Society (France)

“J’ai écrit un film sur une femme qui se débat dans un monde d’hommes surpuissan­ts”

On connaissai­t le scénariste star de À la Maisonblan­che, The Social Network ou Le Stratège. Aaron Sorkin passe aujourd’hui à la réalisatio­n avec Le Grand Jeu, d’après l’histoire vraie de Molly Bloom, une ancienne skieuse devenue organisatr­ice de tournois

- – AXEL CADIEUX

On retrouve dans votre film Idris Elba, que l’on a découvert dans The Wire, mais aussi Michael Kostroff, qui joue l’avocat des dealers dans la même série. Alors que l’on célèbre les dix ans de la fin de The Wire, c’est une sorte d’hommage? Pour être honnête, c’est un hasard. Je n’ai pas vu The Wire. Je sais que c’est mal, mais c’est comme ça. Tout le monde me dit que c’est fantastiqu­e mais je n’ai pas le temps.

Vous partagez pourtant la même approche politique: dans votre film, il y a une scène où l’on comprend que les vrais escrocs ne sont pas dans la rue mais dans les bureaux de Wall Street en costard ou autour de tables de poker. C’était un aspect qui m’intéressai­t, parce que j’ai été troublé par la crise financière de 2008, comme tout le monde. Mais ce n’est pas le coeur du sujet. J’ai avant tout écrit un film sur une femme qui se débat dans un monde d’hommes surpuissan­ts et en vient à les dominer. Ce qui, en un sens, est tout aussi politique. J’aime beaucoup Le Loup de Wall Street de Scorsese, par exemple, mais ce n’est pas ce que je voulais faire. C’est un film qui célèbre la décadence, les excès et qui en joue. Mais Jordan Belfort, interprété par Dicaprio, n’a rien d’un héros. Ni rédemption ni remise en question. Tout l’inverse de Molly, qui après s’être brisée le dos sur une piste de ski, en vient à régner sur un monde qu’elle méprise. Il y avait des acteurs, des gens très connus autour des tables de Molly, mais vous ne les nommez pas. Pourquoi? Elle ne le fait pas non plus dans son livre. Elle aurait pu toucher beaucoup plus d’argent en révélant tous ces noms, et d’autres choses les concernant. Elle ne l’a pas fait. Elle a reçu quelques milliers de dollars au lieu de millions, c’est un choix fort. Moi, c’est vrai que j’aurais pu les mettre dans le film, les nommer: Ben Affleck, Matt Damon, Tobey Maguire, Leonardo Dicaprio… Mais d’une, je n’aime pas les ragots ; et de deux, la lumière devait être sur elle, pas sur ces stars de cinéma qui participen­t à ses jeux. Donc j’ai fait un mélange de leurs caractéris­tiques et ça a donné ce personnage hybride, Mister X, joué par Michael Cera.

C’est votre premier film en tant que réalisateu­r, on vous connaît surtout scénariste. Cela vous a-t-il forcé à écrire différemme­nt? Je ne savais pas que j’allais réaliser quand j’ai commencé à écrire. Et heureuseme­nt, car je me serais posé trop de questions! Là, j’ai juste écrit comme je sais le faire, avec de nombreux dialogues, du tac au tac et du mouvement. Puis, j’ai appris que les producteur­s me voulaient derrière la caméra et ça m’a plu, car je ne voulais pas que l’argent, le poker, le luxe, les stars et la décadence prennent le pas sur le coeur du film: Molly Bloom. Ça devait être la toile de fond, rien de plus.

Qu’est-ce qui vous a plu dans l’histoire de Molly Bloom? C’est la rencontre avec elle qui m’a décidé. Dans le livre dont est adapté le film, Molly explique comment elle en est venue à organiser les plus grosses parties de poker de la planète. Mais en lui parlant, je me suis rendu compte que c’était juste le sommet de l’iceberg, un iceberg très complexe, et qu’il y avait un truc plus intéressan­t à raconter: la trajectoir­e d’une vraie héroïne de cinéma, vouée à devenir championne de ski, qui à cause d’une série de coïncidenc­es se retrouve à dominer un milieu incroyable­ment malsain peuplé de requins, des hommes qui plus est. Avant de connaître la rédemption. David contre Goliath.

Vous auriez eu envie de faire le film si Molly avait été un homme? Franchemen­t, je ne suis pas sûr. Ça aurait tout changé. D’autres enjeux, d’autres histoires. Mais là, c’est l’histoire de Molly. Pas ‘l’histoire d’une femme qui…’ J’en ai marre de cette formulatio­n que tout le monde sort. On ne dirait jamais que c’est ‘l’histoire d’un homme qui…’. Ça interroge quand même pas mal sur nos habitudes. Voir: Le Grand Jeu, d’aaron Sorkin, en salle

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 ??  ?? 1961. Naît à New York. 1988. Écrit la pièce Des Hommes d’honneur.
1999. Crée la série À la Maison-blanche.
2010. Écrit le scénario du film The Social Network.
2012. Crée la série The Newsroom.
1961. Naît à New York. 1988. Écrit la pièce Des Hommes d’honneur. 1999. Crée la série À la Maison-blanche. 2010. Écrit le scénario du film The Social Network. 2012. Crée la série The Newsroom.
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