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Dossier Tout savoir sur la VAR

L'arbitrage vidéo, utilisé cette saison en Allemagne et en Italie, arrivera a priori en Ligue 1 l'an prochain. Avec ses avantages et ses inconvénie­nts.

- PAR ALEXANDRE DOSKOV. PHOTOS: PANORAMIC

C’est un geste auquel les fans de football vont devoir s'habituer. Désormais, après une action litigieuse, il ne faut plus s'étonner de voir l'arbitre dessiner un rectangle avec les mains et se mettre à tripoter son oreillette, ou courir sur le bord du terrain pour regarder un écran placé à côté du couloir d'où arrivent les joueurs. Bienvenue dans le monde merveilleu­x de la Video

Assistant Referee (VAR), l'arbitrage vidéo dans la langue de Molière. Une petite révolution qui fait parler le monde du football depuis que la FIFA a autorisé les arbitres à recourir à la vidéo pour prendre leurs décisions, et qui ne fait pas que des heureux, loin de là. Pourtant, sur le papier, la vidéo faisait figure de solution miracle, de pansement parfait pour tous les maux d'un sport qui n'en pouvait plus de voir des matchs tronqués par des mauvais choix d'arbitre. Les partisans de la VAR étaient persuadés que grâce à elle, le football dirait définitive­ment adieu aux penaltys imaginaire­s, aux mains non sifflées, ou encore aux hors-jeu non remarqués.

De leur côté, les adversaire­s de l'arbitrage vidéo rabâchaien­t leurs arguments et mettaient en garde contre un football robotisé. En tête du cortège des opposants, Michel Platini en personne, qui n'a cessé de mettre le facteur humain en avant pour

expliquer son choix. Dans une interview accordée au quotidien espagnol As en 2013, il résumait son point de vue: “Je préfère l’humain à la technologi­e comme je préfère parler en face à quelqu’un plutôt qu’au téléphone. Je crois fermement que les yeux d’un arbitre voient des choses que

ne peuvent apprécier les machines.” Autre risque évoqué, celui de se retrouver avec des matchs hachés par les coupures. Un peu plus d'un an après l'introducti­on de la VAR dans certains grands championna­ts européens, et alors que la Ligue 1 franchira le pas la saison prochaine, l'heure du premier bilan a sonné.

Des grimaces en Allemagne et en Italie

Premiers à plonger dans le grand bain de la VAR, les championna­ts allemands et italiens, qui l'utilisent depuis le début de la saison. Début janvier, alors qu'il

présentait à la presse les résultats des six premiers mois du dispositif, le président de la Fédération allemande, Ansgar Schwenken, n'hésitait pas à se jeter des fleurs: “Nous sommes absolument convaincus que la vidéo a rendu le jeu plus honnête. Le verre est, selon nous, à trois quarts plein.”

En effet, les chiffres vont dans ce sens. Lors de la première moitié de saison de Bundesliga, 153 rencontres ont eu lieu, et les arbitres ont balancé 1041 coups de sifflet. Pour 50 d'entre eux, l'arbitre a eu recours à la vidéo et, dans 37 cas, il a fini par prendre la bonne décision. Grâce à la VAR, les arbitres ont donc pu faire pencher la balance de la justice du bon côté sur 7 actions contestabl­es. Pas mal. Sauf que du côté des joueurs, certains ne se cachent pas pour pester contre les longues interrupti­ons et les temps morts qui peuvent durer une, deux, voire trois minutes, le temps que monsieur l'arbitre ou ses assistants revisionne­nt l'action avant de rendre un verdict. Exemple lors d'un match entre Mönchengla­dbach et Schalke 04, le 9 décembre 2017. L'arbitre siffle un penalty pour Gladbach avant de voir à la vidéo qu'un de ses attaquants avait commis une faute avant. Résultat des courses: penalty annulé et ballon à Schalke. Après le match, les deux équipes étaient furieuses. “Revenir à une action 15 secondes en arrière, c’est contestabl­e. Ils avaient fixé une ligne claire, maintenant ils s’en éloignent. Je n’ai plus envie

“Je crois fermement que les yeux d’un arbitre voient des choses que ne peuvent apprécier les machines.” Michel Platini

de parler de ça”, rageait Dieter Hecking, coach de Mönchengla­dbach. Naldo, défenseur de Schalke, n'était pas beaucoup plus tendre: “Il y a toujours un nouveau truc, ça m’énerve, on n’a pas besoin d’assistance

vidéo.” Pire, Hellmut Krug, le chef du centre de contrôle chargé de superviser l'arbitrage vidéo en Allemagne, a été renvoyé en novembre par la Fédération après avoir été accusé de favoriser Schalke, son équipe favorite.

En Italie, les réactions ont été encore plus virulentes qu'en Allemagne. Les embrouille­s concernant la VAR ont commencé dès les premières journées. Il faut dire que dans la Botte, la vidéo a eu tendance à créer des polémiques plus qu'à les éteindre et n'a pas franchemen­t fait diminuer le nombre d'erreurs. Les joueurs continuent de se plaindre de la lenteur du processus, à l'image du Juventino Sami Khedira: “De la façon dont c’est utilisé en ce moment, ce n’est pas bien, c’est une

catastroph­e. Le foot c’est l’émotion, l’erreur fait partie du jeu. Si on peut éviter les erreurs, ok, mais là, les arbitres n’ont plus l’air de savoir: je siffle, je ne siffle pas, j’attends la vidéo, je ne l’attends pas?” Autre exemple de mécontent, Gigi Buffon: “Comme ça, la VAR ne me plaît pas, on en fait une utilisatio­n déplacée et ratée. (…) On a l’impression d’être dans un match de water-polo, c’est vraiment moche. (…) Ce n’est plus du foot, c’est du

ballon de laboratoir­e.” Mais en Italie, on a surtout reproché aux arbitres d'utiliser la VAR au mauvais moment ou, au contraire, de ne pas la demander sur des actions où son usage semblait justifié. Comme si les arbitres ne maîtrisaie­nt pas encore leur nouvel outil, et ne savaient plus quand se fier à leur instinct ou bien demander l'aide de la machine.

“Comme ça, la VAR ne me plaît pas, on en fait une utilisatio­n déplacée et ratée. On a l’impression d’être dans un match de waterpolo, c’est vraiment moche.” Gigi Buffon

Bientôt en France

Forcément, la presse italienne se déchaîne depuis le début de saison contre la VAR à grand renfort de jeux de mots imaginatif­s. Un jour, le Corriere dello Sport titre “Cosi non VAR”, comprendre “Comme ça, ça ne VAR pas.” Un autre, il affiche en Une “VARgogna”, qui reprend le mot italien

vergogna qui signifie honte. En France, les fans des Bleus ont eu un premier avantgoût en mars 2017 lors du match amical France-Espagne au stade de France. Après avoir ouvert le score, Griezmann était parti célébrer avec le public du stade de France avant que l'arbitre n'annule son but avec l'aide de la vidéo. Ensuite, Deulofeu avait à son tour marqué, mais avait dû attendre la validation définitive de son but avant de pouvoir le fêter. Rebelote le 30 janvier dernier lors de la demi-finale de Coupe de la Ligue entre Rennes et le PSG, et les trois fois où l'arbitre Mikael Lesage a fait appel à la vidéo au milieu des esprits qui s'échauffaie­nt. Des émotions tuées, encore et toujours. Mais que le public français s'y habitue, puisque Noël Le Graët ( président de la FFF) a déclaré il y a peu que la VAR devrait arriver en Ligue 1 dès la saison prochaine: “Si tout est au point, on devrait commencer dès le début de saison. Je crois que c’est une bonne initiative, tous les présidents de clubs le souhaitent, les arbitres aussi, les autres observateu­rs aussi je crois.” Gianni Infantino, le boss de la FIFA, espère . carrément la voir à l'oeuvre à la Coupe du monde. Pas sûr qu'il faille forcément s'en réjouir.

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L'arbitre visionne l'action litigieuse sur son petit écran de contrôle.
 ??  ?? Au jeu des mimes, les arbitres italiens sont désormais imbattable­s.
Au jeu des mimes, les arbitres italiens sont désormais imbattable­s.

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