Society (France)

Marty, le contrat de confiance

Jordan Samper vit comme le héros de Retour vers le futur. Sans voiture volante, mais avec tout le reste.

- – JULIE CATEAU / ILLUSTRATI­ON: HECTOR DE LA VALLÉE POUR

Pour aller travailler, surtout le samedi, car cela lui donne du courage, Jordan Samper, 37 ans, enfile parfois sa veste en jean, sa doudoune rouge, son jean Guess épais et sa paire de Nike. Ainsi vêtu, il ressemble en tout point à Marty Mcfly, le héros de Retour vers le futur. Si besoin, il peut pousser le mimétisme encore plus loin. Dans sa salle de bains, il y a la montre de Marty. Dans sa penderie blanche, face à son lit, en plusieurs versions, la casquette holographi­que de Marty. Jordan a aussi tous les skateboard­s de Marty. “C’est tout un univers”, dit-il dans un sourire. Jordan est un fan absolu de Retour vers le futur. C’est en 1989, un dimanche soir après le dîner, dans l’appartemen­t familial de Poissy, avec ses parents et sa soeur, qu’il découvre la trilogie. Il a alors 9 ans. Une révélation. “À l’époque, c’était hypernovat­eur. J’étais fasciné par la scène où Marty est dans la voiture volante.” Jordan repère surtout la paire de chaussures du héros: des Nike Mag gris clair, très hautes, autolaçant­es, avec des LED aux talons. Mais elles sont hors de prix. Sa mère finit par lui offrir, en soldes, des Jordan 7 Hare, un modèle approchant. “Il fallait absolument que je les voie pour m’endormir et le matin quand je me levais”, se souvient-il. Désormais trentenair­e, il avoue que “c’est toujours comme ça aujourd’hui: quand [il a] une nouvelle paire, [il] la [met] au pied de [s]on lit”. Mais il n’y a pas que les chaussures: “J’avais une télé et un magnéto dans ma chambre d’enfant, les films tournaient en boucle. Adulte, j’ai décortiqué chaque image pour détailler les objets que j’allais rechercher.”

“Cela occupe tout mon quotidien”

Cette collection d’objets siglés Retour vers le futur, Jordan l’a véritablem­ent démarrée en 2011. À 31 ans, il réussit enfin à acquérir les fameuses Nike Mag. L’achat a lieu lors d’une vente organisée par Michael J. Fox luimême en faveur de la lutte contre la maladie de Parkinson. Deux mille sept cents euros la paire. “Une bonne affaire car aujourd’hui, elle vaut 8 000 à 9 000 euros”, explique-t-il. C’est un ami d’ami qui s’est chargé d’acheter pour lui le Graal aux États-unis, car seuls les citoyens américains pouvaient participer à la vente. “Je me bouffais les doigts en attendant. J’avais confié pas mal d’argent. Aujourd’hui, je lui ai

construit sa boîte de protection entièremen­t étanche à la lumière et à l’humidité!” Depuis ce coup d’éclat, Jordan est lancé dans une véritable chasse au trésor. “Cela occupe tout mon quotidien, dit-il. Quand je ne travaille pas, je cherche. Et mes amis sont aussi dans ce milieu...” La plupart de ses objets –pas des goodies bien sûr mais du vintage–, il les trouve sur ebay. Il commande aussi des pièces sur le Replica Prop Forum, un site permettant de faire fabriquer des objets vus au cinéma mais qui n’ont jamais été produits en série. Au total, Jordan a dépensé près de 10 000 euros dans sa quête. En ce moment, il rêve de la panoplie Far West de Marty. Un désir tellement fort que pour le financer, il a vendu sa réplique de la pierre tombale du film sur ebay. “Une pièce très rare, je vais faire un heureux!”

Jordan Samper a eu la chance d’approcher de près Michael J. Fox, son idole. C’était lors d’une convention à Londres, en 2015. Mais l’endroit était bondé, et il n’était pas parvenu à lui faire signer sa deuxième Nike Mag, la première portant l’autographe de Christophe­r Lloyd, le docteur Emmett Brown dans la trilogie, mort aujourd’hui. Une autre fois, Jordan a rencontré à Los Angeles Claudia Wells, qui joue la petite amie de Marty Mcfly. Ils continuent même d’échanger pour les fêtes et les anniversai­res. Mais son plus beau moment reste indubitabl­ement sa rencontre avec Léa Thompson, la “mère de Marty”. “Un être débordant de bienveilla­nce. Je lui avais apporté un portrait que j’avais fait d’elle et quand elle l’a vu, ses yeux ont scintillé.” C’est parfois simple, le bonheur.

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