FELIPE SAAD (FC LORIENT)
“LA PRIORITÉ, C’EST D’APPRENDRE À PARLER LA LANGUE”
Passer d’une métropole comme Rio de Janeiro et ses six millions d’habitants à une petite ville comme Guingamp qui compte huit mille âmes, tel était le défi de Felipe Saad il y a onze ans. Le défenseur central de Lorient explique comment réussir une bonne adaptation dans un autre pays. Quelle était la plus grosse barrière à franchir en arrivant en France? La communication. Ma priorité, c'était d'apprendre à parler français. J'étais aidé par une prof embauchée par le club et de mon côté, je faisais le nécessaire pour communiquer avec mes coéquipiers sur le terrain. Le plus important, en dehors des formules de politesse comme “bonjour” et “merci”, c'était donc de maîtriser le vocabulaire spécifique du football: “à gauche”, “à droite”, “monter”, “descendre”. Pour survivre, c'était essentiel.
Et concernant le style de jeu? Au Brésil, j'étais face à des attaquants rapides, techniques et assez maigres. En Ligue 2, mes adversaires étaient très balèzes, parfois plus que moi. Il a donc fallu que je travaille mon physique qui n'était pas vraiment adapté au football européen. À Guingamp, je pesais 79 kilos. Huit ans plus tard, à Strasbourg, mon poids stagnait à 86 kilos. Tactiquement, les défenseurs au Brésil sont souvent livrés à eux-mêmes, tandis qu'en France, la défense évolue plus collectivement. Il a aussi fallu apprendre à gérer le pressing français qui est beaucoup plus intense. On ne peut pas garder le ballon trop longtemps pour construire le jeu.
Tu as changé de club environ tous les deux ans. Ce n’est pas trop difficile de s’adapter à chaque fois à un nouvel environnement? Certains s'affirment d'entrée de jeu, moi j'ai besoin d'un round d'observation de deux-trois semaines pour identifier qui sont les leaders dans chaque domaine et les capacités techniques de chacun pour pouvoir m'adapter ensuite. Après, cela dépend du point de vue. Je trouve ça agréable et enrichissant de découvrir plusieurs villes et plusieurs cultures. Mais c'est difficile de marquer l'histoire d'un club quand on ne reste que deux ou trois ans. À Guingamp et à Strasbourg, c'était différent parce qu'on a gagné des titres, mais on est loin de Nicolas Seube qui est devenu une légende à Caen.
Est-ce que le fait de changer de pays risque de ralentir la progression d’un joueur? Non, je ne pense pas. Arriver dans un nouveau pays est toujours enrichissant. Certes, vous devez vous adapter à une nouvelle vie, une nouvelle culture, une nouvelle langue. Mais si, à côté de ça, il y a du travail et de la rigueur, la progression ne sera pas ralentie.
Ce sont les entraîneurs ou les coéquipiers qui t’ont fait le plus progresser? Les deux sont complémentaires. Avoir une bonne complicité avec ses partenaires en défense, c'est la clé de la réussite. Mais les entraîneurs sont essentiels, d'abord parce qu'ils ont de l'expérience, mais aussi parce qu'ils te voient avec un regard extérieur, qui leur permet de mieux évaluer ta marge de progression.