So Foot Club

Allez les Bleus!

Et si la bande à Deschamps fêtait les 20 ans de France 98 en s'offrant une deuxième étoile?

- PAR ALEXANDRE DOSKOV ET MAXIME BRIGAND. PHOTOS: PANORAMIC

En quittant le Mondial 2014 avec les honneurs, les Bleus étaient revenus en France pleins de promesses. Qu’en reste-t-il à la veille de la Coupe du monde en Russie? Autant d’espoirs que de doutes, si l’on en croit les quatre ans qui viennent de s’écouler.

“Es t -ce que j’ai bien aimé

le match? Et vous?” Le micro à peine allumé, Didier Deschamps souffle déjà sur le canon de son revolver. Une ambiance de western au milieu des petits fours que les invités du soir avalent en regardant le sélectionn­eur défier l’assistance: ce dernier tient son match référence – un nul décroché en Allemagne (2-2), à Cologne, le 14 novembre dernier – et veut le faire savoir à des médias qui ne regarderai­ent pas, selon lui, l’équipe de France à sa juste valeur. La veille, il avait déjà prévenu, et le résultat du soir lui donne l’occasion de lâcher un deuxième uppercut: “En chantier? Non! Des gens extérieurs et importants ont une image ou une analyse de ce qu’on fait qui est nettement supérieure à celle que l’on peut avoir en France. Il suffit d’entendre le sélectionn­eur brésilien Tite ou Lionel Messi. Après, oui, bien sûr qu’on a une marge de progressio­n...” Depuis quelques mois, c’est vrai que c’est le défilé: de Gary Lineker à Joachim Löw, tous voient les Bleus parmi les favoris à la victoire finale en Russie. Est- ce mérité? Logique? Complèteme­nt dingue? Non, ça se tient, même si on se dit toujours que quelque chose ne colle pas. Car si l’équipe de France semble avoir déjà gagné le match de la technique, du spectacle, de la générosité, il lui reste celui de la gestion des événements, et la récente défaite face à la Colombie au stade de France (2-3) l’a rappelé. Ce soir-là, qu’a dit Deschamps? “Sans nier la qualité qu’il a, ce groupe est jeune et doit passer par des moments difficiles. Quand ça se tend, il y a un peu plus de fébrilité. En accumulant de l’expérience, on gommera ça.” Oui, c’était déjà le discours en sortant du Brésil, il y a quatre ans.

“Et ça veut dire quoi progresser?”

Revenons-y d’ailleurs, au Brésil. Une première pierre pour le mandat

Deschamps, devenu sélectionn­eur après l’Euro 2012. Qu’en retenir? Des naissances, déjà: celles de Pogba, de Griezmann, de Varane. Et une chute, forcément: à Rio, les Bleus étaient tombés en quarts de finale face à l’Allemagne (0-1) et Raphaël Varane en était devenu malgré lui un symbole. Soit la représenta­tion d’une jeunesse culottée, mais à laquelle il manquait encore un petit morceau d’expérience pour affronter le col d’un futur champion du monde. Reste une sensation: le plaisir, c’est le risque, et cette

“Ce groupe est jeune et doit passer par des moments difficiles. Quand ça se tend, il y a un peu plus de fébrilité.” Didier Deschamps

jeunesse nous injectait une bonne grosse dose d’espoir. Les joueurs, eux, ne disaient pas autre chose, à commencer par Hugo Lloris qui appelait ses potes à “s’appuyer

dessus pour l’avenir”. Là, Blaise Matuidi

avait prévenu: “Maintenant, dans deux ans, il y a une compétitio­n chez nous, l’Euro.

On va y penser maintenant.” Et pendant les deux années qui ont suivi, cet Euro est devenu une obsession. À juste titre. Didier Deschamps, lui, avait un autre défi, en parallèle: rendre de nouveau sympathiqu­e cette équipe et pousser les gens à revenir au stade de France.

L’Euro 2016 sera un reflet de cette réussite. Les stades sont pleins, la ferveur s’empare du public et le rêve d’un nouveau sacre à la maison (après 1984 et 1998) se dessine. Sur S le terrain, les Bleus profitent d’un parcours p simplifié jusqu’à une demi-finale remportée re au mental face à une Allemagne supérieure su (2-0), mais glissent au moment où o l’on s’y attend le moins, en finale contre le Portugal (0-1). Et c’est normal. Ce qui compte co alors, pour Deschamps, c’est que ses se joueurs encaissent, se relèvent, et se projettent p vers l’avenir. À l’instar de Blaise Matuidi: “C’est très dur, parce qu’on s’est donné les moyens de jouer cette finale, et la perdre... Il va falloir s’en remettre et se projeter ensuite sur 2018.” L’expérience, c’est avant tout ça: l’apprentiss­age de la défaite.

La boulette de Lloris et l’introspect­ion

On connaît l’histoire, et Deschamps n’a pas vu plus loin: cette défaite face au Portugal a été difficile à digérer, mais il fallait s’en servir pour grandir encore un peu plus. Or, dès septembre 2016 et le début des éliminatoi­res, les oracles commencent déjà à dégainer leurs prévisions pour la suite et sont plutôt unanimes: le ciel est dégagé, et la bande à Deschamps a toutes les cartes en main pour faire partie des favoris au prochain Mondial. Reste qu’il s’agit de ne pas se faire de frayeur inutile comme en 2014, quand les Bleus avaient dû jouer un barrage aussi périlleux que casse-gueule face aux Ukrainiens. Message… non reçu: les éliminatoi­res débutent par un 0-0 dégueulass­e en Biélorussi­e.

Plus les matchs passent et plus Didier Deschamps donne l’impression de tâtonner et de faire des tests sans trop savoir où il va. Un soir, il tente la doublette Griezmann-Gameiro en pointe. Un autre, il revient à un 4-3-3 plus figé. Les résultats suivent, la France enchaîne les victoires, mais ne trouve pas son ossature et doit compter sur un exploit de Pogba pour vaincre les Pays-Bas lors du premier vrai test des éliminatoi­res (0-1). Pourtant, en sortant de la pelouse, coach DD balaie les oiseaux de mauvais augure. “Notre victoire

est méritée, tonne-t-il pour montrer qu’il maîtrise son navire. On a une maîtrise collective bien meilleure, mais on peut encore l’améliorer. Les joueurs se connaissen­t, et en répétant les matchs on s’améliore.” Et prière de lui faire confiance. Sauf qu’en juin 2017, à un an du Mondial, les voyants passent au rouge quand Hugo Lloris envoie une relance abominable dans les pieds de Toivonen face à la Suède. Le tout dans les arrêts de jeu, et alors que le score était de 1-1. La Suède l’emporte (2-1), et les Bleus

“C’est quoi une identité de jeu, à part des mots?” Didier Deschamps

sont bons pour une séance d’introspect­ion qui durera tout l’été.

L’identité de jeu

Montagnes russes, suite et fin. Après une grosse trêve estivale, les Tricolores reviennent au stade de France à la fin du mois d’août pour le match retour contre le gros morceau de leur poule, les Pays-Bas. Et là, miracle: les Bleus déroulent et désossent méticuleus­ement les Néerlandai­s (4-0). Thomas Lemar plante son doublé, Mbappé inscrit son premier but en sélection, et les joueurs de Deschamps livrent leur meilleure performanc­e collective depuis bien longtemps. Face à cette jeunesse qui explose et qui éclabousse, Dick Advocaat, le sélectionn­eur des Pays-Bas, rend les armes: “Nous n’avions aucune chance de réussir dans ce match. Nous n’avons pas été à la hauteur pour les contrer, notre adversaire est plus fort que nous.” La France fait un grand pas vers la qualificat­ion. Le souci, c’est que quatre jours plus tard, cette même équipe de France s’emmêle les pinceaux face au Luxembourg contre lequel elle s’arrache les cheveux (0-0). Les deux dernières victoires auront beau valider la qualificat­ion sans passer par un barrage, l’impression générale laissée par les Bleus est mitigée. Au coeur des débats, l’identité de l’équipe. Dans les colonnes de L’Équipe, Deschamps lui-même pose la question: “C’est quoi une identité de jeu, à part des mots?” Mots, toujours; on lui reproche d’être beaucoup trop prudent avec un effectif qui dégouline de talent et qui mériterait un peu plus de folie. La réponse du sélectionn­eur est

cinglante. “On ne peut pas tout expliquer, ce serait trop facile et je vous l’ai déjà dit. On a une équipe jeune. (...) Vous retenez ce que vous voulez. Moi, je retiens les deux choses: l’objectif atteint et le manque de maîtrise oui, aussi. Je ne suis pas borgne ou aveugle. (...) On veut progresser dans tous les domaines. Il y a du travail dans toutes les lignes, je ne me focalise pas sur un secteur.”

Inquiétant et excitant

Forcément, à quelques semaines du grand rendez-vous, une question se pose: ces Bleus ont-ils progressé depuis leur défaite en finale de leur Euro? Grâce à son joli nul en Allemagne, mi-novembre, Deschamps a donc récupéré des arguments pour convaincre le monde que oui. Puis il est retombé face à la Colombie, et son groupe n’a pas beaucoup plus convaincu en Russie (1-3). C’est inquiétant, mais aussi un poil excitant: c’est la fougue, l’histoire d’une attaque efficace, qui plante à chaque rencontre, où une dizaine de profils s’entrechoqu­ent, et d’une défense parfois fébrile, rarement impériale, où l’on ne connaît pas encore la paire de centraux qui débutera en Russie. Ce que l’on sait, en revanche, c’est qu’Antoine Griezmann est en feu avec l’Atlético de Madrid (19 buts depuis le 1er janvier 2018), que Kylian Mbappé sort d’une saison à plus de 20 buts, et que Paul Pogba monte en puissance depuis quelques semaines à Manchester. Seule certitude: un Mondial se gagne avec des champions. Coup de chance, la France en a plein. Le reste, c’est à eux de l’écrire.

“On veut progresser dans tous les domaines. Il y a du travail dans toutes les lignes, je ne me focalise pas sur un secteur.” Didier Deschamps

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Kylian Mbappé a déjà la posture d'un super-héros.
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