Les petites billes noires.
Avec l’explosion des terrains d’entraînement synthétiques et des complexes de Five, les petites billes noires en caoutchouc sont devenues le pire ennemi du footballeur. Et pas seulement parce qu’elles traînent dans le sac après les matchs: les fines parti
Avec l’explosion des terrains synthétiques et des complexes de Five, les petites billes en caoutchouc sont devenues les pires ennemies des sacs de footballeurs. Mais également un problème environnemental et de santé publique…
En 2009, l’entraîneure adjointe de l’université de Washington, Amy Griffin, rend visite à l’une de ses joueuses, soignée dans un hôpital de Seattle. La jeune gardienne souffre d’un lymphome non hodgkinien, un cancer qui frappe le système lymphatique. Elle reçoit un traitement par chimiothérapie. Les deux femmes se remémorent leurs souvenirs de foot quand une infirmière, présente dans la pièce, interrompt la plus jeune: “Vous êtes gardienne de but? C’est dingue, ça fait au moins cinq gardiens de foot que je croise dans le service cette semaine.”
La championne du monde –Amy Griffin était gardienne remplaçante quand l’équipe nationale des États-Unis a remporté la première coupe du monde de football féminin en 1991– dit alors avoir tout de suite pensé aux terrains synthétiques sur lesquels elle et ses joueuses s’entraînent. Et s’ils rendaient malade? Cette crainte ne sortait pas de nulle part. À l’époque, les petits granulés noirs que l’on retrouve par millions sur les fausses pelouses et qui finissent cachés au fond des sacs de sport, entre les lattes de parquet et dans les tambours des machines à laver commençaient déjà à poser question. À New York, on avait même déjà vu des gens manifester en chantant des slogans anti-terrains synthétiques. À la baguette, Geoffrey Croft, président de l’association NYC Park Advocates. Croft a commencé à accumuler les preuves contre ces surfaces de jeu dès 2004. Chez lui, il garde des éprouvettes, des échantillons de granulés venant de toute la ville, des résultats de tests montrant les niveaux de plomb hallucinants relevés sur certains terrains et même des bouts de pelouse artificielle découpés pour dénoncer un revêtement toxique. C’est notamment sous son influence que la ville de New York a décidé dès 2008 de renoncer à la plupart de ses projets de nouveaux terrains synthétiques. Croft raconte fièrement: “On avait bien préparé notre campagne avec beaucoup d’arguments différents: le coût, la santé, l’environnement... On a mis une grosse pression sur la mairie. C’était il y a presque dix ans. C’est hallucinant pour moi de me dire que dans d’autres villes et dans d’autres pays on continue d’installer ces terrains.”
23 000 pneus pour un terrain
Au dernier recensement de 2012, la France comptait 4 700 grands terrains synthétiques. Depuis, la moitié des quelques centaines de grands terrains construits chaque année sont artificiels. Il faut compter aussi les milliers de miniterrains publics, ceux que l’on appelle les “city”, et les centaines de complexes privés dédiés au foot à cinq, dont la pratique explose. La quasi-totalité de ces terrains contiennent des granulés. Tout simplement parce que sans ces granulés, les brins d’herbes artificiels resteraient couchés sur le terrain, explique Olivier Medeville, responsable de l’équipement pour le groupe Soccer Park Le Five. D’où viennent-ils, alors, ces granulés? De vieux pneus broyés dans l’immense majorité des cas. Jean Philippe Faure, directeur recherche et développement de l’organisme français de collecte et recyclage des pneus Aliapur, détaille le processus de fabrication: “Les fibres textiles et les fils métalliques sont extraits du pneu usagé, puis la gomme restante est ensuite broyée.” Les quantités de vieux pneus utilisés pour les synthés sont phénoménales. Selon Aliapur, il faut 23 000 pneus pour construire un seul terrain de onze contre onze. Soit 120 tonnes de granulés. Le problème, ce sont les substances que contiennent ces pneus en fin de vie. En 2008, des chercheurs du Michigan trouvaient des substances nocives –arsenic, chrome et plomb– dans tous les échantillons testés. En 2013, le journal néerlandais
Chemosphere signalait les mêmes dangers. Les auteurs de l’étude exhortaient même les autorités à se préoccuper du sujet après avoir relevé la présence “extrêmement
élevée” d’hydrocarbures dans les bouts de pneus analysés. Une étude à paraître menée à l’université de Yale confirme les deux précédentes et cite avec précision pas moins de 190 substances classées comme toxiques ou cancérigènes trouvées dans ces granulés.
Épidémie et Ajax Amsterdam
Ces molécules nocives se transmettent-elles aux joueurs? La coach Amy Griffin en est persuadée, et tente de le démontrer. En interrogeant des coachs et joueurs autour d’elle, elle a constitué depuis 2009 une liste de 237 jeunes joueurs et joueuses de foot américains atteints d’un cancer –essentiellement des cancers du sang. Tous ont évolué sur synthé et plus des deux tiers jouaient au poste de gardien. “J’ai discuté avec beaucoup de personnes dans le milieu de la recherche et de la médecine. Certaines de ces personnes considèrent que, dans certaines régions, vu le nombre de malades, on peut parler d’une épidémie”, expose Griffin. Ces cas, souvent médiatisés, ont déjà poussé plus d’une centaine de collectivités à renoncer aux granulés aux États-Unis. La peur des billes noires ne touche pas que l’Amérique du Nord. Le Britannique Nigel Maguire est persuadé que c’est à cause d’elles que Lewis, son gardien de but de fils, a développé un lymphome début 2016. Nigel a quitté son poste de responsable du Service national de santé dans le district de Cumbria pour consacrer son temps à alerter l’opinion publique et les responsables politiques sur le phénomène. Il explique avoir écrit trois fois aux différents ministres concernés, contacté de nombreux journalistes et tenu une liste de malades ayant joué sur des synthés. Elle contenait une vingtaine de noms. Celleci n’est plus à jour, car depuis quelques mois il a mis de côté son lobbying pour s’occuper de son fils, en rechute. “J’ai tenté de faire prendre conscience du problème, mais malheureusement, au Royaume-Uni, très peu de gens s’intéressent au sujet”, regrette-t-il. Il a tout de même continué à échanger avec de nombreux spécialistes. Il livre cette conclusion: “La vérité, c’est que personne n’est sûr qu’il n’y a pas de risques. À partir du moment où l’on sait que les granulés contiennent des substances cancérigènes et toxiques, le principe de précaution devrait s’appliquer.” Aux Pays-Bas, le monde du football a commencé à réagir après la diffusion en 2016 d’une enquête du magazine d’investigation Zembla, qui montrait que ce matériau avait été autorisé sans aucune vérification sérieuse quant à sa dangerosité. La seule étude réalisée était partielle et datait de près de dix ans. Selon un inventaire réalisé par le NOS Journaal, au moins 82 clubs ont pris, fin 2016, des mesures pour limiter l’utilisation des terrains arrosés aux granulés ou, mieux, y mettre carrément un terme. L’Ajax
Une étude à paraître menée à l’université de Yale cite avec précision pas moins de 190 substances classées comme toxiques ou cancérigènes trouvées dans ces granulés
Amsterdam, notamment, a annoncé vouloir remplacer les terrains artificiels de son centre de formation.
Le cas français
Et en France? Une question posée à la ministre des Sports en 2013 par l’ancienne députée Pascale Boistard permet de cerner une position officielle. La députée dénonçait “l’absence d’études scientifiques approfondies sur d’éventuels risques sur la santé liés à l’inhalation, l’ingestion ou le contact avec les éléments constituant ou
fixant les gazons synthétiques”. La ministre de l’époque, Valérie Fourneyron, la rassurait en s’appuyant sur un rapport de 2012 rédigé par Aliapur, l’entreprise chargée de la collecte et de la valorisation des pneus usagés. On a épluché ce rapport. Sur le plan sanitaire, Aliapur se base en fait sur des travaux de l’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques) datant de 2005 et dont les conclusions ne sont pas publiques. Martine Ramel, responsable du pôle risques et technologies durables à l’Ineris, a bien voulu retrouver ce vieux rapport et nous le détailler. La spécialiste livre d’abord une précision importante. Ces travaux de 2005 concernaient
Vasilis Vasiliou, biochimiste spécialiste de santé environnementale à l’université de Yale
uniquement l’éventuelle inhalation de gaz émis par les terrains synthétiques, comme le benzène. Si l’on ne regarde que ce sujet, effectivement, aucun risque n’est avéré pour la santé humaine. En revanche, l’étude ne se penche pas du tout, par exemple, sur les particules fines des terrains. Pourtant, quiconque a déjà joué sur ces terrains sait que l’on y évolue dans un nuage plus ou moins dense de minuscules particules et poussières de caoutchouc. Pour mesurer le niveau d’exposition des joueurs, le chercheur américain Stuart Shalat, directeur de la division santé environnementale de l’université de Géorgie, a utilisé un robot. Piper –c’est son petit nom– est capable de mesurer l’air en se déplaçant. Ses travaux confirment qu’une quantité non négligeable de particules peuvent être avalées ou inhalées par les joueurs. Sa conclusion est claire: “Mon opinion, c’est que les enfants ne devraient pas être exposés à ces risques potentiels. Mais je ne vais pas pouvoir poursuivre mes recherches, puisque vu le climat politique concernant les questions environnementales aux États-Unis, il est très difficile d’obtenir des financements.” Que risque-t-on quand on inhale ou qu’on avale ces particules? Cette question, toute simple, n’a jamais été posée dans le processus d’autorisation des granulés
“Je suis à peu près sûr que nous allons trouver ces substances chimiques dans le sang des joueurs. Je ne laisse plus mes enfants jouer sur ces terrains”
issus de vieux pneus en France. Un oubli grave puisque, selon Martine Ramel, les particules peuvent être nocives pour deux raisons: “Ces particules ont d’abord une toxicité intrinsèque, parce que le fait d’inhaler des petites particules est irritant. Elles ont ensuite une toxicité chimique, liée aux substances qu’elles contiennent, qui est
plus difficile à déterminer avec précision.” Où l’on repense aux 190 substances nocives présentes dans les granulés évoquées en début d’enquête. Mais dont la concentration varie à chaque échantillon, rendant les conclusions définitives difficiles selon la chercheuse. L’étude citée par Valérie Fourneyron a été montrée à Vasilis Vasiliou, biochimiste, spécialiste de santé environnementale à l’université de Yale. Vasiliou a commencé à s’intéresser aux dangers des terrains synthétiques il y a quatre ans, quand l’une des joueuses du club de foot de sa fille a développé un lymphome non hodgkinien à l’âge de 18 ans. Le spécialiste est catégorique: l’étude sur laquelle se base la France est insuffisante. Il manque a minima des travaux sur les particules fines émises par ces terrains et sur les effets cumulatifs des 190 substances que l’on trouve dans les granulés. L’alcool est un très bon moyen de comprendre ces effets cumulatifs. Quelle différence entre une soirée où vous buvez juste un petit verre de bière, et une autre où vous buvez juste un petit verre de bière, mais aussi un petit verre de vin puis des petits cocktails à base de gin, de martini et de rhum? C’est encore plus vrai avec l’effet cumulatif de certaines substances chimiques, que les chercheurs résument souvent avec la formule: “Au lieu
d’observer 1+1=2, on observe 1+1=20, voire 1+1=200.” Vasilis Vasiliou cherche actuellement des financements pour mesurer la présence de ces molécules dans le sang, les urines ou même la peau des joueurs après un match. En attendant de démarrer ses travaux, il avertit: “Je suis à peu près sûr que nous allons trouver ces substances chimiques dans le sang des joueurs. Je ne laisse plus mes enfants jouer sur ces terrains.”
Les facteurs aggravants: pluie, chaleur, blessures…
Que faire face à ces dangers? Beaucoup de spécialistes, comme Caroline Cox, directrice de recherche pour l’association américaine CEH (Center for Environmental Health), recommandent de ne jamais manger sur un synthé, d’y porter des vêtements longs et amples et de se laver avec minutie après un match. Mais il y aurait aussi certaines situations à éviter. Par exemple, ces matchs sous la pluie quand les granulés restent collés à la peau en fin de partie. Aucune étude officielle n’a été réalisée pour examiner si l’eau de pluie pouvait dissoudre les granulés et exposer l’être humain à plus de substances nocives. En février 2017, le magazine néerlandais Zembla demandait donc à des chercheurs de l’université d’Amsterdam de faire des tests en plaçant quelques granulés dans le bocal de poissons zèbres et dans ceux de leurs embryons. Les premiers montraient de lourds troubles du comportement, les seconds sont tous morts. Autre facteur climatique potentiellement aggravant: la chaleur. Vasilis Vasiliou dit y avoir beaucoup pensé l’été dernier, pendant un séjour à Barcelone durant lequel il a notamment visité le Camp Nou. L’expert raconte qu’avec les fortes chaleurs, il parvenait à détecter au nez la présence de terrains synthétiques à plusieurs rues de là où il se trouvait. Il alerte: “Quand il fait chaud, les
petits granulés noirs accumulent beaucoup d’énergie
et libèrent donc encore plus de substances.” Les granulés et le gazon synthétique deviennent alors si chauds qu’ils peuvent ruiner une paire de chaussures après quelques minutes de jeu. Ou causer des brûlures très graves en cas de chute ou de tacle. Sur ce type de terrain, quel que soit le temps, une blessure sanguinolente est vite arrivée. Les fans lyonnais qui suivent la joueuse suédoise Lotta Schelin ont peut-être vu sur Instagram les photos de sa blessure infectée, contractée suite à un tacle sur terrain synthétique. Elle ne le sait sûrement pas, mais selon le chercheur Vasilis Vasiliou, les risques de transmission de substances toxiques sont encore plus élevés quand le sang est directement en contact avec les granulés. De même pour le passage des germes et virus. Une étude publiée en 2005 dans le New England Journal of Medicine alertait d’ailleurs sur le fait que le grand nombre de brûlures causées par les synthés augmente la probabilité d’infection par des staphylocoques dorés, notamment. C’est ce qui est arrivé par exemple à Paul (qui a tenu à garder l’anonymat), défenseur central qui joue en quatrième division suisse. En novembre 2015, il s’arrache la peau du coude pendant un match sur synthé. Au bout de quelques jours, une vilaine pustule éclôt deux centimètres sous la plaie. Les désinfectants sont inefficaces, le bras gonfle, le joueur souffre de contractions artérielles jusqu’à l’épaule. Il a fallu une opération sous anesthésie générale, quarante-huit heures d’antibiotiques en intraveineuse, deux semaines de plâtre et un mois et demi de soins pour venir à bout de l’infection. Le joueur explique: “Les médecins disent qu’on ne peut pas savoir si le microbe venait du synthé, surtout que je n’ai pas forcément très bien nettoyé ma plaie les jours qui ont suivi. Mais ce qui est sûr, c’est que les blessures qu’on se fait sur synthé ne sont vraiment pas belles. C’est très long à cicatriser, dès qu’on rejoue ça s’ouvre à nouveau, c’est de la merde…” Avant de tenter de se
montrer rassurant: “Ce n’est pas pour autant que je ne vais pas continuer à tacler sur synthé. En revanche, je ferai très attention à bien désinfecter.”
Pollution et solutions
En plus de présenter des risques pour la santé, ces énormes billes noires sont évidemment polluantes pour l’environnement. Une quantité énorme de ces particules caoutchouteuses s’échappe chaque année. “Les responsables des terrains disposent en permanence de sacs d’une tonne de granulés, qu’on appelle ‘big bag’, ils en remettent régulièrement au milieu du terrain ou devant les buts”, explique Jean-Philippe Faure. Information confirmée par le responsable des installations sportives de la commune de Gennevilliers (93), où plusieurs grands et
petits stades synthétiques sont accessibles: “Nous avons des big bags. En général on recharge les terrains une fois
par an. En fonction de l’usure, ça peut être plus.” Grioghair McCord, qui a travaillé sur le sujet pour l’organisation environnementale Kimo, estime qu’il faut ajouter chaque année en moyenne trois à cinq tonnes de granulés par terrain, et ce pendant toute sa durée, qui peut aller de quatre à dix ans. Une autre étude concluait, début 2017, que jusqu’à la moitié des granulés ajoutés chaque année sont emportés par le vent, les chaussures des joueurs ou la pluie. Cela signifierait qu’au minimum plusieurs milliers de tonnes de vieux pneus s’échapperaient des terrains chaque année en France. Aux abords des stades, les granulés sont partout: sur les trottoirs, dans les pelouses environnantes, et surtout dans les grilles d’évacuation des
Des chercheurs ont placé quelques granulés dans le bocal de poissons zèbres et dans ceux de leurs embryons. Les premiers montraient de lourds troubles du comportement, les seconds sont tous morts.
eaux de pluies. Quand il pleut, ces granulés noirs arrivent dans les cours d’eau et finissent leur course dans les mers et océans. En 2008, un rapport du Coastal Marine Resource Center de New York a compilé les données disponibles pour prouver la dangerosité de ces fuites sur les organismes vivants dans les cours d’eau. Il est tout aussi probable que des oiseaux mangent ces granulés, en les confondant avec leur nourriture. Dans la conclusion de cette étude, on peut lire: “La réalité, toutefois, c’est qu’on continue à construire ces terrains malgré tous
les risques qu’ils comportent.” Mieux, ce texte cite des alternatives, comme les fibres de coco ou de liège qui ne sont nocives ni pour la santé ni pour l’environnement. Alors?
Alors, ces solutions alternatives ont un inconvénient: elles privent les industriels du pneu d’un débouché pour leurs produits en fin de vie, et elles coûtent plus cher. Les dirigeants du groupe Soccer Park Le Five confirment que construire des terrains sans granulés coûte 20 à 25 % plus cher. Même s’ils se disent persuadés que les granulés de leurs terrains ne posent pas de problème sanitaire ou environnemental, ils confient tout de même vouloir, à moyen terme, renoncer aux billes de pneus usés. Pourquoi les autorités françaises ne se sentent pas davantage concernées par le problème? Pascale Boistard se souvient ne pas avoir beaucoup insisté à l’époque. “J’avais alors de gros dossiers à gérer, par exemple le dossier Goodyear, je n’ai pas eu assez de temps pour insister ou demander
une mission parlementaire sur le sujet…” Quant à Valérie Fourneyron, l’ancienne ministre, elle préfère botter en
touche par SMS: “Ces questions sont des sujets traités non par les ministres ou leurs cabinets mais par les administrations des ministères. Je vous conseille donc de vous rapprocher de la direction des sports du MJS.” Sollicitée, la direction des sports n’a malheureusement pas répondu. L’Organisation européenne des terrains synthétiques (ESTO), elle, a accepté de se justifier. Aurélien Le Blan, dirigeant du laboratoire d’études dédié aux surfaces et équipements sportifs Labosport et membre de l’ESTO, reconnaît le manque d’études d’ampleur sur le sujet mais assure que les autorités sanitaires européennes et américaines n’ont pas tiqué lors des derniers examens des terrains synthétiques. Même s’il convient de préciser que ces autorités ont tout de même émis quelques bémols. L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), par exemple, dit dans son rapport qu’elle manque d’informations sur plusieurs points et qu’elle invite tous les propriétaires à mesurer exactement les substances chimiques présentes sur leurs terrains et à en informer les utilisateurs. Évidemment, personne n’a jamais vu d’affiches du genre dans les vestiaires de stades et aux abords des terrains. Quant aux pollutions causées par les synthés, Aurélien Le Blan regrette de n’être au courant de rien et se contente d’un: “Si vous trouvez des infos, nous sommes preneurs.”
Un rapport intitulé État des lieux de la filière de granulation des pneumatiques usagés publié en 2015 révélait que l’ESTO espérait la construction en Europe d’ici 2020 de plusieurs dizaines de milliers de terrains et miniterrains. Pour les remplir, il faut plus d’un million et demi de tonnes de granulés. L’État des lieux alertait: “Ces prévisions pourraient toutefois être revues à la baisse devant la montée en puissance des préoccupations liées à la santé humaine.” Une “montée en puissance” toute relative, en France. Que les vendeurs de synthés se rassurent: ici, tout le monde semble s’en foutre.
Amy Griffin, entraîneure adjointe de l’université de Washington, dont la gardienne souffre d’un cancer “Certaines médecins et chercheurs considèrent que, dans certaines régions, vu le nombre de malades, on peut parler d’une épidémie”