment tout le temps à gauche, ça reste ma position, mais je reviens beaucoup plus dans l’axe. Je suis plus attaquant, plus proche de la surface, j’économise de l’énergie et ça s’est vu l’an passé avec 16 buts et 12 passes décisives.

Quels sont les matchs marquants de votre épopée de l’an passé?

Il y a eu la victoire 3-1 à Pescara contre Crotone après avoir perdu quatre des cinq premiers matchs, ça a lancé notre saison. J’ai été aussi marqué par notre victoire 2-1 contre la Roma, on était mené au score, mais on a retourné la situation en passant la seconde mi-temps dans leur moitié à enchaîner les offensives. Enfin, je citerais le revers 7-1 contre l’Inter en mars. On aurait pu s’écrouler, finalement ça a été totalement l’inverse, eux ont craqué et nous n’avons plus perdu jusqu’à la fin de la saison.

Conti, Kessié, Gagliardin­i sont partis, mais toi, tu es encore là, pourquoi?

J’essaye de tenir ma parole, même si je n’ai jamais juré fidélité à vie. Je ne suis pas du genre à embrasser l’écusson après un but, ça, c’est de la poudre aux yeux, je sais que tout va vite dans le foot. Mais voilà, je n’ai

“En décembre, la guerre civile a éclaté en Ukraine, le président de la République s’est enfui et celui de notre club aussi, ils étaient d’ailleurs très amis.”

“Quand tu joues à l’Atalanta, tu es obligé de faire une saison monstrueus­e pour être appelé en sélection.”

pas reçu d’offres vraiment convaincan­tes, je pouvais jouer en Ligue des champions, gagner de l’argent, mais il n’y a pas vraiment de top club, alors pourquoi changer? On joue la Ligue Europa, il y a le Mondial en fin de saison, je suis capitaine et je suis quasiment certain de jouer tous les matchs.

Tu as d’ailleurs retrouvé l’Argentine au mois de juin après dix ans d’absence.

Oui, depuis le Mondial U20 que l’on a gagné avec Di María et Agüero. J’avais fait toutes les sélections de jeunes, j’étais même capitaine avec les U15, il ne me manquait que les A. Franchemen­t, je n’y croyais plus, surtout au vu de la concurrenc­e monstre en attaque. Si j’avais joué à l’Inter ou à la Roma, on m’aurait convoqué rien que pour ça. Mais quand tu joues à l’Atalanta, tu es obligé de faire une saison monstrueus­e pour être appelé.

En plus de tes prestation­s, tu es devenu extrêmemen­t populaire en Italie grâce aux réseaux sociaux.

C’est un outil à manier avec responsabi­lité, il faut faire gaffe, les écrits restent, mais les gens m’apprécient, car je montre que je suis une personne simple. Cela peut aussi m’exposer aux critiques, mais moi, je sais que je m’entraîne dur et ma prestation ne dépend pas de la photo que j’ai postée la veille sur Instagram.

 ??  ??
 ??  ?? Que des numéros 10 dans ma
Que des numéros 10 dans ma
 ??  ?? Avec le maillot de l'Argentine.
Avec le maillot de l'Argentine.
 ??  ?? Capitaine joyeux.
Capitaine joyeux.
 ??  ?? Face à Lyon, en Ligue Europa.
Face à Lyon, en Ligue Europa.

Newspapers in French

Newspapers from France