So Foot

Faruk Hadzibegic

QUART DE FINALE DU MONDIAL 1990 ARGENTINE-YOUGOSLAVI­E (0-0, PUIS 3-2 AUX TAB)

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Je n’ai pas mis ce penalty de côté, j’y repense encore. C’est un fait de match, un accident qui va me suivre jusqu’à ma mort. Aujourd’hui, j’aborde tranquille­ment le sujet parce qu’en fait je vis avec ce penalty comme une chemise que je mets tous les jours (sourire). Parfois, il m’arrive encore de me dire: “Purée, tu t’es raté. Tu es allé en quart de finale, tu aurais pu aller en demie, voire en finale!”, mais ça passe au bout de 15-20 secondes. On méritait vraiment d’aller dans le dernier carré: on a fait un match exceptionn­el contre l’Argentine de Maradona, Caniggia, Burruchaga, et tout ça avec un joueur en moins, puisqu’on a eu un carton rouge au bout de 30 minutes. Les tirs au but, ce n’était pas quelque chose qui me faisait peur, j’étais habitué puisque c’était moi qui les tirais à Sochaux et en équipe nationale. En poules, j’avais raté un penalty contre la Colombie, mais je n’y ai pas repensé face à l’Argentine. Mon coéquipier Safet Susic est venu me voir et m’a demandé si je voulais en prendre un, et j’ai dit oui, parce qu’il n’y avait pas tellement de candidats. Psychologi­quement, je n’ai pas ressenti de pression particuliè­re. Comme j’étais dans une sorte d’état second, je n’ai pas vraiment réfléchi à ce qui allait se passer si je marquais ou pas. Mais ce jour-là, j’ai oublié un détail: Gaby Calderon, avec qui j’avais joué au Betis Séville, connaissai­t parfaiteme­nt la manière dont je tirais, et il avait fait passer le mot à Goycochea… Je me suis repassé une dizaine de fois mon tir par la suite, regardez vous-même: je l’ai bien tiré! Sauf que le gardien a été meilleur que moi… Dans la foulée, j’ai vu tous les joueurs argentins faire la fête. J’étais déçu, fâché contre moi-même. J’ai pensé à Safet Susic: “Mais pourquoi tu m’as demandé de le tirer alors que j’en avais raté un contre la Colombie?!” (Rires.) Quand vous êtes footballeu­r et que vous marquez un but, ça s’oublie beaucoup plus vite qu’un penalty raté. Un penalty raté a une conséquenc­e négative. Certains supporters de foot d’ex-Yougoslavi­e disent que celui que j’ai loupé a causé la guerre au pays, mais je ne pense pas qu’il ait eu autant d’influence… C’est vrai qu’une victoire de notre équipe à la coupe du monde aurait pu apaiser les tensions, mais provisoire­ment.

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