“Le match m’a paru interminable”
C’était un 1er avril, il y a deux ans. Un match de championnat banal. On se déplace, on est plutôt bien accueillis sur place, sur l’île d’Oléron. À la demi-heure de jeu, certains joueurs commencent à s’embrouiller à propos d’une touche, un truc bête. J’étais capitaine, j’ai voulu calmer le jeu, et là, j’ai tout de suite été pris à partie par des gens du public, composé d’une vingtaine de parents. Au départ, c’était des insultes classiques, puis ça a dégénéré en “sale Chinois” et en “face de citron”. Ce fut comme un électrochoc. Sur le moment, je ne capte pas tout de suite tellement c’est violent. Plein de choses se bousculent dans ta tête. Je me souviens m’être énervé. L’arbitre était le père d’un des joueurs de l’équipe d’en face et il a complètement nié les faits. Sur le terrain, il y a eu 15 minutes très chaudes, puis des bagarres dans le couloir à la mi-temps. Dans les vestiaires, je n’ai rien dit. Pas un mot. À mes côtés, mon coéquipier, qui d’habitude est toujours souriant, était lui aussi prostré. Les gens du coin l’avaient traité de “bamboula”. Quand le match a repris, je me sentais inférieur aux autres, je n’avais plus aucune envie, et j’étais d’autant plus mal à l’aise que les insultes ont continué. J’entendais des trucs comme: “Retourne dans ton pays” ou “Espèce de vendeur d’iPhone”… Le match m’a paru interminable. J’étais là sans être là. Plutôt que de rester concentré, je réfléchissais à qui j’étais vraiment. Cela fait mal au coeur, parce qu’on ne choisit pas ses origines. On ne choisit même pas de naître. Au coup de sifflet final, ça a complètement explosé. On a recommencé à se battre. Mon coach a disjoncté contre les parents. Moi aussi j’ai vu rouge. Sur le coup, ça fait du bien, ça soulage… On a porté plainte mais ça n’a rien donné: le président de la commission d’éthique de la ligue, c’est le président d’Oléron.