So Foot Club

Centre de formation Toulouse FC

Avec plus de 50 % de joueurs de l'effectif profession­nel formés au club, le Toulouse FC s'est imposé au fil des années comme une référence de la formation à la française. Secrets de fabricatio­n.

- PAR MAXIME BRIGAND, À TOULOUSE. PHOTOS: VINCENT NGUYEN

Si le TFC est en train de vivre une saison compliquée, son centre de formation, lui, se porte au mieux. Plongée dans l'univers des Pitchouns.

“La Gambardell­a est surtout un objectif pour les joueurs. Elle nous permet de les évaluer parce qu'il y a l'enjeu, le piment, des matchs couperets.” Rémy Loret, directeur du centre de formation

Lendemain de fête, sur l’île du Ramier. Au moment de rassembler ses souvenirs du week- end, Driss Khalid, 19 ans, convoque ses papilles: “La Gambardell­a, forcément, ça fait envie... C’est un rêve d’aller au stade de France, non?” Difficile de répondre par la négative, surtout quand, deux jours plus tôt, on vient d’inscrire un triplé lors des 64es de finale de la compétitio­n, à Pau ( 5-0). Reprise: “On n’a pas pris ce match à la légère et, même si on est un centre de formation, on n’est pas tombés dans le piège de sousestime­r notre adversaire.” À l’étage, chemise serrée et le corps enfoncé dans son siège de directeur du centre de formation du Toulouse Football Club, poste occupé depuis bientôt dix ans, Rémy Loret sourit: “La Gambardell­a est surtout un objectif pour les joueurs. Nous, elle nous permet de les évaluer parce qu’il y a l’enjeu, le piment, des matchs couperets. On voit comment ils gèrent leurs émotions. En réalité, on est moins dans la notion de résultats, l’idée est de mettre en difficulté le joueur, pour voir comment il

réagit.” Bienvenue dans le rythme d’un centre de formation, ses objectifs et sa vision, ses jeunes et ses hommes. Ici, on compte 70 joueurs et on découvre surtout ce qui se cache derrière l’étiquette de cinquième meilleure académie du pays, scotchée par la FFF à l’issue de la saison 2016-2017 et plaçant ainsi le Téfécé juste derrière celles de Lyon, Monaco, Paris et Nantes. Soit un complexe inauguré en 2004 avec la volonté de concentrer l’ensemble “autour du Stadium, ce qui fait que des U6 aux pros, tout le monde s’entraîne au même endroit”. Rideau levé.

Les exemples Bilbao et Lyon

La formation, à Toulouse, c’est d’abord les noms qui défilent. Moussa Sissoko, Fabien Barthez, Vincent Candela, Nicolas Seube, Laurent Batlles ou encore Étienne Capoue, entre autres. Des chiffres, aussi: aujourd’hui, l’effectif profession­nel est composé à 50 % de joueurs issus du centre de formation, dont 75 % sont également

passés par l’école de foot du club. “Sur les deux dernières années, on a fait signer une quinzaine de pros, complète Rémy Loret. Les statistiqu­es le prouvent: on fait partie des clubs qui travaillen­t bien, il ne faut simplement pas se relâcher et toujours essayer d’avoir un temps d’avance. Pour ça, on essaye rapidement de mettre en avant l’identité du club. Les éducateurs ont eu, pour la majorité, un parcours au club, ce qui est important pour la culture. On ne forme pas des joueurs pour qu’ils passent pro ailleurs, on veut qu’ils réussissen­t au Téf ’.” Ce qui se dessine actuelleme­nt avec les cas d’Issa Diop, débarqué à l’âge de neuf ans au club, Alban Lafont, Clément Michelin et Alexis Blin. “Je ne me voyais commencer qu’à Toulouse”,

glisse Diop, qui cumule, à 21 ans, déjà près de 70 matchs de Ligue 1.

L’idée vient de loin, d’Alain Casanova notamment, à la barre de l’équipe première entre 2008 et mars 2015, qui se tourna vers la formation maison avant de voir Pascal Dupraz assurer la prise de témoin. C’est aussi l’histoire d’un virage, pris il y a quelques années, et d’une visite des dirigeants toulousain­s à

Bilbao pour travailler sur l’identité, clé de la fidélisati­on du joueur-apprenti.

Une question: comment recruter? “On a mis en place un système de clubs affiliés au niveau local, avec pour base un échange de compétence­s avec les clubs amateurs, que ce soit sur des exercices, des situations de jeu, d’entraîneme­nts, l’organisati­on de rencontres amicales, répond Loret, qui avoue également que le club échange souvent avec un autre exemple, l’Olympique lyonnais. La majorité des joueurs qui intègre le centre de formation est issue de la pré-formation et vient d’Occitanie, c’est important.” Un choix qui va également dans le sens de la fiche de route fournie par la DTN qui expliquait récemment sur la base de statistiqu­es qu’il faut “déraciner le moins possible les

jeunes” pour un meilleur épanouisse­ment.

L’école de la patience

Ainsi, il faut mesurer l’héritage, celui de Gérard Rabier, responsabl­e de la formation au TFC entre 1998 et 2001, disparu en août 2005, et dont le centre de

formation toulousain porte aujourd’hui le nom. Celui des Pitchouns, aussi, de la génération Sissoko, Capoue, Congré, mais aussi des vainqueurs de la Gambardell­a 2005 face à l’OL de Benzema et Ben Arfa. “Quand on voit tous les jeunes qui sont sortis, ça donne envie d’être le prochain”, lâche Driss Khalid, espoir du club qui a déjà goûté au groupe pro, un monde “où il faut gérer ses émotions, toujours rester concentré, où

tu n’as pas le droit à la petite erreur”. Ce matin de janvier, Driss tire la tronche et doit surtout s’envoyer une grosse dose de tours de terrain, face au Stadium, alors que d’autres membres du groupe de la réserve, qui évolue en National 3, s’offrent une opposition.

Sur le côté, une voix prévient: “Les gars, gardez la concentrat­ion, ce n’est que ça.” Ce qui frappe, c’est la jeunesse du groupe.

“C’est un choix, et c’est la clé, explique Denis Zanko, devenu directeur technique du centre au printemps dernier après plusieurs expérience­s de numéro un

chez les pros. L’idée est le décloisonn­ement des catégories, l’installati­on de passerelle­s. Chaque éducateur peut intervenir dans n’importe quelle catégorie, il y a une osmose, mais surtout une ligne directrice, un fil qui s’étire de la pré-académie jusqu’au groupe profession­nel. On souhaite que les joueurs s’approprien­t le projet. Pour ça, les leviers de l’améliorati­on de la performanc­e sont multiples et indissocia­bles. La formation, c’est le retour à l’école de la patience.” Quatrième gardien du club, Thibault Cottes, passé pro en mai dernier, navigue ainsi chaque semaine entre le groupe pro et la réserve: “C’est sympa et c’est surtout le résultat de pas mal de sacrifices, d’un parcours difficile et savoureux à la fois. Le centre te permet de rester sur le droit chemin, de t’encadrer. Des fois, tu peux regretter, mais tu sais que le choix que tu as fait est le bon.”

“Quand on voit tous les jeunes qui sont sortis, ça donne envie d'être le prochain.” Driss Khalid, espoir du club

Prison dorée

Un choix qui se délimite ainsi: la vie en communauté, entre les multiples terrains, la salle de vie et un self où certains membres de l’effectif pro viennent partager le déjeuner le midi. Un endroit où l’on vit en concurrenc­e, où l’on sait que certains finiront la course, d’autres non. “On les prépare à l’échec, il faut, et c’est aussi pour ça qu’ils ne doivent pas lâcher la scolarité. S’ils lâchent ça, comment fait-on après?” replace l’intendant du centre, Jean-Paul Astre, en place depuis l’ouverture du centre de formation, qui enchaîne: “Ici, ils ne sont pas abandonnés. On veille au coup de blues. La phrase qui revient souvent, c’est: ‘Je suis dans une prison, mais une prison dorée.’ Ce sont des privilégié­s, ils en ont conscience, ils sont nourris, blanchis, choyés, habillés de la tête au pied... On forme avant tout des hommes.”

Drôle de bascule quand on est ado. “Au départ, c’est dur, il faut faire sa place, tu peux vite chuter si tu n’as pas un entourage solide, confie le capitaine des U19, Jean

Clair Todibo. Moi, ma mère m’a toujours couvé, j’étais toujours dans ses bras... Je viens des Lilas, dans le 93, mais venir ici, c’est l’objectif, donc il faut s’habituer, tu n’as pas le choix. Alors, tu relèves la tête, tu t’adaptes et tu bosses.” Sur le terrain, à l’école, dans la constructi­on personnell­e d’une vie sans fête, sans écart. Au bout, chacun sait qu’une place existe dans un club dont la réputation de formateur n’est plus à faire. Facile? “Lors de ma première reprise avec le groupe pro, qui était aussi mes 18 ans, Didot

C. et Rejo m’ont rasé le crâne”, confie Thibault ottes. C’est aussi ça, l’héritage.

“Ce sont des privilégié­s, ils en ont conscience, ils sont nourris, blanchis, choyés, habillés de la tête au pied... On forme avant tout des hommes.” Jean-Paul Astre, intendant du centre

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