Society (France)

Prenez acte de votre défaite, mais n’insultez pas l’avenir

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“Ne donnez pas l’impression que je me retire à jamais” Le général de Gaulle à son secrétaire particulie­r, Claude Mauriac, en 1946

L’expression “traversée du désert” tire ses origines de la Bible avec l’épisode de l’exode. Elle est aussi utilisée chez les musulmans pour évoquer le départ de Mahomet de La Mecque vers Médine. Certes, vous n’avez pas prévu d’écarter les eaux de la mer Rouge pour mener votre peuple ou fonder une nouvelle religion avec une poignée de fidèles, mais cette défaite aux législativ­es contre un député En marche! –pourtant pas à son aise dans ce débat sur France 3 Régions– vous accorde plus de temps libre que prévu. Peut-être est-ce le moment alors de prendre un peu de recul par rapport à la politique. Et puis, c’est bien connu, de Napoléon à Mitterrand, la France aime les comeback. Avant de revenir, sachez néanmoins qu’il faut savoir partir. Le retrait oui, la désertion non. Évitez ainsi toute formule trop définitive, tel Lionel Jospin au soir du 21 avril 2002 (“J’en tire les conclusion­s, en me retirant de la vie politique”), ou un au revoir trop sec à la Giscard en vous levant de votre chaise. Acceptez plutôt la défaite, rappelez votre attachemen­t au pays et au nom de ce lien, gardez-vous une porte de sortie. C’est ainsi qu’avait procédé Nicolas Sarkozy en 2012. “Sur les conseils d’alain Juppé”, glisse sa conseillèr­e Véronique Waché, l’ancien président avait su ménager le futur en déclarant: “Je resterai l’un des vôtres [...] ; les épreuves, les joies, les peines ont tissé entre nous des liens que le temps ne distendra jamais.” Spécialist­e du genre avec trois traversées à son palmarès (1995, 1999, 2012), le Stéphane Peterhanse­l de la droite n’hésitait pas non plus à citer Nietzsche alors qu’il incarnait la figure du traître après la défaite de Balladur, en 1995: “Ce qui ne me tue pas me renforce.” Une façon de rappeler qu’un peu de lyrisme ne fait jamais de mal. Il s’agit également d’affronter l’épreuve avec dignité, tout en montrant qu’elle vous touche car vous êtes un être humain, après tout. Surtout quand elle prend les contours d’une décision judiciaire. Quand Alain Juppé est condamné en 2004, il offre son corps sacrificie­l pour protéger son patron, prend congé de la présidence de L’UMP, enfile ses Moon Boots et part affronter l’hiver québécois, meurtri mais droit: “Je m’éloigne de la vie politique pour faire la paix en moi-même, après la tourmente que je viens de traverser.” Puis le fils préféré de Jacques Chirac de préciser: “Je n’ai pas du tout l’intention de remonter sur mon cheval comme si rien ne s’était passé et de partir à la bataille comme si de rien n’était.” Ça ne mange pas de pain, et ça peut servir: deux ans plus tard, la Juppe revenait ni vu ni connu reprendre sa place à la mairie de Bordeaux, avant de tenter l’aventure de la présidenti­elle cette année.

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