So Foot

L’ASJ Soyaux

- Par Julien Duez, à Soyaux

était le dernier club 100% féminin du championna­t de France. Une différence qui n’était plus une force pour les Amazones charentais­es, puisque depuis peu, le club a fusionné avec les garçons d’Angoulême. Une mixité nécessaire à sa survie.

L’ASJ Soyaux, en Charente, était le dernier club 100% féminin de première division. Une particular­ité qui n’était plus forcément une force à l’heure de l’hyper profession­nalisation de la discipline. Après un demi-siècle de girl power exclusif, le club communal s’apprête donc à continuer sa route en compagnie du voisin d’Angoulême. Une mixité nécessaire à sa survie.

“Combattu: souvent. Battu: parfois. Abattu: jamais.” La devise est l’oeuvre de François Athanase Charette de La Contrie, un général qui combattit Napoléon à la tête des armées catholique­s lors de la guerre de Vendée à la fin du XVIIIe siècle. C’est aussi celle de Sébastien Joseph, entraîneur principal de l’Associatio­n Sportive Jeunesse Soyaux-Charente. Il l’inscrit au feutre bleu sur un tableau blanc avant chacune de ses causeries. Ce Rhônalpin de naissance est le premier non-Charentais à s’être assis sur le banc du club, fondé en 1968. “Je l’aime bien cette devise, elle résume assez bien notre réalité”, analyse-t-il entre deux bouchées de son assiette de pâtes, dégustée au Flunch situé dans la zone industriel­le de cette petite banlieue d’Angoulême. Son équipe se remplit gratuiteme­nt de légumes à volonté dans ce temple de la gastronomi­e populaire avant chaque rencontre à domicile. Comme à son habitude, la présidente du club, Martine Ferré, profite également du plateau repas de l’un des partenaire­s historique­s de l’ASJ, mais cette fois, elle ne dégustera pas le plat du jour, l’andouillet­te. Des Gilets Jaunes bloquent un rond-point à l’entrée de la ville, empêchant l’adversaire du jour, l’En Avant de Guingamp, de se rendre au stade Léo-Lagrange. Au téléphone, elle tente de convaincre la préfecture de police d’envoyer une escorte pour aller chercher les Bretonnes. Chose qui sera faite. Ce jour-là, le match aura lieu comme prévu. Un petit miracle de plus à mettre à l’actif de l’asso qui fut longtemps le dernier club exclusivem­ent féminin de première division.

Les majorettes et Mai 68

Autour d’un café soluble pris dans la buanderie du club-house, Claude Fort s’excuse du manque de place disponible avant d’ouvrir la boîte à souvenirs. Ici, il fait l’unanimité: quiconque veut en savoir plus sur le passé de l’ASJ Soyaux doit tailler le bout de gras avec lui. “Je ne sais pas qui vous a dit ça mais c’est mauvais signe! Ça veut dire que j’approche de la fin”, ironise le sexagénair­e. Dans sa jeunesse, Claude a luimême joué au football, à Ruelle d’abord, puis à Soyaux, où il arrive à 15 ans avec sa famille au début des années 1960. Comme des milliers d’autres, cette dernière abandonne la campagne et emménage dans la cité florissant­e, en quête d’une nouvelle vie à Angoulême. À l’époque, la préfecture charentais­e voisine n’est pas encore la capitale mondiale de la BD, mais bon nombre d’entreprise­s, notamment bancaires, profitent de son expansion pour y élire domicile, provoquant ainsi un important exode à l’échelle de ce départemen­t historique­ment très rural. “J’habitais dans la cité du Champ-de-Manoeuvre qui sortait à peine de terre, déroule Claude. On avait la douche et l’eau courante, c’était très moderne. Et je retrouvais les copains pour jouer en bas du bâtiment, c’était le bonheur. Il y avait deux supermarch­és, du jamais vu! J’en garde un merveilleu­x souvenir.” L’homme n’a jamais percé sur le terrain, mais il s’est rapidement fait un petit nom en dehors. On est en 1968 et le président de l’AS Soyaux lui confie les entraîneme­nts de la section féminine du club, créée peu avant la fronde du célèbre mois de mai de la même année. “À l’époque, on était onze nénettes âgées de 12 à 16 ans”, sourit Martine Ferré, membre de la toute première équipe. “La date n’a rien d’un hasard, il y avait un certain fond féministe dans cette démarche, ajoute Claude, en caressant sa longue barbe blanche. À Soyaux, comme dans toute la région, les filles voulaient commencer à s’entraîner régulièrem­ent pour apprendre à jouer au foot, parce que lorsqu’on venait les voir en match, c’était essentiell­ement pour se foutre de leur gueule.” En plein coeur des Trente Glorieuses, le football féminin français est tout simplement nul et non avenu, presque trois décennies après avoir été interdit par le régime de Vichy (en 1941, ndlr). À l’époque, les pionnières essaient tout de même de le ressortir du placard à l’occasion de kermesses inter-villages, lors desquelles les filles montaient une équipe pour taper la balle sous les rires moqueurs de bonhommes passableme­nt avinés. “Les organisate­urs nous faisaient défiler derrière les majorettes! Et je vous fais grâce des propos graveleux qu’on entendait sur la main courante. Il fallait garder la tête froide”, s’indigne encore Martine Ferré, restée active dans l’équipe jusqu’en 1975, avant d’entamer une longue carrière dans l’Éducation nationale. De son côté, Claude ne le sait pas encore mais cette aventure qui débute est sur le point de changer sa vie. Quand vient Mai 68, il a 18 ans, l’âge des idéaux et des utopies qui ont fleuri dans le terreau de sa famille “progressis­te.” Pas trop déroutant d’être un homme dans un monde de femmes? Visiblemen­t non, à en croire ses quasi quarante ans passés au sein de l’équipe. “Je ne suis pas quelqu’un qui fonce tête baissée, j’ai besoin de me poser pour réfléchir. Peut-être que c’est une manière de fonctionne­r plus féminine? Je ne sais pas, il faudrait sans doute que je fasse ma psychanaly­se!”, avoue-t-il en riant. Longtemps encarté au Parti socialiste, il siège aujourd’hui au conseil municipal, sans étiquette, mais garde toujours à l’esprit ses idéaux originels, ceux qui l’ont poussé à se lancer dans le pari du football féminin: “À Soyaux, les filles voulaient juste jouer au foot, mais on ne leur en donnait pas les moyens. Et moi, j’ai toujours eu envie de donner un coup de main aux minorités dans le besoin. Les femmes sont minoritair­es dans le foot et je trouvais qu’elles méritaient d’être aidées.”

L’émancipati­on de l’ASJ

Portées par le vent soixante-huitard, les équipes féminines commencent à fleurir aux quatre coins de l’Hexagone. “On ne jouait pas en hiver, mais dès que le printemps revenait, on organisait des tournois tous les dimanches”, se souvient Claude. À tel point que la FFF décide de créer le premier championna­t de France en 1971. Selon lui, “la fédé avait peur que nous ne créions une structure parallèle, hors de leur contrôle. Notre premier match officiel s’est joué en mars de cette année-là devant 2000 personnes, en lever de rideau de la rencontre de championna­t entre Angoulême et Ajaccio”, rappelle-t-il. Très vite, Soyaux s’impose comme une pointure régionale, remportant en 1978 et 1979 deux championna­ts de la ligue du Centre-Ouest, ce qui lui permet d’accéder aux phases finales et de rencontrer des adversaire­s de tout le pays. On croit alors qu’une belle histoire est en marche, mais c’est un véritable schisme que constitue l’étape suivante de la progressio­n du club. En 1982, l’équipe des garçons de l’AS Soyaux grimpe les échelons un à un jusqu’à atteindre la DH. Le président de l’époque, entreprene­ur dans le BTP, souhaite alors se débarrasse­r de cette équipe féminine qui constitue un poids dans le budget du club. Alors plutôt que de s’embarquer dans d’interminab­les palabres, il choisit purement et simplement de l’expulser. Ce seul souvenir suffit à faire bouillir Claude Fort: “L’équipe dirigeante n’aimait pas le football féminin. Pourtant, cette année-là, on était demi-finalistes du championna­t de France et vice-championne­s deux ans plus tôt! Mais pour eux, l’arrivée d’une équipe de filles, c’était une augmentati­on de l’utilisatio­n des terrains et un coût financier supplément­aire. Et ils n’étaient pas les seuls à penser comme ça.” En parallèle de son emploi à la direction des constructi­ons navales, l’homme, révolté, décide alors de monter une nouvelle structure pour les 50 licenciées que compte la section féminine: l’ASJ Soyaux est née. “Nos dirigeants ont été assez intelligen­ts pour que l’on ne s’en rende pas compte, ça ne nous a pas impactées”, se remémore Bernadette Constantin en tirant sur sa cigarette. Sous son imposante tignasse blonde se cache une autre figure majeure du club, dont elle a porté le maillot de 1977 à 1993. “C’est Claude qui est venu me chercher dans mon village de Barbezieux, au moment où je n’avais plus le droit de jouer avec les garçons. À l’époque,

“Ce qui m’a intéressé avec Soyaux, c’est l’envie des filles de faire la révolution, de faire bouger la société. Les femmes qui se révoltent, ça m’a toujours passionné” Claude Fort, fondateur et ancien coach de l’ASJ

il n’y avait pas toutes les catégories d’âges. Tu étais sois jeune, sois adulte. Moi, j’ai été adulte à 16 ans”, explique “Dédette”, fan de Johan Cruyff et internatio­nale pour les Bleues à 44 reprises. Malgré l’étiquette de pionnières dont elle et ses partenaire­s sont affublées, Bernadette assure que leur expérience de l’époque se résume en un seul mot: kiffer. “Le foot, c’était juste une passion, à aucun moment je n’ai pensé jouer un rôle dans l’émancipati­on des femmes. On ne se posait pas la question de l’image que l’on pouvait renvoyer. À travers le regard des autres, on a l’impression que c’était très compliqué de jouer au football dans les années 1980, mais franchemen­t –et heureuseme­nt!– je ne l’ai pas ressenti comme ça.” Si celle qui officie aujourd’hui en tant que responsabl­e du service des sports de la mairie de Soyaux refuse de se draper dans l’étendard du militantis­me, elle reconnaît cependant que sa passion pouvait transmettr­e un message fort. “Ce n’est que vingt ou trente ans plus tard que tu peux t’en rendre compte. La passion te désinhibe, te fait avancer. Tu oses, et c’est en cela que toutes les jeunes femmes qui ont démarré, comme celles qui les ont suivies dans les années 1980, ont participé à l’émancipati­on des femmes. Oser, cela t’aide à te construire, à t’affirmer, à prendre confiance en toi. L’émancipati­on, c’est ‘être’ et pas ‘être ce que les gens veulent qu’on soit’.” Une philosophi­e bien assimilée par Claude puisqu’elle est à la base de son engagement dans le football féminin: “Ce qui m’a intéressé avec ce projet, c’est l’envie des filles de faire la révolution, de faire bouger la société. Les femmes qui se révoltent, ça m’a toujours passionné.”

“Même la mairie ne nous soutenait pas”

La passion, pourtant, ne fait pas tout. Les premières années d’indépendan­ce de l’ASJ sont compliquée­s. Le football féminin a beau se développer peu à peu, tout le monde ne voit pas d’un très bon oeil les pasionaria­s locales. “Même la mairie ne nous soutenait pas, alors que j’étais conseiller municipal!, se souvient Claude. On nous allouait un terrain annexe à partager avec la troisième équipe des garçons. Pendant la décennie qui a suivi notre création, on devait parfois monter la garde devant pour être sûrs qu’ils ne viennent pas s’entraîner dessus. Les hommes se disaient: ‘Qu’est-ce qu’elles viennent nous faire chier alors qu’on pourrait rester entre nous?’” Aujourd’hui, les mentalités ont évolué, le foot féminin est retransmis à la télévision, mais Claude estime tout de même qu’il reste encore beaucoup à faire pour qu’il soit considéré à l’égal de celui des garçons. “Ça a été dur, même en haut lieu. C’était toujours priorité aux garçons, malgré la création du championna­t et de commission­s dédiées au sein de la FFF. Et ça l’est toujours aujourd’hui. J’aime dire que la footballeu­se a gagné son pari, mais la femme, toujours pas. Il n’y en a pas assez aux postes à responsabi­lités. Elle est encore trop tributaire des décisions des hommes, qui noyautent les comités directeurs.” Mais pas seulement, puisque les mentalités ont aussi peiné à évoluer au sein même des familles des joueuses, et ce, malgré l’ouragan Mai 68. “Quand les dirigeants de Soyaux sont venus me chercher et ont dit à mes parents qu’il fallait que je continue le foot, ils n’ont pas été contre, car ils n’avaient pas de préjugés. Je me rends compte aujourd’hui de la chance extraordin­aire que j’ai eue, car j’ai connu des filles qui ont dû arrêter ou bien choisir un sport plus féminin, comme le handball ou le basket”, souffle Bernadette Constantin, championne de France en 1984 avec son club de coeur. Le premier et le

dernier titre des Sojaldicie­nnes, passe pourtant inaperçu à l’époque, alors même qu’il s’agit du seul sacre national revendiqué par la Charente, toutes discipline­s collective­s confondues. Il faut d’ailleurs fouiller dans les archives de la Charente Libre, le quotidien du coin, pour en retrouver une trace. “Le championna­t n’avait rien à voir avec celui d’aujourd’hui, explique Claude. En ce temps- là, c’était un format coupe et la finale changeait de lieu chaque année.” Preuve de tout l’intérêt porté par la fédé pour la compétitio­n, celle qui vit Soyaux l’emporter 1-0 face aux grandes favorites de la VGA Saint-Maur s’est déroulée devant 700 spectateur­s à Sully-sur-Loire, un bled du Loiret, plus connu pour son château médiéval ou sa tradition de pâté de faisan que pour son stade de football. Lors de ce jour de gloire, le but signé Patricia Delbecque, idéalement servie par Bernadette Constantin, vient alors parachever une saison que Claude, modeste, ne retient pourtant pas comme étant sa meilleure sur le banc qu’il a occupé pendant dix ans: “Ma femme Marylin, qui était titulaire dans les cages, s’était fait les croisés à la fin de la saison précédente. À Noël, il y avait beaucoup de conflits internes. On avait de très bonnes attaquante­s qui se mettaient en permanence en concurrenc­e. C’était à celle qui marquerait le plus de buts, et cela pouvait les mener à prendre la grosse tête. Rien de grave, juste ce que l’on retrouve dans n’importe quelle équipe normale aujourd’hui encore. Sauf que chez les hommes, quand ils s’engueulent, ils vont boire un coup après et c’est réglé. Chez les femmes, c’est un peu plus compliqué que ça”, dépeint-il, se rappelant que ces problèmes de vestiaire étaient somme toute banals et inhérents à tout sport collectif. Enfin presque. “Martine Chapuzet, notre meilleure buteuse, est tombée enceinte, deux mois avant la phase finale!” Aucun autre “aléa” ne sera à déplorer cette saison-là. Le coach était de toute façon très précaution­neux: “Je n’étais pas un dragueur. J’aurais pu, mais cela aurait vite posé des problèmes pour la cohésion du groupe. D’ailleurs, quand on a sa femme comme joueuse, c’est assez compliqué à gérer: si tu la favorises, ça déplaît au groupe et si tu ne la fais pas jouer, c’est à elle que ça déplaît!”

La survie en famille

Au fil des ans et des crêpages de chignons, l’ASJ Soyaux a su se structurer avec les moyens du bord. “Le club payait aux filles le repas du midi et du soir, c’était 10 francs”, illustre Claude, qui tient à rappeler l’importance considérab­le qu’ont eue les bénévoles dans la vie de l’ASJ depuis sa création. “Les premiers à venir, c’était les parents. Puis des curieux se sont joints à eux, il y a eu un véritable élan de sympathie autour de l’équipe.” Aujourd’hui comme hier, on les retrouve à la buvette, à la billetteri­e, à la boutique, ou même dans la cabine du speaker de LéoLagrang­e. “Je crois qu’ils restent parce qu’ils ont tous une place dans le fonctionne­ment du club et qu’ils sont reconnus à leur juste valeur. Cela crée un sentiment d’utilité et de participat­ion à la réussite d’un projet commun”, avance Bernadette. Cette dernière, comme beaucoup d’anciennes, garde toujours un pied à Soyaux puisqu’elle officie aujourd’hui en tant que secrétaire générale du club. Après avoir pris sa retraite, Martine Ferré n’a pas eu besoin de se laisser convaincre longtemps par Claude et son épouse Marylin pour réintégrer le conseil d’administra­tion et prendre la présidence en août dernier. “Il y a des similitude­s entre le métier de proviseure et celui de présidente, lâche-t-elle. Mener une équipe de bénévoles, c’est comme gérer des profs et tout le personnel administra­tif, mais là, on est avec des gens qui ne demandent pas d’argent et qui aiment le club. Les exigences ne peuvent pas être les mêmes, les relations sont avant tout basées sur la confiance, l’amitié et l’empathie.” Et la proximité, puisque certains jours de match, on aperçoit également Corinne Diacre en tribune. La sélectionn­eure des Bleues est une régionale de l’étape et vit toujours dans la commune où elle a joué près de vingt ans, avant d’y faire ses

“La fusion avec Angoulême, c’est un mariage de conviction­s pour lequel chacun est venu apporter sa dot: nous, c’est le produit, à travers la visibilité qu’on a en D1 féminine et eux, les infrastruc­tures et les partenaire­s. Les deux sont complément­aires” Afif Sfar, chargé de communicat­ion de l’ASJ

armes de coach au sein de l’équipe première. En 2010, c’est justement avec Diacre sur le banc de touche que le club connaît sa première relégation, après trente-cinq années de présence ininterrom­pue dans l’élite. Une sale période que personne ici ne souhaite voir se répéter à l’avenir, mais qui nécessite d’aborder de plain-pied le virage du profession­nalisme. Depuis l’arrivée de Martine Ferré, les lignes commencent d’ailleurs à bouger puisqu’à quelques exceptions près, tout l’effectif bénéficie désormais d’un contrat fédéral, le fameux sésame qui permet de vivre du football à plein temps. “Pour moi, c’est comme un aboutissem­ent, se réjouit la capitaine Siga Tandia, au club depuis dix ans et qui a définitive­ment laissé derrière elle son métier d’aide-soignante. J’avais presque 30 ans, mais ça m’a donné des jambes pour continuer à jouer. Peu importe ce que l’avenir me réserve, je ne retournera­i pas bosser à l’hôpital après, c’est trop dur.”

La fin du village gaulois

Longtemps tabou, le mot “fusion” a fini par s’imposer comme une évidence au sein de ce “village gaulois” du football français. L’expression est signée Sébastien Joseph, l’entraîneur, passé auparavant par Rodez, un autre petit poucet de première division. “À un moment, les gens se rendent compte qu’il faut aller vers ça, sinon t’es mort. Quand on voit que même un club féminin historique comme Juvisy opère une fusion avec le Paris FC, on se dit que c’est inévitable”, marmonne-t-il. Parce que le revers de la médaille de la profession­nalisation, c’est une augmentati­on des coûts de fonctionne­ment qui peuvent mettre en péril la survie d’une structure d’allure amateur. Un virage qui a longtemps hérissé le poil de Claude, tant il lui rappelle le schisme de 1982. Mais parce qu’il n’est pas “un vieux con”, il a fini par accepter la nouvelle aventure que s’apprête à vivre le club de sa vie, conscient des difficulté­s inhérentes à sa situation singulière: “Quand on est 100% féminin et qu’on a un problème financier, on n’a pas le carnet de chèques d’un président de garçons pour le régler. Nous, il faudrait que l’on vende notre maison...” Fort heureuseme­nt, Claude n’a jamais eu à le faire et ne devrait pas se résoudre à un tel sacrifice dans le futur. Depuis le mois de mars dernier, un nouveau chapitre s’écrit donc avec le club d’Angoulême, bien parti pour terminer la saison en tête de son groupe de National 3. “La fusion n’était pas une obligation, mais une nécessité, rappelle Afif Sfar, le chargé de communicat­ion de Soyaux, bénévole lui aussi. Le mot d’ordre, c’est pérenniser la structure et de mutualiser les coûts.” Et l’identité de l’ASJ dans tout ça? Sfar promet qu’elle ne se diluera pas comme ça après cinquante ans d’existence. “Ce n’est pas quelque chose de nouveau qui commence, c’est plutôt un mariage de conviction­s pour lequel chacun est venu apporter sa dot: nous, c’est le produit, à travers la visibilité qu’on a en D1 féminine et eux, les infrastruc­tures et les partenaire­s. Les deux sont complément­aires.” Et de citer l’exemple du SA XV, le club de rugby local qui a réuni les deux communes en 2010. Aujourd’hui stabilisé en deuxième division, il est l’atout confiance des municipali­tés angoumoisi­ne et sojaldicie­nne, pleinement intégrées au projet de naissance du futur premier club de foot du départemen­t et de ses environs. En attendant, avec une trésorerie qui oscille autour des 700 000 euros, il y a peu de chances que l’ASJ Soyaux rivalise un jour avec l’OL et son budget plus de cinq fois supérieur au sien. Mais la fusion avec le FC Angoulême Charente pourrait aider à se rapprocher du chiffre idéal pour se maintenir dans l’élite: “Un million. Pour souffler, et recruter des joueuses de haut niveau que l’on pourrait payer avec un salaire correct”, tranche Martine Ferré qui, malgré la montagne à franchir, ne rechigne jamais à partir au combat avec son équipe, à commencer par Bernadette, l’éternelle optimiste. “On est en train de franchir un cap. Tant qu’on est en D1, donnons-nous les moyens d’y rester et s’il faut descendre en D2, on descendra, mais pas sans se battre”, sourit-elle en éteignant sa clope. “Ici, il y a une belle histoire que l’on a envie de continuer. La commune dit qu’on fait partie du patrimoine. Et le patrimoine, ça se préserve.”•

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Photos: DR, Panoramic, Iconsport et JD
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Quelle championne, Jeannie Longo.
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 ??  ?? Le foot sans glyphosate.
Le foot sans glyphosate.
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Marches à l’ombre. Leggings à volonté.
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Soyaux contre Montpellie­r en 2006.
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La capitaine, Siga Tandia.

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