So Foot

Dries Mertens.

- Par Niels Poissonnie­r pour Het Laatste Nieuws – BELGIQUE

Il est content de ne pas être une légende. Il n’empêche, le Belge pourrait bien être celui qui permettra à Naples de décrocher son premier scudetto depuis un certain Diego Maradona.

Il a les mêmes initiales que Dieu, mais la comparaiso­n avec Diego Maradona n’aurait, selon lui, aucune raison d’être. Problème: après une dernière saison exceptionn­elle, le belge Dries Mertens et ses coéquipier­s n’ont jamais été aussi proches de décrocher le premier titre napolitain depuis D10S. Justement. “Ma clause est à 28 millions d’euros. À ce prix-là, quel joueur ayant planté 28 buts en Serie A vous pouvez encore trouver? Personne”

28 buts en Serie A la saison dernière, plus de 10 –pour l e moment– cette saison. Vous avez été insaisissa­ble contre le Real en Champions League. Est-ce que vous ne

vous dévaluez pas trop? Les deux derniers mois ont été fous. Mais il ne faut pas y penser, simplement être heureux. J’aurai tout le temps après ma carrière pour percuter (rires). Je réalise déjà: ça ne pourra pas être plus dingue.

Quelle note vous attribuez-vous pour la saison

dernière? Un 9. Parce qu’on n’a pas été champions et parce que je n’ai pas été meilleur buteur (l’attaquant de l’AS Roma Edin Dzeko a inscrit 29 buts, ndlr).

Est-ce que vous vous demandez parfois où vous seriez actuelleme­nt si vous aviez rencontré

Maurizio Sarri il y a trois ans? (Il réfléchit) C’est bon si je dis que je suis content de la manière dont ma carrière s’est déroulée? Si vous me demandez si je voudrais échanger ma place avec Messi et Ronaldo, je réponds “non”. De telles stars n’ont pas de vie normale. Donc je suis content de n’être que Dries Mertens. Est-ce que vous avez vu ce documentai­re sur Ronaldo? C’est un solitaire, hein. Je sacrifie volontiers un Ballon d’or, même cinq, si c’est pour garder une vie normale. Laissez-moi rester qui je suis…

En ville, ça doit pas être tellement plus facile

pour vous, si? Ça a beaucoup changé pour moi ici. Avant, je passais beaucoup de temps avec Higuain, notamment au restaurant. Il se faisait constammen­t alpaguer, et moi je pouvais manger tranquille­ment. Ça l’irritait profondéme­nt. “Ça ne

doit pas être agréable”, me disais-je. Maintenant, c’est à mon tour de vivre cette célébrité. Ce n’est pas facile, même si je suis plus lâche que lui.

Quel est le plus beau compliment que vous ayez reçu? “Tu es beau” (il éclate de rire). Non, non. Le plus beau compliment a été ma sélection pour le Ballon d’or. “Au secours! Je fais partie des 30 meilleurs joueurs du monde.” Ça m’a fait penser à ma première sélection avec les Diables Rouges –je jouais à Utrecht, à l’époque. J’avais alors pensé: “Houla, je suis un des 25 meilleurs joueurs de Belgique.” Et maintenant… Ça a vraiment été une année folle.

Lors de récentes interviews, vous avez pourtant

confié ne pas être étonné… Hmm, je me suis quand même un peu surpris. Je trouve super d’avoir enfin plus de temps de jeu. Il y a deux ans, j’ai été six fois titulaire seulement sur 35 matchs. Six! Et Sarri était le coach, hein. En fait, c’était scandaleux. Six titularisa­tions, allez. Après vingt entrées au jeu, j’étais vraiment énervé. “Fuck it. Cette fois, je vais mal jouer, je ne vais pas courir.” Mais après deux minutes, je recevais un ballon et je commençais à sprinter (rires).

Il n’est pas donné à tout le monde d’être un bon

remplaçant… C’est ce que le coach me disait aussi. Que je pouvais changer la face d’un match. Devais-je me satisfaire de ce statut pour autant? Est-ce que je devais rester sur le banc parce que les autres ne rentraient pas bien en jeu? Les remplaçant­s qui peuvent décider d’un match sont de bons joueurs. À qui il faut par moments donner la chance de débuter une rencontre. Désormais, c’est clair que je méritais de jouer plus.

Vous l’avez déjà dit à Sarri? Il le sait, nous avons une bonne relation. Il concède aussi qu’il aurait dû me donner plus de temps de jeu, mais qu’il pensait faire le bon choix à ce moment-là. La saison dernière, à Benfica, il m’a dit: “Dries, je vais te mettre sur le banc. J’ai le sentiment que tu vas pouvoir faire la différence en tant que remplaçant.” Après 60 minutes, à 0-0, je suis rentré sur la pelouse. Nous avons finalement gagné 2-1, j’ai marqué un but et offert une passe décisive à Callejon. Sarri est venu près de moi: “Excuse-moi, mais je le savais.” (Rires) J’ai compris son intention. Parfois, les matchs ne s’ouvrent qu’après une heure de jeu, mais quand tu sens que tu peux faire plus et que tu ne reçois pas ta chance, tu deviens fou.

Quelle image garderez-vous de Sarri? Une image magnifique. Quelqu’un devrait réaliser un documentai­re sur lui. Sur la manière dont il nous harangue avant le match: “J’étais dans la merde et maintenant, je suis en Champions League. Personne ne me l’enlèvera.” Fantastiqu­e. Nos carrières sont un peu semblables. Je ne suis pas un Youri Tielemans (aujourd’hui à l’AS Monaco, ndlr), qui évoluait en équipe première à Anderlecht à 16 ans à peine. Ou Romelu Lukaku, qui ne sait pas ce que c’est que de jouer une fois par semaine. Je viens de la D3. J’ai bossé. Comme Sarri. Je trouve ça beau. Sarri ne s’arrête jamais de fumer, de boire des cafés et de lire. Il vient du monde économique, est constammen­t occupé avec les statistiqu­es et est très fort tactiqueme­nt. Sa philosophi­e est très appréciée par les jeunes entraîneur­s. Et ce respect que lui témoigne Guardiola signifie que Sarri sait de quoi il parle. Je le remarque quand je suis sur le banc (rires). Encore une chose: sa superstiti­on, qui atteint des sommets. Tel jour, on s’entraîne sur tel terrain, le lendemain, sur la pelouse voisine, à côté de tel but, etc. Il ne change pas ses habitudes. Sauf si nous perdons.

“Parfois, je me dis: ‘Qu’est-ce que ça aurait donné si je m’étais assis sur le banc du Barça?’”

Vous savez de quand date le dernier titre de

Naples? D’il y a 27 ans? La Juventus est encore et toujours l’équipe la plus forte, mais si Naples peut être champion une saison, c’est bien celle-ci. Nous sommes là parce que nous nous sommes toujours dit: “C’est possible.” Maintenant, je sais que ça sera très compliqué. Nous n’avons pas de talents exceptionn­els ni de gros leaders –encore moins depuis les blessures de Ghoulam et Milik. Comparez notre équipe à celle de la Juventus et vous comprendre­z que nous sommes un petit miracle.

Avec un nouveau titre, la comparaiso­n prendra encore plus d’ampleur: Diego Armando Mertens.

Ça vous fait rire? (Rires) Est-ce que je ris, là? Ce n’est pas demain que les gens arrêteront de penser que je me compare à Maradona. J’ai bien peur qu’ils lisent le journal et qu’ils se disent: “Allez, le revoilà. Il joue pour Naples et il pense qu’il est Maradona”, ou “Il l’aura trouvé lui-même, qu’ils ont les mêmes initiales”. Arrêtons, s’il vous plaît, de replonger constammen­t dans le passé. Je suis simplement Mertens.

Un Dieu à Naples. Pourquoi partir, du coup? Parce que tu as parfois envie d’autre chose –je ne vais pas toujours au même endroit en vacances. Mais pour le moment, un transfert n’est pas à l’ordre du jour.

D’après Ton du Chatinier, l’homme qui vous a lancé à Utrecht, vous ne dépareille­riez pas à

Barcelone… Si j’avais su que Neymar s’en irait… (Rires) Il y a eu un l’intérêt de la part de Barcelone, mais j’aurais été en réserve. Derrière la MSN. Et après cette belle année à Naples, je n’avais aucune envie de me retrouver à nouveau sur le banc. Même au Barça. J’ai décidé de resigner ici avant que Neymar ne s’en aille au PSG… Il a fait exploser le marché des transferts de son propre chef. Pour trouver son remplaçant, le Barça devait débourser 100 millions pour des joueurs qui n’en valaient même pas la moitié. Parfois, je me dis: “Qu’est-ce que ça aurait donné si je m’étais assis sur le banc du Barça?” J’aurais voulu savoir. Parce que quand tu regardes qui y a évolué sur le flanc gauche ces derniers mois… Peut-être que j’aurais pu tenir ma place.

C’est vrai que votre clause de rachat s’élève à 28 millions d’euros? C’est vrai. L’été dernier. Mais je précise d’abord que c’est délicat d’évoquer de tels montants –il y a beaucoup de gens qui gagnent 1500 euros par mois. L’été dernier, j’ai reçu une offre de Chine (du Tianjin Quanjian). Je pouvais gagner énormément d’argent. Naples ne voulait pas me laisser partir et je voulais rester. Mais recevrai-je encore une telle offre? C’est pour cette raison que j’ai demandé cette clause de rachat dans mon contrat. 28 millions d’euros, ce n’est pas grand-chose pour un club chinois, mais pour Naples, c’est un bon montant. Enfin, jusqu’à ce que Neymar signe au PSG. Je suis devenu une bonne affaire. Parce que quel joueur ayant planté 28 buts en Serie A vous pouvez encore trouver pour 28 millions? Personne.

Faut-il encore croire aux chances de la Belgique

de remporter le mondial? Les gens rêvent alors qu’ils doivent être réalistes. Nous ne sommes pas loin de l’Espagne et de l’Allemagne –les deux favoris–, mais il y a un an, on a reçu une gifle de l’Espagne. Vous savez pourquoi? En Espagne, tous les joueurs tirent dans le même sens. Alors que chez nous, les uns vont avoir l’habitude de freiner, et d’autres de regarder vers l’avant. Nous n’avons pas été élevés avec la même vision du football.

Avez-vous été choqué par les critiques de De Bruyne envers votre sélectionn­eur national (disantquel­atactiqued­ecedernier­n’étaitpas bonne) après le match nul contre le Mexique?

(Il réfléchit) Ce que Kevin a fait doit rester dans le groupe et pas filtrer dans la presse. Kevin le sait. C’est le plus important. Il a voulu lancer un signal. Je le comprends vu qu’à City, tout va bien tactiqueme­nt. Mais pourquoi ne l’a-t-il pas directemen­t dit lors de la causerie? Qu’est-ce qu’on gagne en tenant de tels propos dans la presse? Ce n’est pas elle qui va trouver la solution. Au contraire. Il y a désormais plus de pression sur le groupe et sur l’entraîneur.

De Bruyne voulait aussi dire que, pour la Belgique, c’est le moment ou jamais. Kompany etVermaele­n vieillisse­nt, et il n’y a pas de successeur­s prêts. Qui dit qu’il n’y a pas de successeur­s? Les espoirs n’ont pas une mauvaise équipe et, en quatre ans, beaucoup de choses peuvent arriver. Où était Meunier il y a quatre ans? Il faut avoir confiance dans le futur. OK, Boyata (Celtic) n’a pas joué son meilleur match contre le Mexique. Kabasele

(Watford) non plus face au Japon, mais ils peuvent encore apprendre beaucoup. Et ce n’est pas maintenant ou jamais. Cette génération doit y croire.

Dans un 3-4-3? Oui, parce que le 4-3-3 ne nous convient pas. Hazard devrait jouer sur le flanc. En 3-4-3, on peut le laisser dans l’axe et il ne sera pas moins bon en courant moins. Vous remarquere­z qu’il sort mieux maintenant. Ce système me convient bien aussi.

On se revoit pour la fête du titre en Serie A, Dries?

Si vous me promettez que le documentai­re sur Sarri sera prêt. – Traduction: Émilien Hofman / Photos: Insidefoto/Panoramic et Belga/Iconsport

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“Les mains sur la table on t’a dit”

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