So Foot

Jeu de l’oie.

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Prenez vos dés et devenez un winner, comme Didier Deschamps.

“La Dèche”, “le Poumon”, “MaxiTête”, “Trois Pommes” (selon

Aimé Jacquet), “Blanchard” (pour Marcel Desailly) ou encore “PasseParto­ut” (pour David Ginola)… Tu collection­nes les sobriquets, et l’époque ne te permet même pas d’en faire un tweet de victime. Retiens tes larmes jusqu’à la case 7.

Bordeaux et Nantes s’intéressen­t sérieuseme­nt à toi. Du haut de tes 13 ans, envoie bouler le président Claude Bez quand il débarque pour te convaincre, en limousine et gros cigare au bec, au domicile familial. Tu inventes le slogan “Non c’est non” avec 40 ans d’avance. File à Nantes.

Tu as 12 ans, quasiment ta taille d’adulte, et tu claques 52 pions avec l’Aviron Bayonnais, soit le double de ce que tu inscriras sur l’ensemble de ta carrière pro. Bravo, maintenant recule en 6, mais avance d’une case quand même. 1993.

L’arbitre du match VA-OM t’informe à la mi-temps que Valencienn­es a déposé une réserve. Ni une ni deux, tu t’insurges… contre le timing: “Maintenant, vous faites ça? On vous a téléphoné à la mi-temps? Putain, vous êtes des truffes. Vous êtes des marionnett­es qu’on agite, voilà ce que vous êtes.” Boude ici une mi-temps et entraîne-toi à lever les bras pour dans six jours.

Tu viens de soulever la coupe du monde et Platini débarque dans le vestiaire: “Alors les gars, il a fallu que j’organise un mondial pour que vous le gagniez?” C’est la goutte d’eau qui fait déborder le Basque. “Certains sont faits pour organiser, d’autres pour gagner”, réponds-tu. Avance de trois cases, champion!

Tu n’es pas bon de la tête, tu ne sais pas dribbler et tu n’as pas de frappe. Du coup, Platoche caresse ses Ballons d’or lorsqu’il parle de toi à L’Humanité: “Didier fait partie de ces joueurs utiles, mais qui ne resteront pas dans l’histoire des grands footballeu­rs.” File gagner une autre coupe du monde pour la peine.

Tu te délectes des propos de Ginola: “Je n’ai pas fait le mondial 98 à cause de lui [toi]. C’est quelqu’un qui m’a empêché de réaliser mon rêve. Et mon rêve était de participer à une coupe du monde.” Caletoi un replay de Fort Boyard et avance de dix cases.

Véritable enfant de la télé, tu copies ton meilleur pote Nagui et tu passes tes premiers mois de retraite en 2001 à animer une émission, Deschamps Contrecham­p, sur TPS. Tu y reçois des personnali­tés du foot et vous papotez pendant trente minutes. Recule de deux cases: à ce moment précis, personne ne veut prendre ta place.

Comme Dr Deschamps, tu expliques au juge chargé d’instruire l’affaire de la créatine à la Juve qu’une “injection intraveine­use agit beaucoup plus vite qu’une perfusion”. Quant au fait que ton taux d’hématocrit­e explose toutes les normes humaines du monde, c’est sûrement dû au fait que tu as le métabolism­e d’un chat femelle. Ressors du tribunal en homme libre et avance de huit cases.

Comme Nicolas Machiavel, un

Italien féru de tactique, tu passes l’été 2008 à diviser pour mieux régner. Ta méthode? Regarder Domenech se ridiculise­r et laisser ce qu’on commence à nommer le “lobby France 98” travailler pour toi. L’Équipe évoque même “une tentative de putsch médiatique” destiné à te “porter à la tête des Bleus”. Frotte-toi les mains en ricanant, puis avance de deux cases.

Coincé dans un long tunnel, tu ne réagis pas à la grève des Bleus à Knysna et laisses la Roselyne monter au créneau. Pour François Manardo, chef de presse de l’équipe de France, ce silence assourdiss­ant s’appelait aussi “idée derrière la tête” pour torpiller Ray Do: “Lors des divorces, certains parents se servent de leurs enfants –qu’ils aiment plus que tout au monde– pour servir leurs propres intérêts.” Tes fils, ta bataille: avance de quatre cases.

José Anigo, ton directeur sportif à l’OM, te surnomme “Calimero” et s’épanche dans la presse:

“Porter ses couilles dans ce milieu, c’est un privilège, il n’y en a pas beaucoup qui les portent. Même au sein de l’équipe avec qui il a été champion du monde, s’il y avait un vrai sondage, on serait surpris de ce que les gens pensent vraiment de Deschamps…” Attends le 15 juillet 2018 et entreprend­s toimême ce sondage.

Mi-ethnologue, mi-fashion victim, tu refuses de porter le maillot rose concocté par la Juve pour fêter sa remontée en Serie A, “parce qu’en France, c’est la couleur des gays”. Tu as beau faire des blagues de beauf, au moins tu n’iras jamais passer tes étés au Cap Ferret. Avance d’une case, mâle alpha.

En 1999, pourtant habitué à te méfier des cinéastes-activistes de gauche, tu te prends un petit pont à l’entraîneme­nt par Vikash Dhorasoo. Hasard ou coïncidenc­e, ce dernier ne sera plus jamais rappelé en Bleu sous ton règne. Recule de trois cases, la cohabitati­on, ça marche parfois.

On parle souvent de ta langue de bois, mais ta langue de Shakespear­e n’est pas mal non plus. Bloqué par un membre de la sécurité du mondial 2018 qui te demande ton badge protocolai­re, tu dégaines un “il est serious, lui?” qui fera le tour d’Internet et la jalousie de Jean-Pierre Raffarin. Avance by two cases.

Benzema, vol. 2. En juin 2016, quelques jours avant le début de l’Euro, ta maison de Concarneau est taguée du mot “raciste”. Furious, tu portes plainte. Reste là où tu es, Stéphane Guivarc’h doit passer entre 14 heures et 16 heures pour le devis de la piscine.

Benzema, vol. 1. Au mentaliste Cantona qui laisse planer un doute quant à ton amour des cultures méditerran­éennes

(“Ce qui est certain, c’est que Benzema et Ben Arfa sont les deux meilleurs joueurs en France et ils ne joueront pas à l’Euro. Ce qui est certain également, c’est que leurs origines sont nord-africaines. Donc oui, le débat est ouvert…”), tu réclames 100 000 euros de dommages et intérêts. Recule de trois cases, c’est pour son livre de dessins qu’il fallait réclamer ça.

Benzema, vol. 3. À quelques mois du mondial en Russie, tu annules ta participat­ion à Au tableau! (où des enfants doivent te poser des questions) lorsque tu apprends que Jamel Debbouze t’a fait passer un petit message dans l’émission précédente: “Didier, ce serait bien de prendre Karim!” C’était bien, l’été 98, quand Jamel était drôle. Avance d’une case.

Recevoir un compliment de JeanLouis Murat, c’est comme un rendez-vous à l’Urssaf, personne ne sait comment le prendre. “Deschamps, il a appelé son fils Dylan et il a l’intégrale de Sardou, le mélange des deux en fait un type imparable.” Bravo, tu peux mourir tranquille. Mais avec des nouveaux chicots. dPAR MAXIME CHAMOUX ET SYLVAIN GOUVERNEUR /

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