“À Bangui, Noureddine Adam est perçu comme un criminel”
Nathalia Dukhan est chercheuse et analyste pour Enough Project, une ONG basée à Bangui dont la mission est d’enquêter sur les génocides perpétrés en Afrique.
Dans quelle mesure les groupes armés centrafricains contrôlent-ils le pays et quelle
est l’image de Noureddine Adam? L’état n’a pas d’emprise véritable sur le territoire. Et de son côté, la garde présidentielle demeure fragile. Aujourd’hui, on peut même dire qu’elle est incapable de sécuriser le président Touadéra. L’essentiel du territoire est sous le contrôle ou l’influence des milices armées. Dans la capitale, Bangui, Noureddine Adam est perçu comme un criminel, chef de guerre, responsable des graves exactions commises en 2013. La population se demande toujours pourquoi ce ‘criminel’ n’a pas été mis hors circuit et arrêté. Contrairement à d’autres chefs de groupe armé, qui ont un véritable ancrage et le soutien de leur groupe ethnique, Noureddine Adam est surtout un élément formé à l’étranger qui entretient des liens proches avec le Soudan et le Tchad. Quel est aujourd’hui le but précis des FPRC? Veulent-ils la partition du pays ou simplement contrôler le Nord-est, ou bien encore tenter à terme de reprendre le pouvoir? L’agenda des FPRC évolue avec le climat politique. La prise du pouvoir demeure toujours à leur agenda, et en cas d’échec, brandir les menaces sécessionnistes sera une option. La quête d’une amnistie demeure une priorité et une urgence. Les leaders craignent que la Cour pénale internationale ou la Cour pénale spéciale ne
viennent les chercher. En parallèle, il y a une lutte pour l’obtention de postes ministériels. À ce titre, plusieurs représentants du FPRC ont obtenu des postes dans le gouvernement ou à la présidence, ce qui est perçu par de nombreux Centrafricains comme une amnistie de facto. Néanmoins, cela n’est pas suffisant pour ramener la paix, comme le montre la poursuite des violences à l’intérieur du pays. Comment faire la part des choses entre les objectifs politiques des groupes armés
et ceux qui sont plus mercantiles? Les chefs de groupe armé sont prédateurs par nature. La violence est un outil qu’ils utilisent pour renforcer leur pouvoir et contrôler les richesses du pays. Et ils ne travaillent pas seuls: ils fonctionnent en réseaux, avec des politiciens des sous-régions et des hommes d’affaires étrangers. Ces groupes ne sont pas créés pour améliorer le sort de leurs concitoyens, mais davantage pour arracher leur ‘part du gâteau’ dans la violence. En affrontant L’UPC, le FPRC a pu mettre la main sur le bétail appartenant aux populations peules ainsi que sur des mines d’or et de diamants. Le groupe de Noureddine Adam a ainsi pu renforcer ses sources de financement et monter en force dans les négociations politiques. Tant que la violence sera un business dont les leaders tirent des profits, les affrontements ne cesseront pas.