Society (France)

Une gars, une histoire.

En deux ans, l’américain William Reid a réussi à se nourrir en ne dépensant que… 5,50 dollars. Adepte de la multiplica­tion des pains? Pas vraiment. Juste un type qui s’est mis à fouiller dans les poubelles de supermarch­é pour y découvrir des merveilles.

- – THOMAS CHATRIOT

William Reid, gastronome pingre.

dollars, soit 5,20 euros. Ou le prix d’un grec dévoré en quelques minutes sur un coin de table huileux. Sauf qu’avec cette somme exactement, William Reid, un jeune homme de 28 ans, a réussi à tenir deux ans. Comment? En vivant principale­ment d’invendus. “Tu n’imagines même pas ce que tu peux trouver dans les poubelles des grandes surfaces, déroule cet ancien étudiant en cinéma à l’université de Washington D.C. Tant au niveau de la bouffe que du reste. Une fois, je me suis même dégoté un paquet de 30 rouleaux de papier toilette complèteme­nt intact. Une folie.” L’homme précise tout de suite qu’il n’a pas de problèmes d’argent. Il est documental­iste –“Une sorte de bibliothéc­aire, mais en moins bien payé”– à la bibliothèq­ue publique de Washington, et donc salarié. “Les gens s’imaginent que je devais être dans une situation financière désastreus­e pour me mettre à fouiller dans les poubelles. Mais non, je suis juste un type normal qui a voulu tenter un truc.” Cet étrange projet trouve sa genèse un jour d’août 2014. Lors d’une action de récolte de dons de nourriture pour l’associatio­n Food Not Bombs dans laquelle il est bénévole, un des types qu’il croise lui promet qu’il est possible de manger “comme un roi” sans dépenser un sou, juste en fouillant les poubelles à l’arrière des grandes surfaces. Intrigué, William attend la fin de la journée et file vers le supermarch­é le plus proche. Surprise! il découvre que son interlocut­eur disait vrai. “Je me suis rendu compte que ces mêmes enseignes qui nous faisaient des dons quelques heures plus tôt, une fois le soir venu, jetaient des tas de trucs dans leurs bennes. Des choses que nous aurions pu récupérer.” L’idée lui vient alors de tenter l’expérience de se nourrir exclusivem­ent grâce aux gaspillage­s des commerces du coin.

L’empire de la pourriture

En deux ans, l’impact sur son alimentati­on, dit William, a été réel, bien que marginal. Ainsi, cette aventure l’a poussé à devenir vegan, surtout “parce qu’un steak à l’air libre se conserve moins longtemps qu’une laitue”. Autre chose? “Si tu te lèves avec une envie de curry, bon, tu ne vas pas en trouver à tous les coins de rue. Mais il faut savoir être patient. Tout ne nous est pas dû. On a tendance à l’oublier avec la consommati­on de masse.” Aujourd’hui, William Reid est revenu à sa vie d’avant. Enfin, presque. S’il reconnaît s’être remis à dépenser de l’argent de temps en temps, il précise que 40% de sa nourriture provient encore d’invendus. En vrai, cette expérience l’a tellement marqué qu’il a décidé d’en faire un combat. Le documental­iste placide donne aujourd’hui des conférence­s sur le gaspillage dans des université­s. Il est également en train de finaliser un documentai­re, Trash Empire, basé sur son mode de vie, et qui devrait être prêt pour fin mai. Une version plus light du Super Size Me de Morgan Spurlock, lequel avait documenté ses longs mois passés à se nourrir exclusivem­ent de Mc Donald’s. “Dans mon film, ça parle aussi d’un régime original, mais les conséquenc­es sur la santé sont différente­s”, plaisante William. Néanmoins, lui aussi en vient parfois à se poser la question de l’engagement politique. Aux États Unis, 40% de la production alimentair­e est en effet gaspillée chaque année, ce qui représente environ 35 millions de tonnes de nourriture. À titre de comparaiso­n, en France, le taux de gaspillage –déjà élevé– est de 18%, soit 10 millions de tonnes. “Il y a une réelle question de société là-dessous, argumente Reid, qui pointe qu’un Américain sur sept ne mange pas à sa faim.” Reste une question: ces 5,50 dollars, au fait, il les a dépensés pour quoi? “Oh, s’amuse-t-il. Une boîte de céréales Chex Mix et une barre protéinée. C’est pas vraiment de la vraie nourriture, alors ça ne compte pas!”

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