La Ligue des champions est-elle devenue plus importante que la Coupe du monde?
Ces dernières années, la Ligue des champions emmenée par ses ambassadeurs Cristiano Ronaldo et Lionel Messi symbolise l’excellence footballistique. De là à prendre l’avantage sur la prestigieuse Coupe du monde? La question se pose.
Parce que les meilleurs joueurs du monde y brillent
Certes, Lionel Messi et Cristiano Ronaldo n'ont pas remporté de Coupe du monde, mais c'est en Ligue des champions que les deux phénomènes ont acquis leurs lettres de noblesse: quatre C1 et cinq Ballons d'or chacun. Pour l'ancien international tunisien Selim Benachour, “la Ligue des champions a pris une autre dimension. Elle se passe chaque année, réunit les meilleurs clubs. Il n’y a plus besoin de gagner la Coupe du monde pour être considéré comme l’un des meilleurs joueurs”. Au mondial, Messi et Ronaldo doivent composer avec les lacunes de leur sélection respective comme l'explique Pascal Cygan, ancien Gunner d'Arsenal: “C’est un sport collectif, donc ils dépendent aussi de leurs coéquipiers. Même si vous avez un trident ou un quatuor offensif de haut niveau en équipe d’Argentine, si votre milieu de terrain ou votre défense n’est pas au niveau, ça peut être compliqué d’arriver au bout.”
Parce que le niveau des clubs est supérieur au niveau international
En 2018, les 11 des plus grands clubs sont supérieurs sur le papier à ceux de la quasitotalité des sélections. Et pour cause, depuis l'arrêt Bosman permettant aux joueurs de circuler librement, les grands clubs recrutent les meilleurs sans grandes restrictions. Si l'écart entre petits et grands clubs est toujours plus important, le faible nombre d'équipes qui trustent les victoires en Ligue des champions ces dernières années affiche une compétitivité rarement connue par le passé. Pas de doute pour Sidney Govou, finaliste de la Coupe du monde 2006: “Je pense que la Ligue des champions est plus difficile en matière de football. C’est plus dur de la gagner que de remporter la Coupe du monde. Les meilleures équipes européennes sont supérieures aux meilleures nations. Il y a plus d’automatismes entre les joueurs, ils ont plus de temps pour travailler ensemble. Souvent les équipes qui gagnent la Coupe du monde ont une base de club.”
Parce e qu’elle s’insère dans un calendrier chargé
Si la Coupe du monde 2018 se déroule du 15 juin au 16 juillet prochain, dans une période vierge de toute autre compétition, la Ligue des champions 2018 comme ses devancières se dispute au coeur de la saison. Elle a débuté, sans compter le tour préliminaire, le 12 septembre 2017 et s'achèvera le 26 mai 2018. Joueurs, entraîneurs et staff doivent disputer la compétition la plus difficile du monde tout en composant avec un calendrier chargé, un championnat à disputer plus une ou deux coupes nationales. Enfin, si les matchs de Coupe du monde se jouent à élimination directe à partir des huitièmes de finale, la C1 exige des rencontres aller-retour. “En Ligue des champions, le rythme est plus effréné”,
lâche Cygan, qui avait pris part à la campagne malheureuse d'Arsenal, défait en finale par le FC Barcelone en 2006.
Parce que la Coupe du monde rassemble la planète
“La Coupe du monde rassemble la planète football. Tous les continents sont réunis. C’est magique. J’ai eu le plaisir et le privilège de vivre ça au Brésil, la capitale mondiale du foot. C’est phénoménal”, s'enthousiasme Philippe Genin, commentateur pour beIN Sports. Ligue des champions ou pas, la Coupe du monde reste la compétition la plus prestigieuse dans l'histoire du football: “Elle est plus ancienne”, poursuit
Jean-Baptiste Guégan, auteur de Football investigation: les dessous du football en Russie. “Il suffit de comparer les sommes que ces deux compétitions engendrent et ce qu’elles coûtent. En matière de budget, une Coupe du monde se chiffre en milliards d’euros d’investissement. C’est la plus belle audience du sport avec les cérémonies d’ouverture, de clôture des JO et les 100 mètres. La Ligue des champions est dans le top 10, mais pas audelà.” Parce que ce qui est rare est précieux
La Ligue des champions a lieu tous les ans, le Mondial tous les quatre ans. Pascal Cygan le sait, lui qui ne l'a jamais disputée: “Il faut être prêt la bonne année. Il ne sert à rien pour un international d’être en forme pendant trois ans en Ligue des champions et passer à travers la quatrième année, être blessé ou avoir des problèmes avec son entraîneur. Il y a moins de possibilités de se
rattraper.” Karim Benzema est bien placé pour le savoir. Malgré trois C1 remportées avec le Real Madrid, l'attaquant français, en froid avec le sélectionneur Didier Deschamps, fait le forcing pour revenir en Bleu. Pour Manuel Amoros, deuxième meilleur joueur de la Coupe du monde 1986, il n'y a pas de débat: “La Coupe du monde est la plus importante et il faut être international pour la jouer.” En 2022, Benzema aura 34 ans, sans doute sa dernière chance de remporter ce trophée. Parce que la Coupe du monde reste le panthéon du foot Si Lionel Messi et Cristiano Ronaldo sont considérés à juste titre comme faisant partie des plus grands joueurs que le football ait jamais connus, les plus pointilleux soulignent l'absence de Coupe du monde dans leur palmarès. Dans la bataille les opposant pour le prochain Ballon d'or, Neymar pourrait, en cas de participation au prochain Mondial, jouer les trouble-fête, avantagé par une sélection brésilienne meilleure sur le papier que celle de ses deux concurrents. Gagner la Coupe du monde, c'est prendre une option sur la plus belle distinction individuelle. Pour Benachour, ancien Parisien, “le Brésil est favori, j’espère qu’il va aller loin, qu’il va la gagner. Si c’est le cas, c’est sûr que Neymar sera dans les tuyaux pour gagner le Ballon d’or l’année prochaine, on pourra dire qu’il est à la hauteur des deux phénomènes Messi et Ronaldo, même si cela dépend aussi du début de saison prochaine, en club.” Et donc du parcours en Ligue des champions, forcément…