Centre de formation Ajaccio
Officiellement agrémenté depuis cinq ans, le centre de formation de l’AC Ajaccio s’appuie sur les valeurs d’appartenance à l’Île de Beauté.
Officiellement agrémenté depuis cinq ans, mais souffrant logiquement de l'isolement de la Corse, le centre de formation de l'AC Ajaccio compense en offrant aux futurs footballeurs un apprentissage de qualité. Et en s'appuyant sur les valeurs d'appartenance à l'Île de Beauté.
“Mais c’est pas vrai! Je te demande d’avancer,
tu avances!” Sous un immense soleil matinal, l'entraînement de l'équipe réserve (National 3) fait rage sur le terrain principal du CSJ (Centre du sport et de la jeunesse), lieu situé à proximité du centreville d'Ajaccio qui accueille le centre de formation de l'ACA, ainsi que l'école de foot et bien d'autres disciplines sportives destinées aux jeunes. En plein milieu d'un exercice à une touche de balle, la tension monte aussi vite que les chaudes températures hivernales de la région. Le tempérament corse, serait- on tenté de dire. Parce qu'ici, on ne transige pas avec l'identité territoriale. Les joueurs qui intègrent le club sont avant tout des hommes à qui on apprend à défendre le drapeau noir et blanc orné d'une tête de Maure. “Ce n’est pas facile à transmettre. À travers notre discours et notre façon d’être, on essaye de leur inculquer notre état d’esprit insulaire, et particulièrement celui de l’ACA. C’est ce qui a fait, dans l’histoire, la réussite des équipes corses, pose Patrick Leonetti, entraîneur dirigeant la séance. Collectif, solidarité, combativité, détermination, espoir, zéro complexe: voilà les maîtres-mots qui nous représentent et qu’ils doivent suivre. Quand quelqu’un vient sur notre île, on se doit de la défendre.”
Faire du 100 % local
L'identité corse, les jeunes de l'ACA peuvent difficilement l'oublier. Outre les cours de chants polyphoniques qu'ils sont obligés de suivre tous les jeudis ( parfois agrémentés d'une petite sortie de plongée), les Acéistes de demain partagent les infrastructures du CSJ avec… les rivaux du Gazélec. “C’est un peu comme si vous aviez les jeunes du Paris Saint- Germain dans la même cantine que ceux de l’Olympique de Marseille!”, sourit Sébastien Bannier, directeur du centre de formation. En dehors de l'île, l'ambiance devient parfois encore plus électrique dès qu'ils posent le pied au- delà de ces frontières autrefois italiennes. “Quand on joue sur le continent, on est attendus comme des Corses. Et pas toujours de manière sympathique. Au moins, on est déjà préparés aux matchs domicileextérieur! témoigne Enzo, originaire de Chartres et gardien des U17. De toute façon, je sais que ma mission première est de défendre les valeurs corses. Les Corses de notre équipe sont toujours là pour me le rappeler.”
L'influence de la région ne s'arrête pas là. L'Île de Beauté comptant moins de 350 000 habitants, le nombre de licenciés y est faible. Difficile de faire du 100 %
local, donc. “Il y a ce qu’on aimerait faire, et il y a la réalité du terrain, décrit Sébastien
Bannier. On aimerait avoir onze joueurs corses sur toutes nos pelouses. C’est le rêve des supporters, des dirigeants, des staffs… Or, c’est techniquement impossible. On essaie de faire au mieux. Mais quand on sait que dans le foot français, plus de 70 % des joueurs viennent de la région parisienne, ce serait dommage qu’il n’y ait pas de Parisiens chez nous.” Sauf que la priorité n'est pas non plus donnée aux éléments extérieurs. Et que tout le monde n'est pas prêt à traverser la mer pour se consacrer au ballon rond. Si Anthony, qui vient de Cannes, a par exemple tenté l'aventure, le capitaine des U17 a mis un peu de temps avant de se sentir véritablement chez lui: “C’est sûr que ma famille et mes amis me manquent. L’année où je suis arrivé, je chialais tous les jours…” “On sait très bien qu’un gosse déraciné aura du mal à y arriver”, répond en écho le directeur du Pôle Espoir foot, localisé juste en face des bureaux du centre avec lequel il travaille main dans la main. Heureusement, les éducateurs – sportifs, administratifs, enseignants ou médicaux – sont aux petits soins. D'autant que tout le monde se connaît, Ajaccio étant relativement petit (66 000 habitants) comparé aux métropoles de l'Hexagone. Ce qui limite fortement les problèmes de comportement dans un environnement pourtant idyllique et propice aux sorties nocturnes, selon Patrick Leonetti: “Ici, tout se sait. Contrairement à d’autres grandes villes, il n’y a pas besoin d’imposer des règles drastiques. Car celui qui déroge à une règle tacite se fait rapidement punir. Et puis, la charge de travail est tellement lourde, et le climat tellement pesant que l’organisme fatigue après avoir travaillé sous grosse chaleur. Il réclame naturellement du repos.”
Diplôme, mathématiques et combat corse
Après avoir gentiment grondé quelquesuns de ses adolescents passés de Bastia à l'ACA (à la suite de la relégation du Sporting l'été dernier) qui se sont immiscés dans le vestiaire de leur ex- club pour fêter une victoire avec d'anciens partenaires, Sébastien Bannier revient sur l'objectif premier de son centre en ce mardi matin:
“Former des footballeurs et les mettre en valeur. Pour qu’ils accèdent à l’équipe première, d’abord. Puis, bien évidemment, pour faire des ventes, chose économiquement indispensable aujourd’hui à l’ACA. Nous, on n’a aucun problème à reconnaître qu’on puisse constituer un club de passage pour certains. Si Ajaccio peut devenir un tremplin pour un joueur qui a la capacité de rallier une grande équipe européenne, tant mieux.” Les autres, ceux qui ont moins de chance ou
“Il n’y a pas besoin d’imposer des règles drastiques, car celui qui déroge à une règle tacite se fait rapidement punir.” Patrick Leonetti
moins de talent, ne sont pas abandonnés. À l'ACA, personne ne sort sans avoir de diplôme en poche. Les salles de classe de l'école technique privée sont installées juste en face des terrains, le nombre moyen d'élèves y est de cinq pour un professeur, le taux de réussite aux examens est de 100 % et on ne compte plus le nombre de mentions. Ni des jeunes arrivés en échec scolaire et repartis amoureux des
mathématiques. “C’est indispensable qu’ils se procurent un bagage, ça me paraît évident,
ne transige pas Sébastien Bannier. Si on prend les statistiques, un joueur sur dix devient professionnel. Donc les neuf autres, il faut qu’ils disposent d’une capacité de travail pour s’orienter ailleurs dans la vie active. L’avantage pour celui qui sort du centre de l’ACA, c’est qu’il est déjà autonome, cultivé et éduqué. Il sait ce qu’est le goût de l’effort, le goût du boulot. C’est donc très intéressant pour une entreprise de le recruter.”
Dans son bureau aux murs décorés d'une citation de Johan Cruyff – “Le foot moderne, c’est le mouvement. Celui des joueurs comme
celui du ballon”, est-il inscrit –, le directeur du centre de formation s'arrête. Réfléchit. Et conclut: “Il faut savoir rester humble, mais on sait qu’on possède nos spécificités. Ce qui se fait partout est très bien, ce qui se
fait chez nous n’est pas mal non plus, aime à répéter cet ancien membre du Stade Malherbe de Caen et des Girondins de
Bordeaux. Notre force, c’est la volonté. Sur le terrain, ça se traduit par un surpassement de soi supérieur à la moyenne. Parfois excessif, peut-être, mais je préfère canaliser mes joueurs plutôt que d’avoir à les pousser dans l’engagement.” Dehors, le combat corse c. observé durant l'entraînement n'est en tout as toujours pas terminé.
“Je préfère canaliser mes joueurs plutôt que d’avoir à les pousser dans l’engagement.” Sébastien Bannier, directeur du centre