ERIC’S TRIP
“J’adhère complètement à l’idée de De Vinci selon laquelle toute oeuvre d’art relève en fait de l’autoportrait.” Bienvenue dans la psyché acérée et bizarre d’eric Yahnker, dessinateur californien de 41 ans “chauve, barbu et solitaire” qui, après des débuts dans le journalisme puis un passage au sein de l’équipe de South Park, s’est réinventé en éditorialiste ermite illuminé, tapi dans le crépuscule d’une mythologie américaine à l’agonie. “Rien n’a eu autant d’influence sur mon travail que le déclin rapide des Étatsunis, explique le satiriste au crayon magique. Pour être honnête, je pense que si Hillary avait gagné, ça m’aurait permis d’expérimenter et explorer d’autres idées que j’avais dans un coin de ma tête.” Une défaite politique déjà inscrite dans le marbre de l’histoire universelle, qui voit donc Yahnker voué à documenter les catastrophes en cours et à venir à la manière d’un Magritte de la génération X, superposant patiemment le trivial et l’iconique sur des formats monumentaux (“Je passe parfois plus de deux mois sur un dessin”) avec un sens de l’absurde et une irrévérence chargés de surréalisme cool: Trump se pointant un sèchecheveux sur la tête dans un dessin intitulé “Russian Roulette” ; Lincoln affublé de tresses à la Riff Raff, le rappeur white trash à l’origine du personnage qu’incarne James Franco dans le Spring Breakers d’harmony Korine ; le buste de Sainte Thérèse d’avila dépassant d’un colis Amazon ou encore un portrait académique de Britney Spears accroché sur un mur de musée par une armée de gants blancs. La suite pour Eric? “J’ai toute une expo dans ma tête sur le thème de Guns N’ Roses. La seule chose qui m’empêche de m’y mettre est mon besoin compulsif d’immersion dans la crise politique actuelle. J’espère devenir un jour assez lassé de la politique pour commencer ce projet.” Votez Axl?