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Mais pourquoi le PSG n'y arrive-t-il pas?

- PAR NICOLAS JUCHA. PHOTOS: PANORAMIC

Depuis 2011, QSI rêve d’un PSG qui triomphe sur la scène européenne. Mais malgré les sommes investies, le club de la capitale ne parvient pas à briser son plafond de verre en Ligue des champions. Et va encore vivre la fin de la C1 à l’extérieur du carré VIP.

“Para que aprendan.” Trois mots qui arrivent comme une baffe dans la gueule, accompagné­s de l'image de Daniel Carvajal et Cristiano Ronaldo exultant après le triomphe. “Pour qu’ils apprennent”, une phrase qui, sur la Une de Marca au lendemain de PSG-Real Madrid (1-2), sonne plus comme un crachat humiliant sur les restes fumants des ambitions européenne­s parisienne­s, qu'un encouragem­ent bienveilla­nt. Après un match aller encouragea­nt dans le contenu, mais frustrant sur le plan mathématiq­ue, les joueurs parisiens, à l'instar d'Adrien Rabiot, avaient haussé le ton: “C’est facile d’en mettre huit à Dijon, mais c’est dans ces matchs-là qu’il faut être décisifs...” De quoi faire penser aux supporters que Paris allait se reprendre à domicile et faire comme en 1993, quand le PSG présidé par Michel Denisot avait retourné la Casa Blanca 4-1. Parallèle évident, mais rapidement dissipé par le manque d'intensité et d'engagement des hommes d'Unai Emery, comme pris par l'enjeu, alors que tout le club avait promis qu'“ensemble” ils allaient “le faire”. Finalement, Paris ne verra donc pas les quarts de la C1 pour la seconde saison de suite, et pire, sa crédibilit­é en tant que postulant à une victoire prochaine est désormais entachée. La question n'est plus de savoir “quand”, mais “si” le PSG de QSI s'adjugera un jour la coupe aux grandes oreilles. Une remise en question probableme­nt excessive pour Dominique Rocheteau, finaliste de la Coupe d'Europe des clubs champions 1976 avec SaintÉtien­ne: “Ils sont tombés sur le double tenant du titre, une équipe qui sait se transcende­r dans les matchs européens, avec quelques-uns des meilleurs joueurs du monde, et alors que leur meilleur joueur, Neymar, était blessé. Paris n’a pas eu de chance. En plus, au-delà de ce match retour raté, le PSG réalise une très grosse saison, quasi parfaite.”

“On attend trop ce PSG-là”

“Je pense qu’au PSG, il manque l’institutio­n. Quand tu vois Verratti et son attitude, ça veut dire qu’il n’y a pas de club derrière.” Arrigo Sacchi

Si l'Ange vert n'a pas tort, il est évident que l'émir du Qatar n'a pas racheté le club pour s'enquiller des Hexagoals et des Coupes de la Ligue. Le complexe européen est donc un problème majeur. Et urgent pour un actionnair­e peu réputé pour sa patience. Une composante de l'équation qui peut expliquer en partie les difficulté­s du onze parisien dans les matchs couperets, comme l'explique Patrick Colleter, parmi les joueurs essentiels du PSG des années 1990. “À notre époque, on abordait ce type de match avec sérénité. Alors que les joueurs de ce PSG-là, ils se mettent beaucoup de pression, on les attend trop. À notre époque, on n’avait pas la prétention de vouloir gagner, simplement d’aller le plus loin possible.” Pas facile de se contenter d'aller loin quand le président Nasser Al-Khelaïfi a clamé depuis plusieurs années déjà qu'il fallait aller chercher le Graal européen, et que la deadline est allègremen­t dépassée sans un seul dernier carré au compteur. La situation serait acceptable si Paris donnait l'impression de progresser. Mais entre 2013, saison où, sous Carlo Ancelotti, le PSG a fait jeu égal avec le grand Barça, et l'éliminatio­n piteuse contre le Real de 2018, les rêves parisiens ont perdu de leur grandeur. Une régression mise en perspectiv­e par Arrigo Sacchi sur Mediaset dans la foulée de l'éliminatio­n du futur champion de France: “Le Real a affronté un adversaire très faible. Le PSG n’est qu’un groupe de joueurs. Les idées, ça ne s’achète pas. Le club passe toujours avant tout. Il manque beaucoup de choses à ce PSG. Je pensais voir une équipe le couteau entre les dents. J’ai juste vu le Real jouer une cigarette à la bouche. Je pense qu’au PSG, il manque l’institutio­n. Quand tu vois Verratti et son attitude, ça veut dire qu’il n’y a pas de club derrière.”

Joue-la comme Guy Roux et le Bayern Munich

Des critiques qui sonnent comme une remise en question de la direction

parisienne, Nasser Al-Khelaïfi en première ligne. Demi-finaliste de la Coupe de l'UEFA en 1993, Daniel Dutuel a vécu la qualificat­ion de l'AJ Auxerre face à l'Ajax Amsterdam, alors tenant du titre et véritable ogre européen avec Dennis Bergkamp ou les frères De Boer dans son effectif. Un rapport de force nettement plus désavantag­eux sur le papier que l'opposition PSG-Real, mais que les Icaunais avaient su surmonter. Grâce à la force des décideurs auxerrois. “La base, dans toute entreprise, pas qu’en football, c’est l’institutio­n, estime l'ancien milieu passé par Marseille, Bordeaux et Vigo, qui aujourd'hui assure des footballeu­rs pros.

Si d’en haut, la hiérarchie n’impose pas un cadre strict, c’est compliqué. C’est du sommet que doit venir la direction, pas d’Unai Emery, qui se retrouve obligé de diriger un bateau qui tangue. Guy Roux à l’AJA, il avait vraiment le pouvoir.”

Pour Dutuel, les déconvenue­s contre le Real et le Barça doivent amener les dirigeants à se poser les bonnes questions et à suivre les bons exemples. Dont fait partie le Bayern Munich selon Patrick Guillou, consultant Bundesliga pour beIN Sport et ancien joueur de l'élite allemande.

“Il y a dans ce club le poids de l’histoire. Le club ne s’est pas construit en quelques années, mais en plusieurs décennies, durant lesquelles il a vécu des désillusio­ns. Mais contrairem­ent à Paris qui remet tout en question à chaque déception, les dirigeants du Bayern font en sorte de se servir des défaites, même s’il s’agit d’une défaite 4-0 à domicile contre le Real.” Un constat partagé par Rocheteau:

“C’est clair qu’à Paris, dès qu’ils se font sortir en Coupe d’Europe, on parle de suite des joueurs à acheter.” Un mauvais réflexe selon Colleter, pour qui des joueurs comme Layvin Kurzawa ou Alphonse Areola sont “excessivem­ent critiqués, alors qu’ils sont jeunes et méritent un peu plus de temps”.

L'ancien latéral rappelle l'exemple de Ronaldo, désormais ultra- décisif dans les gros matchs européens, “mais qui a connu beaucoup de désillusio­ns dans les matchs clés avant d’y briller”.

Enclencher un nouveau cycle

Une d'individual­ités, équipe plutôt c'est qu'une ce à somme quoi le PSG devrait aspirer. Donc plutôt que de penser à recruter Oblak ou Donnarumma pour voir le dernier carré européen, il faudrait déjà pousser le potentiel humain du groupe actuel à son paroxysme. Rocheteau: “À Saint-Étienne, il n’y avait pas un joueur au-dessus des autres, nous étions une équipe. Notre plus grande force, c’était la cohésion, et une certaine force de solidarité. Je ne dis pas que l’on s’aimait tous, mais on avait envie de réussir ensemble. Je ne vois pas cela au PSG aujourd’hui.” L'état d'esprit pour se transcende­r et battre des adversaire­s plus forts intrinsèqu­ement, c'était une spécialité du PSG de 1993 également. Colleter se souvient d'une “équipe de talent, avec un futur Ballon d’or, George Weah, mais aussi beaucoup de caractère et de confiance les uns envers les autres”. En roue libre pour finir la saison avec trois titres nationaux – “ce que l’on considère comme normal, et donc empêche toute confiance sur la scène européenne”, déplore Dominique Rocheteau –, le PSG va devoir enclencher un nouveau cycle au mois de juin. Et faire les bons choix pour qu'il ne s'agisse pas d'un nouveau retour en arrière, mais bien d'un recul pour mieux sauter. Patrick Colleter ne souhaite rien d'autre, même si cela fait un peu d'ombre à sa place dans

l'histoire parisienne: “J’espère que Paris va y arriver, car c’est magnifique d’avoir une telle équipe en France. Ils ne peuvent pas revenir en arrière, viser moins haut, mais il faut qu’ils pensent à soigner le contenu avant tout. Contre le Real, le public a fait le job, mais l’équipe n’a pas fait le sien: il ne s’est rien passé, pas d’intensité, pas de folie... On peut leur pardonner une défaite, mais pas une défaite sans lutter.” TOUS PROPOS RECUEILLIS PAR NICOLAS JUCHA

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“Si je ferme les yeux, je peux m’imaginer en finale.”
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La technique de l'autruche.

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