So Foot

HIRON

Logan Hiron a deux passions: son métier de gardien de la paix et le foot. S’il exerce le premier en banlieue parisienne, il n’hésite pas à tracer la route –130 kilomètres– tous les week-ends jusqu’à sa ville natale de L’Aigle, dans l’Orne, pour y retrouve

- PROPOS RECUEILLIS PAR JULIEN DUEZ / PHOTO: RENAUD BOUCHEZ

n.m. Grand oiseau échassier à long cou grêle et très long bec.

“C’est vrai que parfois, il y en a qui fument des substances illicites devant moi pendant la troisième mi-temps, et ils essaient toujours de me faire tirer dessus…” Logan Hiron, meneur du FC Pays Aiglon et agent de la paix avant tout

“C’est le rêve de tous les gamins ici: jouer à Foisy le samedi soir à 19 heures avec les spots allumés.” Pour Logan, le rêve s’est réalisé à 17 ans, le jour où il a été surclassé avec la réserve du FC Pays Aiglon, pour une rencontre de Promotion d’Honneur. Aujourd’hui âgé de 23 ans, il est devenu une figure de l’attaque de l’équipe fanion, qu’il retrouve chaque week-end après avoir parcouru un bout de départemen­tale 159, conduit sur une portion de l’A13 et contourné les travaux de la N13, soit deux heures de trajet en voiture depuis Marines, dans le Val-d’Oise, où il réside avec sa copine étudiante infirmière. La région parisienne l’a toujours attiré, comme beaucoup des gamins de L’Aigle, qui n’hésitent pas à quitter le nid ornais une fois le bac en poche. “Soit ils vont à Caen pour les études, soit à Paris pour trouver du boulot”, soupire Michel Alain, le vice-président du FCPA, qui déplore la fuite systématiq­ue de ces jeunes talents. Pour Logan cependant, loin des yeux ne signifie pas loin du coeur. Bien au contraire. Tant lorsqu’il était cadet de la République qu’élève à l’école de police, il a toujours trouvé la motivation pour revenir taper le cuir aux quatre coins de la Basse-Normandie. “Mes collègues trouvent que c’est de la folie. Ils m’ont plusieurs fois conseillé de m’inscrire dans un club du Val-d’Oise, mais le FCPA, c’est là où j’ai tout appris, je ne me vois pas aller jouer ailleurs pour l’instant. Et puis mon père faisait exactement pareil. Il avait sa licence en Mayenne quand il était plus jeune, et à chaque match, il y retournait depuis L’Aigle”, se marre-t-il. S’il ne peut plus s’entraîner avec ses coéquipier­s, Logan avoue courir régulièrem­ent pour garder la forme. “Et puis je joue aussi avec mes collègues une fois par semaine, ajoute-il. Parfois, on fait des matchs contre des équipes départemen­tales de pompiers, de militaires ou du Samu. Le coach sait que j’entretiens ma condition et qu’il peut me faire confiance.” Adrien, capitaine de l’équipe, confirme: “C’est vrai que parfois, il a du mal avec certaines phases qu’on répète à l’entraîneme­nt. Mais on sait qu’il assure physiqueme­nt, c’est pour ça qu’il est titulaire à presque tous les matchs. Même si ça peut provoquer un peu de jalousie chez ceux qui s’entraînent toute la semaine et sont appelés en réserve le week-end…”

“La Flaque”, la BAC et les stups

Logan n’a pas toujours suscité la jalousie. Son style de jeu lui a au départ plutôt valu les railleries de ses coéquipier­s. “C’est un pur croqueur de ballons, fin et très technique. Plus jeune, il tombait dès qu’on le poussait un peu”, raconte Adrien, qui précise que “La Flaque”, comme on le surnomme, s’est endurcie physiqueme­nt depuis qu’elle porte l’uniforme. À ce sobriquet, Logan préfère “El Flaco”, le joueur préféré de ce fan du PSG devant l’Éternel. “Quand j’ai déménagé dans le Val-d’Oise, j’ai commencé à aller voir des entraîneme­nts au Camp des Loges. Humainemen­t, Pastore est un type génial. Comme Lucas Moura, il prend toujours le temps de faire des photos avec les visiteurs, gamins comme adultes. J’adore sa mentalité.” S’il n’était pas devenu flic, Logan aurait volontiers suivi la filière Staps à Caen. Mais une fois son bac STG en poche, un classement particuliè­rement bon à l’examen national des gardiens de la paix (18e sur 1450) en a décidé autrement. Comble du luxe, il peut choisir son lieu et même son service d’affectatio­n. Ce sera Argenteuil, pour rester aux côtés de sa bien-aimée, et le service des plaintes du commissari­at de la ville, pour avoir ses week-ends libres. “Ce n’est pas le service le plus passionnan­t, mais ce n’est que temporaire. À un moment donné, j’irai sur le terrain, c’est quand même mon objectif”, confie celui qui se verrait bien travailler “à la BAC, à la brigade des mineurs ou aux stups”. En attendant, travailler dans les bureaux l’a tout de même amené à faire d’agréables rencontres: “Un jour, le chauffeur de Marquinhos est venu déposer plainte au commissari­at après que son véhicule a été dégradé. On a un peu discuté et il a été sympa, il m’a ramené un maillot de Neymar dédicacé que j’ai encadré! Je n’ai toujours pas son talent, mais au moins j’ai son maillot”, sourit-il devant sa tasse de café.

“Nos adversaire­s ne savent pas qu’il est policier”

S’il parle de son métier avec enthousias­me, Logan est, a fortiori, un joueur amateur comme un autre, puisqu’il laisse son quotidien au

vestiaire avant de pénétrer sur le terrain. “Il parle très peu de son boulot, j’en discute surtout avec son père à vrai dire. Je sais que ce n’est pas toujours facile d’être policier, surtout au vu de la conjonctur­e actuelle, mais Logan est très discret à ce sujet”, poursuit Dominique Mongiat, secrétaire général du club. Son ami

Adrien approuve: “Nos adversaire­s ne savent pas qu’il est policier. Quand le contexte du match est difficile, il est capable de partir au quart de tour, physiqueme­nt ou verbalemen­t. Mais il sait se dominer. Je pense que c’est son métier qui le rappelle implicitem­ent à l’ordre.” Pendant la troisième mi-temps, ses

coéquipier­s, eux, ne manquent jamais de le charrier gentiment en le confrontan­t à l’un ou l’autre écart à la loi. “C’est vrai que parfois, il y en a qui fument des substances illicites devant moi pendant la troisième mi-temps, et ils essaient toujours de me faire

tirer dessus”, rigole-t-il, avant de jurer qu’il ne fume ni cigarettes, ni pétards, mais ne crache quand même pas sur un petit verre de temps en temps. Être discret, un leitmotiv qui s’applique également lorsqu’il se rend au Parc des Princes. “Même si je n’ai jamais été carté dans un groupe ultra, je prends toujours ma place dans les tribunes populaires, j’ai besoin de ressentir l’ambiance des supporters, c’est ce que je préfère au stade. Mais si une bagarre éclate, je suis obligé de me mettre en retrait. Si jamais on me voyait sur les images des caméras, je pourrais avoir des ennuis, explique

t-il. Et puis j’évite toujours de mentionner que je suis policier. Si jamais on me demande ce que je fais comme métier, je réponds simplement que je suis fonctionna­ire. En général, ça suffit pour changer de sujet.” Et revenir à ce qui les intéresse: le transfert de Pastore et la limitation à des routes nationales et départemen­tales à 80 km/h.

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Logan, par Renaud.

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