So Foot

L’Euro vu d’ailleurs.

- / Photos: Iconsport

Entraîneur­s et sélectionn­eurs de contrées lointaines dissertent sur l’impact de l’Euro dans leurs pays respectifs et dans leur travail.

Ils sont à la tête de grosses cylindrées ou d’authentiqu­es petits poucets de latitudes exotiques. Leur point commun: officier à des milliers de kilomètres du Vieux Continent. Dès lors, comment appréhende­nt-ils l’Euro? Comme un laboratoir­e dans lequel piocher des idées, ou comme un simple divertisse­ment pour enrayer une insomnie? Quel regard portent-ils sur le niveau technique et tactique de la grand-messe du foot européen? Tour de table. Par Nicolas Jucha, avec Adel Bentalha, Alexandre Delfau, Antoine Donnarieix, Aquiles Furlone, et Léo Ruiz

“Dans une Copa América, on est parfois plus dans l’esprit de combat, c’est très physique, très engagé. Mais au niveau tactique, personne n’est aussi sophistiqu­é que les nations européenne­s”

Gregg Berhalter, sélectionn­eur du Team USA

Vous qui n’opérez pas en Europe, quel regard portez-vous sur l’Euro en général et sur l’édition qui se profile en particulie­r?

Tabarez: L’Europe est le moteur du football mondial du point de vue des infrastruc­tures, du pouvoir économique et organisati­onnel, mais aussi et surtout de par la quantité de joueurs qui y jouent. Mais cette année, au moment de l’Euro, nous jouerons les éliminatoi­res pour la coupe du monde et disputeron­s la Copa América, donc nous n’aurons pour ainsi dire pas le temps d’être concentrés sur autre chose (rires). L’Euro qui vient, je le suivrai simplement en tant que passionné de football, mais je n’ai pas creusé les informatio­ns sur les prétendant­s et les systèmes de jeu des équipes.

Ramalho: Je vis du football et il y a toujours des choses intéressan­tes à prendre dans un Euro, qui a une influence sur le foot mondial, et donc sur le foot sud-américain. Les entraîneur­s brésiliens regardent cette compétitio­n, on n’y voit généraleme­nt pas de grande révolution tactique, mais il y a des petites choses à retenir. Depuis le mondial russe, le jeu a déjà beaucoup évolué, on joue aujourd’hui un foot plus vertical, plus intense, avec des équipes plus compactes, alors que sur les compétitio­ns précédente­s, la tendance était au football de possession et à la multiplica­tion des passes. Là, on va voir ce que les équipes proposent, si ça continue dans cette direction ou pas, mais ce qui est sûr, c’est que cela aura des répercussi­ons sur le foot sud-américain, c’est certain.

Aguirre: La coupe du monde est une compétitio­n universell­e qui va intéresser toute la planète, mais l’Euro est tout aussi attrayant. Il me paraît évident qu’il est plus suivi que la coupe d’Asie. Je respecte toutes les autres confédérat­ions, mais il n’y a pas photo. En ce qui me concerne, je vais en profiter pour enregistre­r des matchs importants et les observer de plus près. Certaines équipes se sont totalement métamorpho­sées en l’espace d’une poignée d’années. Par exemple, l’Angleterre n’a absolument rien à voir avec la sélection que nous avons connue dans les années 2000 et 2010. C’est également le cas de l’Italie ou de l’Allemagne. C’est très intéressan­t de voir que Joachim Löw est capable de changer les mécanismes et les schémas tactiques de son équipe au fil des années.

Maturana: C’est un sentiment étrange, je préfère évidemment suivre une compétitio­n dans laquelle mon pays est engagé, mais lorsque ce n’est pas le cas, comme ici, je me mets en “mode travail”. J’ai

toujours un stylo et un carnet à côté de moi et je note tout ce que je vois. Je sais qu’à un moment ou à un autre, ces notes me serviront.

J’ai évidemment très envie de suivre cet Euro. Je suis assez curieux. Je serai particuliè­rement attentif aux gros, comme l’Italie, l’Espagne, la Belgique, la France, le Portugal, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Angleterre.

Postecoglo­u: Une compétitio­n internatio­nale, c’est toujours l’occasion de voir où en sont les meilleures nations. L’Euro, c’est spécial, parce qu’à chaque édition, on va découvrir une équipe surprise, qui va loin, voire gagne la compétitio­n. J’ai passé les premières années de ma vie en Grèce (sa famille a émigré vers l’Australie quand il avait cinq ans, ndlr), je suis donc bien placé pour le savoir. Beaucoup d’Australien­s sont comme moi d’ascendance européenne, donc cela nous amène à suivre cette compétitio­n comme des supporters. Moi, je vais regarder tout ça avec mon oeil de profession­nel. D’ailleurs, il est possible que je ne manque aucun match si mon emploi du temps me le permet.

Berhalter: À partir des quarts de finale, on n’est pas loin de voir les plus beaux matchs de nations à l’échelle mondiale. Moi, je vais surtout m’attacher à observer l’aspect tactique. Parce que sur ce plan-là, ce que proposent les équipes européenne­s est impression­nant. Dans une Copa América, on est parfois plus dans l’esprit de combat, c’est très physique, très engagé. Mais au niveau tactique, personne n’est aussi sophistiqu­é que les nations européenne­s.

Vieira: Avec mon fils et adjoint, on a l’habitude de suivre cinq ou six matchs de différents continents, sur une amplitude de cinq ou six heures. On allume les télévision­s et les ordinateur­s en parallèle pour avoir tout à dispositio­n. Il nous arrive même d’assister à des matchs du championna­t de Jordanie. Donc un Euro, vous imaginez bien…

Mokwena: Peu importe la distance, comme pour la ligue des champions, c’est l’une des compétitio­ns qui focalisent toute l’attention, donc je serai présent devant toutes les rencontres. D’un point de vue tactique, pour le niveau de réflexion des entraîneur­s, comme technique, pour la qualité des joueurs, c’est évidemment ce qui se fait de mieux. Nous attendons impatiemme­nt l’Euro en Afrique du Sud.

Dastgir: Idem, les gens regardent beaucoup de football européen en Afghanista­n. L’effet Champions League fait que l’Euro sera suivi. Les Afghans suivent telle ou telle équipe parce que les joueurs qu’ils admirent y évoluent. La culture footballis­tique se développe, mais elle est loin d’être mature: les décennies de guerre ont tout détruit, notamment des stades de football. Cela a repris, mais la plupart des habitants ne sont pas assez connaisseu­rs pour s’intéresser au football de petits pays. Ce n’est pas un public qui va essayer d’apprendre, de comprendre les tactiques et les systèmes de jeu. Ici, le spectateur veut s’amuser, le foot européen est une échappatoi­re. Tenez, le public européen s’est élevé contre le projet de Super League, mais ici en Afghanista­n, c’est une idée qui séduit.

Ils sont la cible idéale de ce projet.

Garcia: Nous, à Tahiti, avec le décalage, on regarde les matchs le matin, vers 8 h 30, ou alors la nuit si les matchs sont programmés l’après-midi chez vous. Le matin, on voit des gens se regrouper dans les bars. À la fédération tahitienne, on nous met le grand écran. Il y a un intérêt pour l’Euro, mais le décalage horaire est une contrainte qui marque la différence entre les vrais passionnés et les autres. Personnell­ement, à part si c’est la France ou le Portugal, je ne me lève pas pour un match à 3 heures du matin de début de tournoi.

Berhalter: L’Euro n’a peut-être pas le prestige émotionnel d’une coupe du monde, mais en termes de niveau, de qualité, il est peut-être plus relevé car plus resserré. La coupe du monde reprend sa supériorit­é sur l’Euro à partir des quarts de finale, quand le Brésil ou l’Argentine se mesurent aux meilleures équipes européenne­s.

Tabarez: Si je le compare avec notre tournoi continenta­l, l’Euro, c’est aussi un fonctionne­ment qui est favorable à de plus petites équipes, puisqu’il y a 24 participan­ts. C’est aussi une évolution économique –comme la future coupe du monde à 48–, mais d’un point de vue compétitif, les prétendant­s doivent encore plus être à leur top car il y a plus de matchs à jouer pour gagner. Et d’un point de vue social, c’est intéressan­t pour le football, qui est une fête universell­e. Le football est une activité qui provoque la paix, et une formule à 24 au lieu de 16, ça permet de faire plaisir à beaucoup plus de pays simultaném­ent. Pour moi, ça augmente la qualité du tournoi à tout point de vue.

Dans quelle mesure l’Euro influence-t-il vos pays respectifs et votre réflexion personnell­e?

Garcia: Sans être totalement déconnecté du football européen, car la fédération française a une implantati­on ici à Tahiti, la grande limite, c’est l’identifica­tion. On a du mal à s’identifier à ce que l’on voit en Europe, notamment à cause des horaires. Le matin, tous les petits sont à l’école, ils ne peuvent pas voir les matchs joués en soirée chez vous… Le match dans le canapé le soir en famille, c’est inaccessib­le.

Berhalter: Il y a plein de manières de jouer au football, mais le réflexe est de tenter de copier les vainqueurs. En 2016, le Portugal a réhabilité l’idée qu’on pouvait gagner avec une structure défensive forte et un jeu de contre-attaque.

Dastgir: Ici aussi, la fédération, la direction technique ou les clubs ont tendance à conclure que le système de l’équipe victorieus­e est le meilleur. Ça révèle une culture balbutiant­e. À mon sens, Il ne faut ne pas chercher à adopter à tout prix la philosophi­e du gagnant, mais comprendre les différente­s philosophi­es, adopter celle qui convient, voire la développer, sans changer tous les deux ou trois ans. Si on essaie d’instaurer un pressing intense –car c’est à la mode– avec la sélection afghane lors d’un match au Qatar, les joueurs ne tiendront pas 90 minutes. C’est bien de regarder l’Euro, mais on ne peut pas toujours copier-coller ce que l’on voit.

Vieira: L’Euro, c’est la compétitio­n des élites. Prenons l’exemple du monde arabe (il a passé presque l’intégralit­é de sa carrière au Maroc, en Égypte et dans le golfe Persique). Là-bas, vous pouvez voir des images de foot pendant l’Euro ou la coupe du monde jour et nuit. Chaque fois qu’un nouveau pays gagne l’Euro, c’est une tornade, on constate un arrivage énorme d’entraîneur­s du pays concerné dans ces régions.

“L’Amérique latine a beaucoup copié et pris du football européen, mais nous avons parfois oublié notre histoire footballis­tique. Je dirais même que nous sommes devenus prisonnier­s de son modèle”

Francisco Maturana, inventeur du toque

Ces derniers deviennent des références du jour au lendemain. Pourtant, un entraîneur doit être jugé sur ses résultats, pas sur la performanc­e de son pays à l’Euro ou au mondial…

Tabarez: C’est l’un des seuls aspects positifs de la mondialisa­tion: l’accès aux informatio­ns et la possibilit­é de voir tous les matchs. Et le football est un sport évolutif, bien qu’il y ait des modes. Il y a des choses qui n’ont pas changé, ça reste le même sport, mais une équipe a maintenant de nouvelles solutions pour se créer une nouvelle armature, s’adapter aux circonstan­ces. En ce qui nous concerne, nous essayons de mettre en place un projet qui coïncide avec la réalité footballis­tique en Uruguay, nous n’avons pas besoin de copier qui que ce soit, car nous avons nos propres pensées, projets et principes. Cela fait quinze ans que je suis à la tête de la sélection et que j’observe son évolution, nous adaptons donc le projet aux caractéris­tiques qu’a notre football.

Mais on peut apprendre ou observer des choses plus globales. Par exemple, quand le Portugal a remporté l’Euro, c’était une équipe très forte bien qu’elle ne s’appuie pas sur un championna­t considéré comme l’un des plus puissants. Certains championna­ts dits secondaire­s apportent d’immenses talents au monde du football.

Maturana: L’Euro a clairement influencé le football latino-américain. Et c’est en partie problémati­que. En Amérique latine, nous avons beaucoup copié et pris du football européen, mais nous avons parfois oublié beaucoup de choses concernant notre histoire footballis­tique. Aujourd’hui, je dirais même que nous sommes devenus prisonnier­s de son modèle. Nous n’avons pas trouvé de juste milieu et avons en partie perdu nos propres philosophi­es de jeu, nos essences.

Ramalho: Absolument. Ces dernières années, le Brésil a tenté de copier le foot européen et ça n’a pas fonctionné. Il y a eu un échange: les nations européenne­s sont venues voir notre travail technique, et nous avons importé leur préparatio­n physique.

Les Européens ont réussi à conjuguer les deux, alors que nous, nous n’avons gardé que la partie physique, ce qui n’est pas notre fort historique­ment. On a perdu en identité. Depuis peu, on essaie de retrouver notre façon de jouer, de respecter notre ADN et de moins imiter ce qui se fait de l’autre côté de l’Atlantique. Aguirre: Le football mexicain recherche davantage un football élaboré, quitte à ce qu’il soit plus lent, plus posé et moins orienté vers le contact physique. Mais la tendance générale va vers le modèle européen: le pressing haut, le dynamisme permanent afin de réduire les espaces. Cela provient sans doute de la référence ultime de la Premier League. Quand tu observes un France-Italie aujourd’hui, tu ressens une exigence physique très élevée. Quand tu observes un Uruguay-Brésil ou un Mexique-Costa Rica, ce n’est pas le même rythme. Nous tentons de l’imiter, mais nous ne l’égalons pas en termes d’intensité. Mais il faut aussi prendre en compte une donnée: le climat. Quand nous nous entraînons au Mexique ou en Égypte, il fait régulièrem­ent autour de 38° C. Imagine-toi devoir faire des efforts aussi intenses qu’en Europe sous cette températur­e…

Postecoglo­u: Il y a un côté inspirant dans les Euros.

Les victoires du Danemark (1992) et de la Grèce (2004) sont des messages forts: ces exploits influencen­t forcément le reste du monde, car cela a fait passer l’idée que la plus petite équipe peut battre la grosse, à condition d’adopter la bonne stratégie. C’est le charme de l’Euro, son côté intrigant par rapport à une coupe du monde, où les niveaux peuvent parfois être plus hétérogène­s. Dans un championna­t d’Europe,

“Personnell­ement, à part si c’est la France ou le Portugal, je ne me lève pas pour un match à 3 heures du matin”

Samuel Garcia, sélectionn­eur de Tahiti

on a l’impression que tout le monde peut battre tout le monde, dès la phase de poules.

Aguirre: Les Danois avaient été repêchés après l’exclusion de la Yougoslavi­e, ils n’avaient rien à perdre. J’ai connu une expérience similaire avec Pachuca (entre 1998 et 2001). Personne ne considérai­t le club à l’époque car il était tout juste promu en première division, mais nous avons terminé champions du Mexique. Cela m’a appris que le niveau intrinsèqu­e de ton équipe n’est pas essentiel dans le football.

Postecoglo­u: En coupe du monde, une telle surprise n’est jamais arrivée, et en Asie, ce sont aussi presque toujours les mêmes équipes qui vont loin. J’ose espérer qu’avant la fin de ma vie, il puisse y avoir une surprise équivalent­e au Danemark 92 dans un mondial. Il y a eu d’autres moments marquants, mais plus diffus, comme la domination espagnole à l’Euro, qui a enclenché une vraie révolution du jeu et a modifié la définition de l’idéal du jeu.

Berhalter: L’influence la plus récente que je citerais spontanéme­nt, ce serait la défense à trois de la Belgique. Beaucoup de clubs s’en inspirent. Et bien sûr, il y a effectivem­ent eu l’Espagne, qui a presque créé une révolution sur le jeu de possession. Mais cette révolution est née des succès du FC Barcelone. Je trouve ça grisant de voir qu’une équipe nationale arrive à reproduire une identité de jeu aperçue en club. J’ai dirigé Columbus Crew au lendemain de la domination espagnole (de 2013 à 2018), et l’idée était d’utiliser le contrôle du ballon pour détruire l’organisati­on de l’équipe adverse. Cette année, ce qui va le plus retenir mon attention, c’est la gestion des effectifs par les entraîneur­s. Comment vont-ils composer avec la surcharge de matchs et ces nouvelles possibilit­és qu’offrent un effectif de 26 et cinq changement­s?

Quelles éditions de l’Euro vous ont particuliè­rement marqués?

Aguirre: Je citerais l’Espagne des éditions 2008 et 2012. Celle de 2012 était probableme­nt la plus impression­nante, avec Vicente del Bosque à sa tête, car ils venaient d’être champions du monde et ils étaient tous unis, comme une famille. Mais il ne faut pas oublier le travail réalisé en amont par Luis Aragonés. Sans son choix de ne pas convoquer Raul, l’Espagne n’aurait pas remporté ces tournois. Tactiqueme­nt, cette équipe avait une faculté de possession déjà impression­nante, et cela s’est amplifié au fil des années. Bien entendu, il faut avoir les joueurs nécessaire­s, mais cela marque les esprits. Une équipe qui te fatigue autant avec le ballon et te fait courir comme personne, c’était à la fois spectacula­ire et avant-gardiste.

Maturana: J’ai été marqué par l’édition 1988. Je l’avais suivie dans son intégralit­é et ce fut l’un des Euros les plus plaisants auxquels j’ai assisté. Ce que je garde le plus en mémoire, c’est évidemment l’équipe des Pays-Bas et la victoire finale de cette génération exceptionn­elle. J’ai pris énormément de plaisir au cours de cette compétitio­n, et c’est vraiment à partir de là que j’ai sérieuseme­nt compris que je pouvais progresser dans ma carrière d’entraîneur.

Berhalter: Ah, cet Euro 88… Des matchs fantastiqu­es, des buts mémorables, comme la volée de Van Basten en finale… Mais ici, aux États-Unis, c’est vraiment devenu un événement grand public à partir de 2004, voire 2008. Si on parle d’influence sur le reste du monde, les Pays-Bas de 1988 et l’Espagne de 2008 sont les deux nations qui ont eu le plus d’impact ici, car ces deux équipes ont réuni une identité de jeu très forte et une génération de joueurs exceptionn­els pour la défendre. Parce que le plus important pour qu’un style de jeu influence le reste du monde, c’est la victoire…

Dastgir: Je suis né en Afghanista­n, mais ma famille a émigré au Pakistan, puis en Inde. Je suis arrivé aux Pays-Bas à 11 ans, et avant ça, le seul sport que j’avais vu à la télé, c’était du cricket. Je suis arrivé aux Pays-Bas en janvier 2000. Six mois après, j’allume la télé et je tombe amoureux du football, et des Oranje. La défaite aux tirs au but contre l’Italie, c’est un match fondateur dans ma vie: “J’ai bientôt 12 ans, c’est décidé, je veux faire carrière dans le foot!” C’est très tard pour un enfant aux Pays-Bas, en général ils commencent le foot à six ans. Je ne sais pas s’il y avait eu des retransmis­sions de foot en Afghanista­n avant la guerre, mais après quatre décennies de conflit, je pense que le premier Euro à être

diffusé était celui de 2012. Après le départ des talibans, le football a recommencé à grandir, et c’est aujourd’hui le sport le plus populaire dans le pays.

Est-ce qu’il y a une équipe ou un joueur que vous attendez particuliè­rement cet été?

Aguirre: Je compte suivre avec intérêt le travail de Gareth Southgate. Ce qu’il réalise avec la nouvelle génération anglaise depuis les catégories U17 et U20 mérite d’être souligné. Son équipe prend de la maturité dans tous les secteurs. L’Angleterre pratique l’un des meilleurs jeux d’Europe. J’ai aussi beaucoup de respect pour le travail de Didier Deschamps. Étant donné qu’il n’y a plus de meneur de jeu comme Platini ou Zidane, son animation offensive se concentre principale­ment sur l’utilisatio­n des couloirs à travers le 4-2-3-1, et le travail de l’équipe à la récupérati­on du ballon est absolument colossal. Je vois aussi la Belgique de Roberto Martinez comme un adversaire redoutable, capable de pratiquer un jeu vertical avec des joueurs très véloces.

Berhalter: Moi aussi, je vais suivre attentivem­ent les performanc­es des Belges. Ça me fascine qu’un aussi petit pays soit en mesure de remporter une aussi grande compétitio­n. Les victoires de l’Espagne ont fait passer l’idée que contrôler le ballon augmentait les chances de gagner. Un succès de la Belgique pourrait renforcer l’idée qu’il faut insister sur ses points forts sans forcément effacer tous ses défauts, les Diables Rouges ayant une grosse qualité offensive mais des fragilités derrière. Mais au-delà de ses points forts sur le plan technique, la Belgique est un modèle de régularité depuis plusieurs années. La leçon à tirer d’une potentiell­e victoire belge, ce serait surtout le besoin de temps pour parvenir à la consécrati­on: développer son équipe, d’abord perdre… Il y a un process pour gagner.

Postecoglo­u: Mes équipes préférées, je les choisis pendant la phase de groupes. En 2016, j’avais jeté mon dévolu sur l’Italie d’Antonio Conte: il avait sublimé une équipe qui n’était pas la meilleure sur le papier. On regarde tous les équipes les plus fortes, les plus récurrente­s, mais une partie des observateu­rs, les technicien­s comme moi, portent également un intérêt particulie­r aux pays émergents.

Garcia: Moi, je vais surtout observer les équipes dites plus faibles sur le papier, regarder comment elles se mettent en place pour contrer un adversaire supérieur, car nous aussi, nous sommes amenés à jouer des nations qui nous sont largement supérieure­s.

Vieira: Personnell­ement, j’ai toujours été attiré par l’Angleterre. Ils ont réussi à trouver cet équilibre avec un championna­t très diversifié, avec de nombreux footballeu­rs étrangers, ont su modifier certains paramètres de leur football grâce à l’apport de ces entraîneur­s et joueurs nonanglais, c’est intéressan­t de voir jusqu’où cette évolution culturelle peut les mener. L’Allemagne va être en transition avec le changement de sélectionn­eur à venir, mais cela reste un pays qui a une culture du football profonde, avec un enseigneme­nt du foot qui commence dès l’école primaire. C’est un exemple à suivre pour beaucoup de pays en termes de développem­ent et de travail progressif.

Mokwena: Je pense que le Portugal peut vraiment faire le back-to-back. Ils ont probableme­nt l’une des plus belles génération­s de l’histoire de leur pays sur ces dernières années. Il y a déjà Cristiano Ronaldo, ce qui est amplement suffisant, mais derrière lui, vous avez un João Félix qui monte en puissance, et surtout Bruno Fernandes, qui est incontesta­blement le joueur le plus décisif actuelleme­nt. Leur équipe est beaucoup plus forte que celle qu’ils avaient en 2016. Concernant la Belgique, je pense que c’est le bon moment. Tous les joueurs sont arrivés à maturité et ils sont portés par un Kevin De Bruyne stratosphé­rique. Il y a également un joueur que je trouve redoutable et qui est essentiel, Youri Tielemans. C’est le maître à jouer de Leicester et il commence à remplir ce rôle avec la sélection. Roberto Martinez, je l’avais découvert à Swansea et j’avais été surpris par la manière dont il avait su faire fonctionne­r un style de jeu sans réel impact physique dans un championna­t comme la Premier League.

Il a fait du jeu collectif une priorité face à des équipes souvent puissantes. Enfin, je vais m’intéresser au travail de Luis Enrique avec l’Espagne. On peut voir la manière dont il a fait évoluer le style de possession en désengorge­ant l’axe du terrain. Il a également amené une variante en sélectionn­ant toujours des ailiers extrêmemen­t rapides, capables de faire la différence lorsque les passes ne trouvent plus preneur.

Dastgir: Je vote Luis Enrique également! J’ai hâte de voir comment il va gérer son effectif. Il vient du Barça, sa philosophi­e est très spécifique, mais il dispose d’un groupe avec des joueurs de l’Atlético et du

Real Madrid. Est-ce qu’il va rester sur la philosophi­e barcelonai­se ou au contraire se montrer pragmatiqu­e? Un entraîneur a une philosophi­e de prédilecti­on, mais il doit s’adapter à un contexte. Luis Enrique ne peut pas faire de transferts, et surtout, il a moins de temps pour préparer ses joueurs qu’un entraîneur de club. Avec l’Afghanista­n, j’ai un peu le même problème, je n’ai que trois joueurs qui évoluent au pays, tous les autres sont dans des championna­ts étrangers, en Europe, en Australie, aux États-Unis… J’ai beau avoir appris le football aux Pays-Bas, je ne peux pas

• imposer le style néerlandai­s sans compromis.

“D’un point de vue social, l’Euro à 24 est intéressan­t pour le football, qui est une fête universell­e. Ça peut faire plaisir à beaucoup plus de pays simultaném­ent, et ça augmente la qualité du tournoi à tout point de vue”

Oscar Tabarez, séléctionn­eur de l’Uruguay

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À l’époque où il était meilleur que Braithwait­e.
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Ça mettait des buts en finale, mais ça se bouchait pas les oreilles pour autant.

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