So Foot

“Les cafés avec Landreau nous manquent”

-

Mariana et Michel, gérants d’une station Total

Impossible de la louper. Avec ses maillots floqués Sébastien Squillaci, Toifilou Maoulida, Gaël Danic ou Floyd Ayité encadrés au mur, la station Total de Michel et Mariana peut ouvertemen­t se considérer comme le fournisseu­r officiel de sans plomb et gas-oil du Sporting Club de Bastia. Enfin, pouvait. Il y a encore quelques mois, la station-service située à moins d’un kilomètre de Furiani était un passage obligé pour tout membre du club qui se respecte. “Joueurs, femmes de joueurs, staff, jeunes du centre de formation… Même celui qui ne restait qu’un mois ou un an, comme Claude Makelele, venait faire le plein ici”, note Mariana. Une habitude qui a débuté il y a une vingtaine d’années, lorsque Augustin Straboni, son frère, exjoueur profession­nel de Bastia de la fin des années 1980, a repris la station avec Michel. “Des liens spéciaux se sont créés avec certaines personnes importante­s du club, poursuit Mariana. Frédéric Hantz, c’était quelque chose d’extraordin­aire. Ghislain Printant, il m’offrait des chocolats à Noël… Aujourd’hui encore, Micka Landreau, c’est un A-MI. Toto Squillaci, c’est un A-MI”, insiste l’employée

Pendant des décennies, Michel et Mariana ont aidé les footballeu­rs du Sporting à ne pas tomber en panne. Mais pas que. “On leur prêtait des voitures, on était là quand ils crevaient ou pour tout autre problème, reprend la dame blonde, cigarette à la main. Ils claquaient des doigts, Michel répondait présent.” Avec, quand même, une logique contrepart­ie financière. “Ça faisait du monde, mine de rien, confirme Michel, 61 ans. Et puis, on ne va pas se le cacher, c’étaient des gens qui avaient les

moyens. On nous demandait systématiq­uement le plein. Désormais, on a

beaucoup plus de quinze ou vingt euros.” Avec l’arrivée de l’hiver et la fin de la saison touristiqu­e, le départ des joueurs pros et de leurs Porsche Cayenne gourmands en essence se fait encore plus sentir. Mais les deux collègues regrettent bien davantage la perte affective que le manque à gagner, maintenant que les joueurs font le plein dans une station détenue par le nouveau président. “On n’a plus aucun rapport avec eux. C’est une histoire qui est définitive­ment terminée. Ce n’est plus notre Bastia, ah ça non!” déplore Michel, ému, qui se souvient encore du Torino-Bastia qu’il est allé voir en Italie en 1977. On en veut aux dirigeants. On en a connu des mésaventur­es, mais jamais ce type de crises. On a pleuré, hein.” “Les cafés avec Landreau me manquent, souffle de son côté Mariana en rangeant les Heineken dans le frigo. Il me disait: ‘Si Hantz part, le club dégringole.’ Il ne s’est pas trompé.” Cette saison, Mariana et Michel ont donc rendu leurs cartes d’abonnés. “De toute façon, les matchs sont passés à 19 heures, moment où l’on bosse”,

maugréé ce dernier. Mais leur station-service conserve une valeur éternelle, se persuadent-ils: “C’est peut-être l’un des seuls lieux, avec Furiani, qui montre que le club n’est pas encore mort. Au-delà de vendre de l’essence, le destin de cet endroit est de faire perdurer la mémoire d’un club qui essaye de renaître. Oui, c’est un mémorial. Et ça, ça ne bougera pas.” Même si les maillots suspendus qui tapissaien­t encore le plafond se font aujourd’hui plus discrets. “Tout le monde s’arrêtait pour les voir, les gosses voulaient les acheter. On était connus comme ‘la station des maillots’, rembobine Michel. Mais Total France trouvait que ça faisait pressing. On a été obligés d’en encadrer certains et d’en enlever d’autres il y a un peu plus d’un an.” Mauvais présage.

Newspapers in French

Newspapers from France