So Foot Club

Centre de formation Paris FC

Le Paris Football Club est réputé pour sa préformati­on. Un vivier dans lequel ses adversaire­s, et notamment le PSG, puisent en abondance. Pour se pérenniser et franchir un palier, l'autre club de la capitale veut bâtir un centre de formation dans les plus

- PAR FLAVIEN BORIES, À PARIS. PHOTOS: RENAUD BOUCHEZ

À Paris, il y a le PSG, mais aussi le Paris FC. Qui tente d’exister dans l’ombre de son voisin.

10 h du matin dans l'Est Parisien. Les U17 du Paris FC s'entraînent à Déjerine, lieu de résidence de toutes les catégories de jeunes, des U7 aux U19. Derrière le stade vétuste, des immeubles, des usines, de la fumée, de la pollution. Le club ne possède que deux terrains synthétiqu­es, pas le meilleur cadre pour s'entraîner, pas les meilleures conditions pour encourager les jeunes espoirs à rester au club: “Nous sommes réputés, mais quand un jeune vient ici, il ne se dit pas qu’il va réussir”, lâche Mathieu Lacan, entraîneur et responsabl­e de l'Academy du PFC, créée en 2011. Une académie, car le PFC n'est pas encore agréé pour posséder un centre de formation: “On a une équipe profession­nelle en Ligue 2, on a le statut pro, mais on est encore amateur puisqu’on n’a pas de centre de formation”, déplore Lacan. Le manque de moyens et la situation juridique du club l'obligent donc pour le moment à se contenter d'un mini centre de formation.

Précarité, passionnés et ogre PSG

À l'Academy, comme dans le reste du club, on se débrouille: Déjérine se situe donc dans le 20e arrondisse­ment, les seniors s'entraînent à Choisy-le-Roy en banlieue et disputent leurs matchs à Charléty, à 15 kilomètres de là. L'éducateur ne cache pas sa frustratio­n: “C’est une catastroph­e et ce n’est pas faute de se plaindre. Les vestiaires sont catastroph­iques. Certains gamins se changent dehors. On n’a pas de lieu de vie. On n’a rien. Certains clubs de

District sont mieux lotis que nous. On est un

club complèteme­nt explosé.” Le Paris FC est dans la précarité et doit compter, en plus de ses partenaire­s, sur le soutien de la mairie de Paris dans l'optique de son centre de formation. Mais le manque de stabilité sportive de ces dernières années a compliqué la situation, comme l'expose Patrick Gobert, directeur de l'associatio­n: “Quand on est en National et qu’on végète, c’est difficile. On a failli redescendr­e en CFA, on a été repêchés, on est remontés en Ligue 2, puis on a fait l’ascenseur. Voilà pourquoi la mairie de Paris ne nous a pas suivis tout de suite.” Malgré une volonté d'avancer, de l'enthousias­me et des passionnés à son service, l'Academy du Paris FC souffre, et les résultats sportifs s'en ressentent. Pillée chaque année par les gros clubs, elle doit sans cesse renouveler ses effectifs comme le regrette Paul, préparateu­r physique des U19: “C’est un éternel recommence­ment. Nos meilleurs joueurs partent rapidement. On travaille vraiment sur le court terme. C’est usant mentalemen­t. En fait, on travaille pour les autres.”

Dans la région, un ogre se régale de cette situation: “J’étais au PSG mercredi”, raconte Quentin Rauzier, responsabl­e technique de l'école de foot, de préformati­on et entraîneur des U17 nationaux: “J’ai vu

Luis Fernandez (directeur du centre de formation du PSG, ndlr) et Pierre Reynaud (responsabl­e du recrutemen­t sur l'Île- deFrance, ndlr). Ils sont déjà sur nos U12 et veulent désormais s’attaquer à nos U11. Je suis allé leur mettre un petit carton jaune.

“Les vestiaires sont catastroph­iques. Certains gamins se changent dehors. Certains clubs de District sont mieux lotis que nous.” Mathieu Lacan, entraîneur et responsabl­e de l'Academy

Eux ont un moyen de pression financier qu’on n’a pas. C’est comme Monaco. Ils peuvent faire déménager une famille et lui trouver du travail.” Depuis le début de l'année, le club a reçu entre 30 et 40 demandes d'essai pour ses U12. “On ne peut pas juridiquem­ent fidéliser les joueurs avant 18 ans, donc forcément, à 15 ans, ils partent”, explique Rauzier. Quatorze joueurs de la génération 2002 ont mis les voiles l'année dernière. Pour beaucoup de jeunes, rester au Paris FC est même perçu comme un échec. Réussir, c'est partir: “Beaucoup s’en vont. Ça me fait plaisir pour mes potes et ça me

donne envie de faire pareil”, lâche un jeune U17 après l'entraîneme­nt. Internatio­nal U20 français et ancien membre de l'Academy, Axel Disasi a rejoint le centre de formation du Stade de Reims avant d'y signer son premier contrat pro. Partir, un choix logique pour son père: “Lorsque l’enfant est arrivé au centre de formation de Reims, il y avait plus de structures. Au Paris FC, après les cours du matin, il devait traverser le périphériq­ue pour rejoindre Déjerine, et puis, on habitait en banlieue nord de Paris. Les distances qu’il parcourait l’épuisaient, alors qu’en centre de formation, les enfants dorment sur place, et puis l’encadremen­t et le suivi sont meilleurs.”

L’équipe première comme locomotive

Alors, tout est noir? Non. Car malgré tout, le Paris FC reste attractif. Le bassin parisien est le deuxième pourvoyeur de footballeu­rs derrière São Paulo, au Brésil. Ce réservoir permet au club de se régénérer en s'appuyant sur un réseau de recrutemen­t bien huilé. Mathieu

Lacan explique: “On arrive quand même à se débrouille­r, car beaucoup de jeunes passent entre les mailles des clubs pros. Tous les week-ends, on joue les équipes de la région, donc c’est facile de repérer les bons joueurs, et puis, les jeunes se connaissen­t. Il suffit que j’aille dans le vestiaire et que je demande quel est le bon latéral de telle année et ils vont me le dire.” Tremplin pour le haut niveau, le PFC fait également office de parachute pour des joueurs à la relance comme le jeune Romain, arrivé du Havre. Il en est certain, ici, “il y a autant de chances de réussir qu’au HAC!”

Reconnaiss­ant, le père d'Axel Disasi sait qu'il doit beaucoup au Paris FC: “On avait déjà fait pas mal de détections dans plusieurs clubs comme Saint-Étienne. L’Academy était une sorte de seconde chance, entre un club amateur et un club pro. À 16 ans, il l’a intégrée et quelques mois plus tard, il avait déjà participé à trois matchs en pro.” Alors qu'il passera senior l'année prochaine, le jeune Erwan vise la même réussite. Débarqué de Champigny,

“Beaucoup de jeunes passent entre les mailles des clubs pros. Tous les week-ends, on joue les équipes de la région, donc c'est facile de repérer les bons joueurs.” Mathieu Lacan

il voit le Paris FC comme une véritable

opportunit­é: “Passer d’un club amateur à un club pro, c’était super pour moi. Je n’ai pas hésité. L’année où je suis arrivé, on a gagné la Coupe de Paris. J’aimerais bien arriver en pro, jouer en Ligue 2 ou en Ligue 1 avec le PFC. On est de Paris, on est chez nous.”

Un club parisien composé de Parisiens? C'est l'objectif du club, qui voit en son centre de formation l'occasion de franchir un cap sportif, comme le rappelle Lacan: “À l’arrivée du président Pierre Ferracci en 2012, l’objectif était de s’organiser pour monter toutes les équipes au plus haut niveau, ce qu’on a réussi à faire, et dans la foulée, on a créé cette académie. Aujourd’hui, on se prépare à ouvrir un centre de formation.” Sur toutes les lèvres, dans toutes les têtes, le complexe devrait voir le jour l'été prochain à Orly et pourra permettre au club de protéger ses jeunes en leur proposant des contrats d'engagement dès 13 ans. Si la majorité des joueurs francilien­s ne devraient pas dormir sur place pour “privilégie­r le lien

avec la famille”, son lancement reste un soulagemen­t pour Rudy Jeanne-Rose, entraîneur des gardiens chez les U17: “Au

lieu de deux séances, j’aurai entre quatre et cinq séances par semaine. On va pouvoir travailler beaucoup plus et mieux. Ça va

tout changer.” De meilleurs locaux, une salle de musculatio­n, le PFC pourrait, ainsi, venir concurrenc­er la majorité des centres de formation français. Mais son avenir dépend aussi des résultats de l'équipe première. Patrick Gobert fait le point: “L’avantage de la Ligue 2, c’est que vous obtenez tout de suite l’agrément pour bâtir un centre de formation et vous avez un an pour conforter votre statut. En National, vous ne pouvez avoir qu’une académie.” Si le Paris FC joue pour le moment les premiers rôles en L2, Mathieu Lacan a tout de même quelques sueurs froides: “Si demain, vous me dites que l’équipe première descend, je suis au fond du trou. On n’en peut plus. C’est elle qui fait tout. C’est la locomotive. Ça ne tient qu’à un fil.” . Le fil est tendu, mais le Paris FC a déjà démontré ses talents de funambule.

“Au lieu de deux, j'aurai entre quatre et cinq séances par semaine. On va pouvoir travailler beaucoup plus et mieux. Ça va tout changer.” Rudy Jeanne-Rose, coach des gardiens U17

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