So Foot

L’Europe des quinze.

À l’occasion du 60e anniversai­re de l’Euro, retour sur les quinze dernières éditions de la compétitio­n au nom détesté par les militants du Frexit.

- PAR JPS / PHOTOS: IMAGO/ PANORAMIC, PICTURE-ALLIANCE/ICONSPORT, PA IMAGES/ICONSPORT, HOLLANDSE HOOGTE/ICONSPORT, ICONSPORT ET BILDBYRÅN/ ICONSPORT

Retour sur les dernières éditions de l’Euro.

1960.

Henri Delaunay, secrétaire général de la FFF, propose la création d’un championna­t d’Europe de football dès 1927. Un moyen pour le Vieux Continent de se faire la guerre sans armes qui ne verra finalement le jour qu’en

1960. Un an avant d’expédier Gagarine dans l’espace, l’URSS l’emporte finalement contre la Yougoslavi­e, dans un Parc des Princes à moitié vide. Le tournoi est snobé par beaucoup de pays, à commencer par l’Allemagne de l’Ouest du sélectionn­eur Sepp Herberger: “Cette compétitio­n est une perte de temps absolue.”

1964.

Quatre ans après avoir refusé que l’Espagne dispute son quart de finale à Moscou de peur que sa sélection se fasse ridiculise­r par des communiste­s, le dictateur Franco jubile: la Roja, sans tiki-taka, l’emporte au Bernabéu face aux “rouges” de Lev Yachine.

1968.

Demi-finale entre l’Italie et l’URSS à Naples. Après 120 minutes de match, l’arbitre allemand Kurt Tschensche­r décide de départager les deux équipes à pile ou face. Giacinto Facchetti, capitaine des Azzurri, choisit le bon côté d’une pièce de monnaie turque et renvoie l’URSS à l’est. Dans la foulée, il soulève le trophée au terme d’une finale contre la Yougoslavi­e ayant dû être disputée deux fois (1-1, puis 2-0). Italians do it better. 1972.

Avec un doublé en demi-finale contre la Belgique, puis un autre contre l’URSS en finale, Gerd “Bomber” Müller prouve à tout le Vieux Continent que le désarmemen­t de l’Allemagne à l’issue de la Seconde Guerre mondiale est une vaste plaisanter­ie.

1976.

L’Allemagne a participé à cinq séances de tirs au but et n’en a perdu qu’une seule, celle de la finale de l’Euro 76 face à la Tchécoslov­aquie (2-2, puis 5-3 aux t.a.b.) à Belgrade. Ce jour-là, le moustachu Antonin Panenka entre dans l’histoire du foot en effectuant la feuille morte qui porte désormais son nom. Le geste préféré de tous les joueurs qui n’en ont rien à foutre de la coupe de France.

1980.

Les Allemands marchent sur Rome, et sur la Belgique en finale (2-1), avec une formule imparable: un attaquant qui fait peur (Hrubesch), des moustachus intraitabl­es, et une ambiance de merde en interne, alimentée par les guerres d’ego entre le Ballon d’or Rummenigge et la révélation blonde du tournoi Bernd Schuster. L’Allemagne comme on aime.

1984.

Avant l’OM 93, le PSG 96, le mondial 98, l’Euro 2000, et la chatte à Dédé, il y a eu les Bleus du “carré magique”, les neuf de buts de Platini, la boulette de Luis Arconada en finale, mais surtout l’émotion de Michel Hidalgo, tout heureux d’enrayer la spirale de la lose du foot français: “Avec cet Euro, on mettait derrière nous des années de frustratio­n, d’injustices, de décisions arbitrales en notre défaveur, de défaites cruelles…” Reste que Harald Schumacher restera pour toujours une belle ordure. Ça ne bouge pas.

1988.

À Hambourg, en demi-finale de l’Euro, les Pays-Bas l’emportent contre l’Allemagne de l’Ouest (2-1). Au coup de sifflet final, Ronald Koeman échange son maillot avec Olaf Thon, puis fait mine de se torcher avec devant les supporters adverses. Classe? Pas vraiment. Mais le gardien, Hans van Breukelen soutient son défenseur: “Je suis heureux d’avoir fait ce cadeau aux anciens qui ont vécu la guerre.”

1988.

L’angle était trop fermé, le centre de Mühren trop fuyant, et Marco van Basten trop à l’étroit au coin de la surface de réparation. Ce but impossible, même pas imaginable, le triple Ballon d’or l’a pourtant inscrit à Munich, en finale de l’Euro, face à l’URSS. La reprise de volée du siècle? Sans aucun doute, pour Rinat Dasaev, le gardien soviétique crucifié: “La trajectoir­e du ballon était tellement fantastiqu­e qu’aucun gardien au monde n’aurait pu arrêter ce tir.”

1992.

Les internatio­naux danois sont en train de rougir sur les plages du sud de l’Europe lorsque leur fédé les avertit que leur sélection a été repêchée suite à l’exclusion de la Yougoslavi­e pour cause de guerre et d’embargo. Michael Laudrup, star de l’équipe, et sacré

“L’arbitre n’aurait jamais sifflé penalty contre la France” Abel Xavier

champion d’Europe avec le Barça de Cruyff, décide pourtant de faire l’impasse sur le tournoi. La raison? Il doute que le Danemark puisse faire bonne figure. Son frère, Brian, n’y croit pas plus, mais se pointe tout de même en touriste.

“Là, notre coach, Richard Moller Nielsen, nous a dit: ‘On va en Suède pour gagner l’Euro’, rembobine-t-il. On a tous ri.” Quelques jours plus tard, la Danish Dynamite brandit le trophée après avoir écarté les Bleus de Papin, les Pays-Bas de Bergkamp et l’Allemagne de Klinsmann en finale. Michael en rage encore. 1996.

“Football is coming home”, répète frénétique­ment l’hymne de l’Euro organisé par les Anglais. Alors pour fêter ça, les Three Lions organisent une tournée… en Chine. Sur place, Paul Gascoigne se bourre évidemment la gueule. Une photo de lui assis sur une chaise de dentiste avec des coéquipier­s lui arrosant la tronche d’alcool fait scandale. Face à l’Écosse, le joueur des Rangers ridiculise tout de même Colin Hendry d’un coup du sombrero exquis ponctué d’une reprise qui finit dans les filets.

“Je crois que Hendry ne s’en est jamais remis, analyse Gazza. D’ailleurs, je crois qu’il est toujours à Wembley à l’heure qu’il est.” Après s’être offert le but du tournoi, le fantasque milieu s’allonge sur la pelouse, puis se fait asperger le visage d’eau par ses coéquipier­s. Un pied de nez aux tabloïds? Un bukkake? Non, une célébratio­n mythique.

1996.

Aimé Jacquet préfère convoquer Mickaël Madar et Vincent Guérin plutôt que Ginola et Cantona, Zizou et Frank Leboeuf ont encore des cheveux, et à Old Trafford, Reynald Pedros foire un péno qui envoie les Tchèques en finale (ces derniers s’inclineron­t suite à un but en or de l’Allemand Bierhoff). Reste que sans cet Euro, commenté par Pierre Sled avec des chemises France 2, les Bleus ne seraient jamais devenus champions du monde.

2000.

21 ans ont passé depuis cette demifinale disputée à Bruxelles entre le Portugal et les Bleus de Roger Lemerre, et Abel Xavier, peroxydé à l’époque, n’en démord toujours pas: “Ma main n’était pas intentionn­elle. L’arbitre n’aurait jamais sifflé penalty contre la France.”

Sur le coup, Figo donne des idées au jeune Cristiano Ronaldo en jetant au sol son maillot de dépit, mais malgré les “caralho” qui fusent de toutes parts, Zidane, stratosphé­rique ce jourlà, transforme la sentence suprême, synonyme de but en or. Le 77 est en larmes, le reste de la France est en feu, et Abel Xavier, qui se retrouve suspendu neuf mois par l’UEFA pour son comporteme­nt à l’encontre du corps arbitral, n’a que ses yeux pour pleurer en voyant Trezegol inscrire un nouveau but en or contre l’Italie en finale.

2000.

Les Pays-Bas co-organisent l’Euro avec la Belgique, l’occasion pour le bien nommé David Winner de publier Brilliant Orange:

The Neurotic Genius of Dutch Football. Un essai selon lequel la clé de voûte du jeu des Oranje résiderait dans un rapport particulie­r du peuple néerlandai­s à l’espace. L’ouvrage fait l’impasse sur la malédictio­n batave aux onze mètres. Éliminés aux tirs au but par la France à l’Euro 96, et victimes du même épilogue lors du mondial 98, les Oranje sont traumatisé­s au moment d’affronter Toldo après 120 minutes sans but, au terme de la demi-finale de leur tournoi. Il faut dire qu’ils ont déjà raté deux tentatives sur le point au cours du match, par

Kluivert et Frank de Boer. “À ce moment-là, on savait déjà qu’on allait perdre”, lâche ce dernier avec le recul. Le capitaine n’est pas le seul à avoir raté son tir –mais il est bien le seul à avoir échoué deux fois. Quelques minutes après lui, Paul Bosvelt chauffe les gants de Toldo, alors que Stam a préalablem­ent envoyé le ballon sur Mars. “Le ballon vole encore”, en rigole aujourd’hui Ronald, l’autre de Boer.

2004.

Enflée par le CIO, qui avait préféré attribuer l’organisati­on des JO du centenaire à Atlanta, le siège de Coca-Cola, plutôt qu’à Athènes, le berceau de l’olympisme, la Grèce ne se satisfait pas d’accueillir les plus grands athlètes du monde en cet été 2004.

Elle veut une réparation historique avant “ses” olympiades. Les Hellènes débarquent donc à l’Euro portugais sans les valeurs de Coubertin dans leurs valises, mais avec le pragmatism­e de l’Allemand Otto Rehhagel sur le banc de touche. D’entrée, le commando saccage le début de compétitio­n en emportant le match inaugural contre le pays hôte. Au diable le respect, le

panache et le beau jeu. Des quarts à la finale, les Grecs n’encaissero­nt rien et marqueront trois fois, toujours de la tête. En finale, le football dit “de crevards” mis en place par Rehhagel finira même par faire pleurer une nouvelle fois Figo, Deco, Rui Costa et Cristiano Ronaldo dans leur estadio Da Lose. La meilleure tragédie grecque de la décennie.

2007.

Ce 17 octobre 2007, la troupe de Domenech arrive au bout de la campagne de qualif pour l’Euro 2008, et doit se coltiner les Lituaniens à la Beaujoire avec obligation de gagner. Ce soir-là, Thierry Henry plante un doublé pour offrir le 2-0 aux siens. Il dépasse ainsi Michel Platini dans les charts

des meilleurs buteurs des Bleus. Mais le DJ du stade avait autre chose à fêter. Deux jours

plus tôt, Bertrand Cantat était libéré de prison quatre ans après avoir tué Marie Trintignan­t à Vilnius, en Lituanie. Une occasion en or pour l’ambianceur de la Beaujoire de passer du Noir Désir avant le coup d’envoi…

2008.

Championne du monde des matchs amicaux, éternelle perdante, et incapable de passer les quarts d’une grande compétitio­n, l’Espagne est coachée par Luis Aragonés, un homme qui a horreur du jaune. Lorsque le maire de Berchtesga­den, QG de la Roja pendant le tournoi, l’accueille avec un bouquet de fleurs à dominante jaune,

“El Sabio” pète un câble: “Qu’est-ce que tu veux que j’en fasse? Tu sais où tu peux te les mettre?” L’homme qui avait fait polémique en désignant Thierry Henry comme un “negro de mierda” lors d’une causerie à José Antonio Reyes est tendu. La presse lui reproche de ne pas avoir sélectionn­é Raul, symbole à ses yeux des déboires de la Seleccion. Pour faire table rase du passé, il fait la part belle aux joueurs de petite taille comme David Silva, Xavi ou Iniesta, et reprend le tiki-taka du Barça. Après s’être débarrassé­e de ses complexes en passant les quarts contre les champions du monde italiens, son équipe atomise la Mannschaft en finale. Une victoire que Paul le poulpe avait évidemment prédite.

2008.

Après la défaite synonyme d’éliminatio­n contre l’Italie, Domenech demande Estelle Denis en mariage sur M6.

Les Bleus finissent bons derniers de la poule avec un seul but inscrit. C’est toujours mieux que ce qui les attend deux ans plus tard en

Afrique du Sud, mais ça n’empêche pas le

Times d’y voir clair: coach Ray est élu pire sélectionn­eur de la compétitio­n.

2012.

Une célébratio­n de but à base de “Fermez vos gueules” à l’attention des plumitifs de L’Équipe, une altercatio­n dans le vestiaire avec Alou Diarra, une invitation à aller cordialeme­nt “[se] faire enculer” pour un journalist­e de l’AFP… Samir Nasri a ravivé les vieux démons de Knysna pendant tout l’Euro. Le “journal” Minute n’attendait que ça pour dégainer une couv’ fumeuse: “Ils ont encore souillé le maillot bleu!” De la récupérati­on, il en a aussi été question sur les Internets, la célébratio­n de but façon bodybuilde­r de Balotelli contre l’Allemagne étant devenue l’un des premiers mèmes de l’histoire consacrés au foot. Un phénomène à deux doigts de faire passer au second plan le triomphe de l’Espagne (4-0 contre l’Italie en finale), premier pays à conserver son titre européen.

2016.

La course d’élan folle de Simone Zaza sur son penalty, le signe de surfeur de Griezmann en référence à Hotline Bling de Drake, le Will Grigg’s on fire des supporters nord-irlandais sur l’air de Freed from Desire

de Gala, la première victoire des Bleus en compétitio­n officielle sur l’Allemagne, des stades pleins… La fête était belle jusqu’à cette frappe meurtrière des 25 mètres de… Eder. Oui,

le remplaçant du Losc.

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 ??  ?? Galère, ce Où est Charlie?
Galère, ce Où est Charlie?
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 ??  ?? Déjà la chatte à DD.
Déjà la chatte à DD.
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Hémorroïde­s + ecstasy, le duo gagnant.
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Attention à la sortie d’Anthony Lopes!!
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Au Prix de Diane.

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