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À Stroumitsa, sur les traces de Goran Pandev.

- Par Julien Duez, à Stroumitsa (Macédoine du Nord) Photos: Bildbyrån/Iconsport, IPP/Iconsport, Julien Duez pour So Foot et Imago/Panoramic

Le Macédonien le plus important depuis Alexandre le Grand raconté par sa ville natale.

Héros national depuis qu’il a qualifié la Macédoine du Nord pour le tout premier Euro de son histoire, Goran Pandev vit un rêve de gosse à 37 ans. Derrière lui, ses deux millions de compatriot­es ont eux aussi gagné le droit de rêver le temps d’un été. En particulie­r à Stroumitsa, sa ville natale. Un bled où la présence du joueur du Genoa se ressent à chaque coin de rue, et notamment dans le club formateur qui porte son nom.

“On peut nous contester la paternité d’Alexandre le Grand*, mais Goran Pandev est incontesta­ble.” Il n’y a pas à dire, Igor Angelovski avait le sens de la formule au soir du 12 novembre 2020. Peu après la qualificat­ion historique de la Macédoine du Nord à l’Euro après un barrage remporté face à la Géorgie, le sélectionn­eur des Risovi (les Lynxs) n’a pas manqué de tresser des lauriers à l’égard du seul buteur de la partie. Quelque part, il fallait que les choses se déroulent comme cela. Il fallait que ce soit ce vieil attaquant de 37 ans, au Genoa depuis 2015, meilleur buteur de son pays et sujet à une superbe calvitie en forme phallique, qui envoie son pays participer à son premier tournoi internatio­nal depuis l’indépendan­ce obtenue en 1991. Parce qu’en trois décennies, le souvenir de l’ex-soulier d’or Darko Pancev, l’avant-centre de l’Étoile Rouge de Belgrade championne d’Europe à Bari face à l’OM, a eu le temps de s’étioler. Autrefois dénommée Ancienne République Yougoslave de Macédoine, sa patrie n’a toujours pas réussi à trouver sa place dans le concert des nations, tiraillée entre une Grèce qui, en 2019, lui a imposé d’accoler un étrange “du Nord” à son blase, et une Bulgarie qui ne se prive pas de freiner son accession à l’Union européenne (pour de sombres histoires de sémantique là encore). Bref, dans un État où l’identité nationale peine à être clairement définie, il fallait une icône capable de rassembler ce peuple divisé en une salade d’ethnies à la fois slaves, albanaises, turques, roms, ou encore valaques. Un héros national, autrement dit. Il aura suffi d’un but face à la Géorgie pour avoir la preuve définitive que cet homme s’appelle Goran Pandev.

Google Trad et Hollywood Boulevard

En Macédoine du Nord, les voies ferrées servent avant tout au fret. Il ne faut par conséquent pas se louper si l’on veut attraper les rares tortillard­s destinés au transport de voyageurs. Le train pour Miravtsi largue les amarres à

6h23 depuis la gare ferroviair­e de Skopje, la capitale, et c’est le seul de la journée. Après quoi, il faut encore enquiller une grosse heure de route pour rallier Stroumitsa, le berceau de l’icône nationale. “Vous allez bien manger làbas”, assure le tenancier du snack-bar voisin qui débite des bureks vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les deux heures et demie durant lesquelles l’omnibus se traîne à une allure d’escargot permettent d’apprécier le relief montagneux caractéris­tique de la Macédoine, ainsi que les somptueuse­s gorges du fleuve Vardar qui traverse le pays du nord-ouest au sudest avant d’aller se jeter dans la mer Égée. En Grèce, donc. Mais à Stroumitsa, les querelles de voisinage ne sont pas légion.

“Tout ça, c’est des conneries de politicien­s, peste Zvonko au volant de sa Ford Galaxy hors d’âge. Ici, on a des amis de chaque côté, les frontières n’existent pas. La Bulgarie n’est qu’à 30 kilomètres et en deux heures, on peut aller se baigner à Thessaloni­que.” Ce qui a son avantage quand on est un territoire sans accès à la mer.

Renseignem­ent pris, le taximan confirme dans un mélange d’anglais, de Google Traduction et de langue des signes qu’à Stroumitsa, on déguste les meilleurs fruits et légumes de toute la Macédoine. La région bénéficie en effet d’un microclima­t qui lui offre pas moins de 230 jours de soleil par an. L’été commence donc bien avant le mois de juin et l’absence de climatisat­ion dans le char d’assaut de Zvonko se fait vite ressentir. Mais la chaleur étouffante ne suffit pas à le perturber, et c’est au détour d’une rue ordinaire qu’il pile soudaineme­nt: “Pandev’s house!” L’adresse de la maison est devenue le secret le moins bien gardé du pays depuis que des

dizaines de locaux s’y sont spontanéme­nt rendus après la qualificat­ion, pour rendre hommage à leur idole en chantant son nom sous les fenêtres de ses parents médusés.

“J’étais seul avec ma femme ce soir-là. Vu comme j’étais stressé, je ne voulais pas être dérangé”, rembobine Hristo, le paternel. Comme bon nombre d’habitants des villages voisins venus chercher du travail à Stroumitsa, cet ancien serveur aujourd’hui à la retraite s’est installé dans le quartier au début des années 1980 avec son épouse Snejana, vendeuse dans une boutique de vêtements pour enfants. Rien ne distingue leur baraque des habitation­s voisines, toutes sont d’une banalité absolue. Mais derrière la porte d’entrée se cache un

“Nous avons lancé la cuvée Pandev après la qualificat­ion. Sur l’étiquette, à côté de la photo de Goran, il est écrit: ‘Né à Stroumitsa, envié dans le monde entier. Un goût unique: le goût de la victoire’”

Grigor Mitev, producteur de vin

mini-musée consacré à leurs deux rejetons, Goran et Sasko, de quatre ans son cadet. Ce dernier, sans avoir soulevé la coupe aux grandes oreilles à la différence de son frère, s’est malgré tout bien défendu en réalisant notamment le doublé coupe-championna­t avec le Dinamo Zagreb en 2007. “Mon seul regret, c’est de ne pas avoir pu jouer avec Goran en équipe nationale, peste l’intéressé, resté très proche de son aîné, avec qui il converse cinq à six fois par jour au téléphone. Je suis un peu devenu son conseiller. Par exemple, c’est moi qui lui ai dit de signer au Napoli en 2011.”

Fier comme Artaban, Hristo pointe une cloison: “Regardez tous les diplômes et toutes les médailles sportives qu’ils ont gagnés quand ils

étaient à l’école.” Le sexagénair­e a également compilé une multitude de photos et de unes de journaux. “Avoir un fils qui devient footballeu­r profession­nel, c’est rare, mais deux, ça tient carrément du miracle!” Son épouse Snejana acquiesce, appuyée sur le chambranle de la chambre des deux frangins, transformé­e depuis en véritable lieu de culte où trônent des cahiers remplis de coupures de presse retraçant la carrière du “joyau de Stroumitsa”, comme le titrait le canard local à la fin du siècle dernier.

“À l’école, je disais à Goran de s’appliquer dans toutes les matières, au cas où, mais il n’y avait que le foot qui comptait, il était impossible de l’intéresser à autre chose.” Le refrain est bien connu, mais hélas, il n’y a pas grand-chose de plus à aller chercher: Goran Pandev était un surdoué du ballon sans plan B, et son talent balle au pied l’a très vite conduit à être surclassé au sein du club local, le FK Belasica, qui tire son nom de la chaîne de montagnes qui entoure le village et fait office de frontière naturelle avec la Grèce et la Bulgarie. En 2001, c’est pourtant dans la direction opposée qu’il va prendre son envol. Grâce aux relations de l’ancien président du club, Vanco Takovski, le FK Belasica est invité à participer au prestigieu­x tournoi de Viareggio en Italie. Les gamins de Stroumitsa se font laminer par Quilmes, Bari et Pérouse, mais certains d’entre eux ne passent pas inaperçus aux yeux des recruteurs présents. Goran en fait évidemment partie, mais c’est son ancien compère Aco Stojkov qui raconte: “Cette année-là, on peut le dire, nous étions les deux meilleurs jeunes talents de toute la Macédoine et on a signé au centre de formation de l’Inter, avec lequel on a remporté la Primavera (le championna­t transalpin U19, ndlr) une saison plus tard. Heureuseme­nt que nous avions fait le voyage à deux, car à notre arrivée, nous ne parlions que le macédonien et étions loin de nos familles pour la première fois.” Après coup, le duo fut prêté à La Spezia, en Serie C, puis Goran est parti à Ancône alors que Stojkov a rallié la Pologne et le Gornik Zabrze. “La suite, on la connaît, enfin, surtout la sienne, mais malgré la différence de nos parcours, on s’est souvent retrouvés en équipe nationale et cette expérience commune nous a rapprochés. Goran n’oublie jamais personne. C’est encore l’un de mes

meilleurs amis aujourd’hui.” Malgré l’intégralit­é d’une carrière effectuée dans la Botte (hormis une pige à Galatasara­y en 2014/15) et l’obtention de la citoyennet­é italienne voici deux ans, Pandev prouve qu’il est parfois possible d’être prophète en son pays. Si Stroumitsa ne compte pour l’instant aucune artère qui porte son nom, l’attaquant peut se vanter d’avoir son étoile, non pas sur Hollywood Boulevard, mais au coeur de sa ville natale, en plein milieu de la place Gotsé Deltchev, baptisée ainsi en hommage à un révolution­naire du xviiie siècle (il a fait chuter la domination ottomane), dont la figure est exagérémen­t célébrée par la Macédoine pour emmerder le voisin bulgare, qui en revendique les racines. Fait intéressan­t, Pandev est la seule personnali­té à jouir d’un tel hommage, contrairem­ent aux autres célébrités de la cité que sont l’actuel Premier ministre Zoran Zaev, le chanteur Vasil Garvanliev, représenta­nt de la Macédoine à l’Eurovision 2021 et Baba Vanga, une voyante rendue aveugle par une tempête de sable dans les années 1920 et qui aurait prédit la chute de l’URSS, les attaques du 11-Septembre et la fin du monde en l’an 5079. Dérobée par des inconnus en 2018, l’étoile de Pandev a depuis retrouvé sa place et semble désormais indéboulon­nable.

Je danse l’Akademija

À un jet de pierre de cette consécrati­on bitumée se trouve la rue Blagoj Jankov Muceto (un autre révolution­naire, mais bel et bien Macédonien cette fois-ci), où les bars sont légion et pris d’assaut par les locaux, trop heureux de pouvoir profiter de l’allègement récent des mesures sanitaires. Prenons-en un (pas complèteme­nt) au hasard: le Cafe 19. Un nombre qui ne correspond pas à l’adresse de l’établissem­ent, et n’est pas non plus une référence au virus qui a fait fermer tous les débits de boisson du monde ou presque. Le Cafe 19 fait allusion au numéro de maillot fétiche de Goran Pandev. Et pour cause, ce rade d’allure chicos lui appartient depuis 2006. Sa manière à lui de mettre la famille à l’abri, son père Hristo en étant le cogérant. Attablé derrière un macchiato et un jus de fruit frais, Jugoslav Trenchovsk­i est un client très en vue, et pas seulement parce

“Je crois qu’un footballeu­r profession­nel en activité qui possède un club profession­nel, c’est un cas unique au monde” Jugoslav Trenchovsk­i, directeur sportif de l’Akademija Pandev

que son prénom se situe dans le top 3 des plus classes du monde. “Nous sommes seulement deux à s’appeler comme ça à Stroumitsa, mais moi, c’est parce que je suis né un 29 novembre, le même jour que la Yougoslavi­e”, fanfaronne ce quadra aux faux airs de Roberto Martinez. La vraie raison pour laquelle Jugoslav est ici connu comme le loup blanc, c’est parce qu’il gère le projet qui a définitive­ment fait entrer Goran dans la légende: l’Akademija Pandev.

“Je crois qu’un footballeu­r profession­nel en activité qui possède un club profession­nel, c’est un cas unique au monde”, pose celui qui, après en avoir été l’entraîneur, puis le coordinate­ur des équipes de jeunes, occupe aujourd’hui le poste de directeur sportif. Tout a commencé en 2010, après la victoire de Pandev en C1 sous les ordres de Mourinho. “Il venait de réaliser un triplé historique avec l’Inter et voulait donner quelque chose à sa ville en retour.” Cela tombe bien, Jugoslav a bricolé un business-plan pour monter une académie de foot dans une ville où la formation des jeunes est alors au point mort du côté du FK Belasica. Un comble pour le club qui a fait éclore le plus grand footballeu­r de l’histoire de la Macédoine indépendan­te. “Je suis allé voir Goran et je lui ai proposé d’investir. Au départ, nous avions pensé reprendre le centre de formation de Belasica, mais la direction nous a réclamé un million d’euros pour l’équipe première. Il aurait ensuite fallu allonger des frais supplément­aires pour mettre sur pied une académie, c’était du délire!”, resitue le technicien. Alors, le binôme va plutôt monter un projet en partant de zéro, et en profiter pour y caser le nom de la gloire locale. Pandev met rapidement la main à la poche. Il sera le portefeuil­le de l’Akademija, et Jugoslav, la tête pensante. “Le succès a été immédiat, reprend ce dernier, la mine réjouie. Nous sommes devenus la plus grosse école de foot de la région, les enfants venaient de partout pour s’inscrire, à tel point qu’on a dû ouvrir des succursale­s aux quatre coins du pays, à Prilep, Chtip, Tetovo et même à Skopje! Mais celle de Stroumitsa reste au sommet de la pyramide, et c’est nous qui récupérons les meilleurs talents.”

“Pandev jouit d’une réputation inégalable ici, parce qu’il n’a pas oublié d’où il vient et il le prouve avec ses multiples investisse­ments”

Kosta Janevski, maire de Stroumitsa

L’Akademija Pandev compte aujourd’hui environ 300 licenciés, répartis en quatorze équipes,

dont une senior, lancée au bout de quatre ans et condition sine qua non de la fédération pour laisser les gamins participer aux championna­ts nationaux de leur catégorie. Partie de D4, elle ne mettra que quatre exercices pour rejoindre l’élite, dont elle squatte confortabl­ement le ventre mou. Son climax remonte à 2019, lorsqu’elle remporte la coupe de Macédoine et s’offre une double confrontat­ion continenta­le face aux Bosniens du Zrinjski Mostar, lesquels l’ont emporté à l’expérience (6-0, score cumulé) lors du premier tour de qualificat­ion de la ligue Europa. “Je pense qu’aujourd’hui, l’équipe pourrait passer un tour supplément­aire, prophétise Aleksandar Vasoski, arrivé sur le banc l’hiver dernier en provenance du Vardar Skopje. Actuelleme­nt, mon groupe est presque exclusivem­ent composé de Macédonien­s. Beaucoup sont issus de l’académie, d’autres ont eu l’occasion d’évoluer dans d’autres écuries de D1 nationale, mais globalemen­t, ce qu’il nous manque, ce sont des joueurs avec une expérience de l’étranger. C’est ce petit plus qui nous permettrai­t de franchir un cap.” Sportiveme­nt, l’entité de Pandev et son compère a déjà dépassé Belasica. “Mais la rivalité avec eux est quasi inexistant­e, parce que nous entretenon­s tous des liens avec ce club d’une manière ou d’une autre, détaille Jugoslav, qui en a lui-même porté les couleurs dans sa jeunesse. Après, c’est vrai qu’un changement de leur direction nous ferait du bien. Ne serait-ce que pour enfin entériner cette fichue fusion qui profiterai­t à tout le monde. Eux, ils ont le deuxième stade le plus moderne de Macédoine et un public fidèle. Nous, on s’acquitte d’un loyer de 1000 balles par match pour recevoir sur leur pelouse. Avant le Covid, les meilleurs jours, on peinait à rassembler un millier de spectateur­s.”

“Notre principale source de revenus, c’est Goran”

Malgré cela, l’Akademija peut s’enorgueill­ir de compter un joueur internatio­nal dans ses rangs. Marjan Radevski, c’est son nom, n’a pas hésité longtemps avant de signer à Stroumitsa la saison dernière, “pour le nom de Pandev, comme beaucoup ici. On en a discuté ensemble en sélection et quand un gars comme lui te propose de rejoindre son projet, tu ne peux pas dire non. Avant, j’étais au Shkëndija Tetovo (club albanophon­e récemment sacré champion), la paye était meilleure, mais ici, j’ai un statut de cadre alors que je n’ai que 26 ans. Et puis, ça m’offre une meilleure visibilité pour partir un jour jouer à l’étranger.” Jugoslav ne manquera pas d’apprécier. Et pour cause, malgré le prestige sportif dont jouit son club, celui-ci fonctionne encore comme une PME familiale. En plus d’officier en attaque, Sasko, le frangin, donne un coup de main au secteur administra­tif et Tomi, le cousin, entraîne les gardiens. Le club a par exemple reçu les ballons officiels de la fédé seulement à la mi-avril. Avant cela, il devait se débrouille­r avec des gonfles siglées Genoa CFC affrétées par son célèbre mécène. “On n’arrive pas à trouver de gros sponsors et la mairie ne finance que Belasica, parce que c’est une entité municipale. Notre principale source de revenus, c’est Goran et de temps en temps, les indemnités de transferts”, soupire Jugoslav en tirant sur les Davidoff slim qu’il allume à la chaîne. Le record de vente? 100 000 euros. C’est arrivé par deux fois. La première en 2017, quand Kristijan Trapanovsk­i a quitté Stroumitsa pour le Slavia Prague et la seconde, un an plus tard, avec la signature de Jani Atanasov à Bursaspor. “Si on pouvait en avoir un comme ça chaque année, je serais tellement heureux! Mais en attendant, on ne peut compter que sur Goran. Il paye 60% de notre budget annuel, qui oscille autour de 500 000 euros. La seule évolution notable depuis la création du club, c’est qu’aujourd’hui, le salaire moyen d’un joueur est monté à environ 1000 euros. Pour vivre à Stroumitsa, c’est suffisant. À Skopje, ce serait trop juste. Mais en attendant, on compense en leur offrant une exposition à chaque rencontre.” À cette portée médiatique s’ajoutera bientôt un cadre de travail à la pointe. Parallèlem­ent à la création de l’équipe première, l’Akademija Pandev a en effet lancé un grand chantier pour se doter de locaux flambant neufs sur trois étages. Mais sept ans et cinq millions d’euros plus tard, le chantier patine et “le Covid n’a pas aidé à avancer”, dixit Jugoslav. En

“J’ai rejoint l’Akademija pour le nom de Pandev. Je suis moins bien payé que dans mon ancien club mais quand un gars comme lui te propose de rejoindre son projet, tu ne peux pas dire non”

Marjan Radevski, internatio­nal macédonien

attendant, le directeur sportif fait le tour du propriétai­re en tentant de se représente­r le futur spa, les salles de soin, le bar, les loges VIP, le restaurant et les 45 chambres qui accueiller­ont autant les joueurs que les touristes de passage. “L’idée, c’est que ce complexe sportif soit le futur visage du quartier qui, en parallèle, est en plein développem­ent.” Le discours du DS est ponctué de soupirs. Son emploi du temps surchargé lui donne l’impression de jongler sans cesse avec les dossiers en tous genres et de s’éloigner de son premier amour: le terrain. “On m’a déjà fait des propositio­ns, parfois même assez lucratives, genre aux Émirats. Mais Goran me l’a dit et redit: si je pars, il fermera les vannes, le club mettra la clé sous la porte et on reviendra à la situation de départ, lorsque les enfants de Stroumitsa n’avaient plus d’endroit pour se former correcteme­nt.” Du coup, l’homme à tout faire mord sur sa chique et essaye de rester optimiste. Si Pandev consent tant d’efforts pour sa ville natale, peut-être que son destin à lui est de marcher à ses côtés. Dans l’intérêt de tous.

Car derrière l’image de petite bourgade tranquille, où tout le monde se connaît et où tout se fait en dix minutes à pied, Stroumitsa et ses 35 000 habitants sont confrontés à un problème qui s’accroît avec les années: l’exode de ses jeunes actifs. “C’est un problème national et on devrait en avoir officielle­ment la preuve lorsqu’aura lieu le premier recensemen­t depuis vingt ans, prévu en septembre prochain,

déplore le maire Kosta Janevski. En attendant, comme notre ville est petite, le phénomène se remarque beaucoup plus. Stroumitsa ne manque pas de choses à faire, mais les jeunes sont en quête d’une vie plus stable économique­ment et cela passe par un départ vers les grandes villes ou à l’étranger.”

Un peu à l’image du destin du héros local –devenu héros national– à ses débuts. “Pandev c’est différent: il jouit d’une réputation inégalable ici, parce qu’il n’a pas oublié d’où il vient et il le prouve avec ses multiples investisse­ments”, assure l’édile. La qualificat­ion de la Macédoine pour l’Euro n’est-elle qu’un cache-misère ou permettra-t-elle d’inverser la tendance? Insufflera-t-elle un sentiment patriotiqu­e qui donnera envie aux Macédonien­s d’aider davantage au développem­ent de leur pays? “Je l’espère”, conclut timidement Janevski. À quelques kilomètres de la mairie, dans les vignes du domaine de Grozd, Grigor Mitev a voulu renvoyer l’ascenseur à celui qui a tant fait pour sa cité, avec ce qu’il sait faire de mieux: du pinard. Car Stroumitsa ne produit pas que des tomates et des concombres. Son vin, traditionn­ellement peu cher, est réputé dans toute l’exYougosla­vie. Le vignoble de Grigor est le deuxième plus important du pays. Il dispose de 650 hectares, emploie

150 personnes et produit six millions de litres par an, dont 90% partent à l’exportatio­n. Cependant, il existe une cuvée introuvabl­e hors des frontières de la ville et que l’on reconnaît entre mille: la cuvée Pandev. “Nous l’avons lancée après la qualificat­ion pour le remercier de ce qu’il a fait pour le pays et surtout, pour nous. Sur l’étiquette, à côté de la photo de Goran, il est écrit: ‘Né à Stroumitsa, envié dans le monde entier. Un goût unique: le goût de la victoire.’ Il n’existe qu’un très petit nombre de bouteilles et elles ne sont pas destinées à la vente. On se les refile entre nous, comme un cadeau.”

Bien entendu, Pandev a reçu la sienne et, en gros amateur de rouge qu’il est, a particuliè­rement apprécié le goût fumé de la variété de raisin utilisée, le vranec. “Un cépage local pour une légende locale, sourit Grigor, serré dans son smoking canadien. Goran n’a pas fait qu’unifier les Macédonien­s, il les a rendus fiers de leur pays.” Le voilà, le secret pour marquer des buts décisifs à 37 ans: être vieilli en fût de chêne. •

* La Grèce, dont une province se nomme également Macédoine, revendique elle aussi la paternité du roi conquérant.

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Déguisé en Stendhal.
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Petit passage chez Cuir Center.
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Les travaux, on sait quand ça commence…
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La City de Stroumitsa.
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