Lisez, voyagez, réfléchissez, parce qu’il “n’y a pas que la politique dans la vie”
“Il va falloir réfléchir, voyager, écouter de la belle musique. Bref, donner du temps au temps” François Mitterrand en 1958, après sa défaite aux législatives
“Solitude, réflexion et introspection.” En trois mots et un message sur Facebook, et après un quinquennat de ministère, Najat Vallaud-belkacem acte son retrait de la vie politique le 8 juillet dernier. Même à 39 ans, on n’est jamais trop jeune pour se retirer sur l’aventin. “Dans une traversée du désert, il y a d’abord une période de recroquevillement, théorise Françoise Degois, ancienne conseillère politique de Ségolène Royal. Vous faites le ménage autour de vous, vous ne voulez plus voir votre entourage, sur lequel vous rejetez un peu votre défaite.” Autrement dit: il est temps de vous retrouver avec vous-même. Surtout quand vous êtes passé(e) en quelques semaines de ministre de l’intérieur à candidat(e) battu(e) dès le premier tour aux législatives, comme Matthias Fekl. “Il se repose, il s’occupe de sa famille et se recentre sur lui”, confie un de ses proches. Après des années d’une existence de représentant de commerce, le nez dans les dossiers, il est temps de dire oui à la vie et à ces petits moments de plaisir qu’elle offre. Après la victoire d’aubry au Congrès de Reims en 2008 face à Royal, cette dernière –qui parle aujourd’hui de “vol de la direction du PS”– développe une passion soudaine pour l’opéra et “se remet au tennis et la gym”, évoque Degois. Nicolas Sarkozy, lui, s’était mis à “jogger, nager et pédaler tous les jours après 2012”, souffle Waché. Moins sportif, Alain Juppé a néanmoins su savourer les joies simples de son séjour canadien. L’homme froid, “Amstrad” comme on le surnommait au RPR dans les années 90, s’émerveille d’un dîner en terrasse à Montréal, arpente le Grand Nord, déneige le perron de sa villa d’outremont. “Il faisait aussi réviser ses filles, allait faire ses courses, conduisait sa propre voiture”, se souvenait en 2016 son ami Édouard Philippe, pas encore Premier ministre. Profitez aussi de ce temps suspendu pour lire enfin ces livres offerts à Noël qui s’empilent sur votre table de chevet depuis trop longtemps:
c’est toujours bien vu au pays de Hugo et Chateaubriand. “Quand vous dirigez un parti politique comme Jean-françois Copé, vous avez des journées de quinze heures, vous n’allez pas forcément vous jeter sur Guerre et Paix le soir”, indique un collaborateur du maire de Meaux. En “diète médiatique” de juin 2014 à janvier 2016, Copé prend carrément la plume pour réfléchir aux problèmes du pays et lui offrir son livre, Le Sursaut français. Entre la thérapie personnelle, l’autobiographie et un diagnostic sur l’état de la France, l’écriture est, de fait, le passage obligé de toute bonne traversée du désert. Bien sûr, vous ne disposez peut-être pas d’un matériel biographique aussi riche que celui du Général dans ses Mémoires de guerre. Mais pas de panique! Vous pouvez très bien opter pour un mode épistolaire. C’est ce qu’avait fait Nicolas Sarkozy à l’été 1995. Alors paria du RPR, Sarko soigne son spleen en écrivant des lettres fictives où il asticote la droite (Chirac, Bayrou, Juppé, luimême, etc.) sous le nom de Mazarin. Ses Lettres de mon château seront publiées dans Les Échos, alors dirigés par son ami Nicolas Beytout. Avec un peu moins de 5 000 exemplaires de son livre vendus, Jean-françois Copé estime avoir connu un petit succès de librairie –ce qui est discutable. Mais ne vous embêtez pas avec les ventes: l’essentiel est ailleurs. “Quand Hollande sort Droit d’inventaires en 2009, tout le monde s’en fout”, rappelle Degois. Et alors? C’est surtout l’occasion, pour l’ancien premier secrétaire du PS, l’artisan des synthèses de fin de congrès, d’apparaître comme un homme qui réfléchit et “renouvelle son logiciel”. Enfin, comme le futur président qui a enchaîné les allersretours entre Paris et Tulle, “dans une chambre de bénédictin qu’il occupait dans sa permanence”, dixit son ami Bernard Poignant, n’hésitez pas à profiter de votre temps libre pour faire chauffer la carte Grand Voyageur. Au plus bas dans les sondages en 1994, Jacques Chirac était parti sillonner la France et ses régions, à la rencontre des citoyens. Cela lui avait permis de soigner son image d’agité. En 1961, François Mitterrand, lui, s’était carrément envolé pour la Chine, où il avait rencontré Mao. Le Grand Timonier –qui s’y connaissait un peu en traversée du désert– lui avait glissé à l’oreille: “Vous savez que nous sommes patients. On ne veut pas de nous ici ou là? Nous pouvons attendre, dix, vingt, cent ans… Le temps est notre allié.” Vingt ans plus tard, Tonton devenait président.