So Foot

Bouli Lanners.

Il a réalisé Les Premiers, les Derniers, mais exècre le principe même de compétitio­n. Le metteur en scène belge Bouli Lanners n’est pas à un paradoxe près, et prouve qu’il n’y a pas besoin d’aimer le foot pour en parler.

- PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-VIC CHAPUS ET NOÉMIE PENNACINO / PHOTO: RENAUD BOUCHEZ POUR SO FOOT

Le cinéaste belge n’en a rien à carrer de l’Euro qui vient.

bTu supportes quel club? Je n’aime vraiment pas le foot, mais je suis toujours fan et supporter du Football Club Liégeois (désormais appelé Royal Football Club de Liège, ndlr).

Et non du Standard. Il y a deux clubs à Liège: l’initial, l’original, qui est le Football Club Liégeois, matricule numéro 4, c’est-àdire que c’est le quatrième club enregistré au xixe siècle ; duquel a émergé le Standard, qui n’est qu’une excroissan­ce, un furoncle. Et donc, mon club, le Football

Club Liégeois –rouge et bleu, mais qui se dit “Sang et Marine”, ce qui est quand même beaucoup plus classe que “les Rouches”– a connu une descente aux enfers qui a duré 30 ans. Ça correspond tout à fait à ce que j’ai vécu dans ma vie. Il a été champion de Belgique dans les années 30, 50, 60, et puis a connu des problèmes financiers à cause de magouilles. Il a perdu son stade, et s’est donc retrouvé à poil, comme moi, sans maison, à vivre dans le stade d’un autre club, le club de Seraing. Et malgré sa descente en division 2, puis en division 3, puis en Promotion –nous avons joué contre des villages, je sais pas si tu te rends compte, c’est comme si le PSG jouait, et perdait, contre un petit bled du Périgord–, il n’a jamais perdu ses supporters. Les mecs ont gardé la foi. Je suis fidèle à mon club, parce que c’est du foot à l’ancienne, comme dans les films de Ken Loach. Ce sont les supporters qui ont construit la buvette, qui financent les vêtements, les écharpes, tout ça. Du coup, quand tu vas voir un match, t’as un vrai truc familial. T’es pas dans un club financé par les Qataris, quoi.

L’Euro approche, la Belgique fait partie des favoris. Tu supportes aussi l’équipe nationale? Non, je m’en fous, franchemen­t.

J’ai une aversion totale pour la compétitio­n. Pas l’Euro, le principe de compétitio­n. C’est pour ça que les César, les Magritte et tout ça, j’en ai rien à foutre.

J’ai été mis en compétitio­n toute ma vie, on m’a toujours comparé, et j’ai toujours été du mauvais côté de la balance, donc je ne supporte pas. Mais je participe à la liesse populaire, parce que ça, je trouve que c’est important: communier tous ensemble à travers quelque chose. Le seul truc qui m’a fait chier à la dernière coupe du monde, c’est pas le fait que nous, Belges, ayons perdu, mais que le fait vous ayez gagné. Parce que nous, la Belgique, on a l’habitude de perdre, mais ça nous énerve, après toutes ces années de blagues belges, de voir les Français gagner. Ce jour-là, on a fait un très mauvais match contre vous, mais vous n’avez pas mérité de l’emporter, vous avez joué comme des merdes. Ça m’a fait vraiment chier, et ça me fait encore chier maintenant.

C’est donc ça, le seum belge? Ouais.

Tu attends l’Euro avec impatience pour prendre ta revanche? Non, non. La coupe du monde, passe encore… Mais l’Euro, non. C’est pas la même chose. La coupe du monde, ça reste un truc totalement à part. En revanche, celle de 2022, je ne la regarderai pas. Je ne peux pas cautionner ça. Ma filleule a explosé dans les attentats de Bruxelles. Quand tu sais que le Qatar fait partie de ces pays qui mettent une partie de l’argent dans le financemen­t du djihadisme (Le Qatar a plusieurs fois été publiqueme­nt soupçonné de laxisme en matière de lutte antiterror­iste, mais il s’agit d’accusation­s que l’état gazier réfute fermement) et une autre partie dans le football, pour faire de la séduction à travers le sport dans les pays occidentau­x… Non, je ne peux pas accepter, ils ne saluent pas les femmes arbitres, il y a je ne sais pas combien de centaines de mecs qui sont morts comme des esclaves pour construire les stades… Là, on touche aux limites du foot. À un moment, il faut savoir dire stop.

“Le jour de la demi-finale du mondial, on a fait un très mauvais match contre vous, mais vous n’avez pas mérité de l’emporter, vous avez joué comme des merdes”

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Doggystyle.

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