PLANÈTES TEFAL
“Je pense qu’il est important de remarquer la beauté dans les petites choses dont nous nous entourons tous les jours.” Pour l’artiste norvégien Christopher Jonassen, la quête du sublime se trouve dans les fourneaux malmenés par des méthodes de cuisson hasardeuses, les surfaces rayées et cramoisies devenant sous son objectif autant de planètes inconnues révélées par le regard poétique. “Quand je faisais mes études en Australie, je vivais en colocation dans une maison où tous les ustensiles de cuisine étaient vraiment dans un état lamentable, a raconté à Time cet explorateur des galaxies domestiques, qui commence alors à documenter cette déchéance culinaire comme une réflexion sur le caractère répétitif des gestes du quotidien. J’ai découvert que chaque poêle renfermait une planète cachée, et que c’était à moi de la découvrir.” Jonassen poursuit son odyssée spatiale dans les greniers et celliers de ses proches à la recherche de nouvelles poêles-planètes (il en photographiera plusieurs centaines), dont les reliefs sont ensuite magnifiés par l’application de diverses huiles et liquides durant la prise de vue, et trouve ses plus beaux spécimens chez les boy-scouts locaux: “Ils ont ces énormes poêles en fer qu’ils posent directement sur leurs feux de camp, complètement brûlées et grattées au couteau.” Si le roman de Jules Verne du Norvégien est une invitation à extraire du banal un certain sens du merveilleux, il n’en reste pas moins une analogie inquiétante avec la détérioration de notre propre planète: à chaque petite éraflure journalière, l’inévitable progression vers l’irrécupérable. “Je suis très inquiet de la manière dont nous traitons l’environnement. Le titre de cette série est Devour. Soit, littéralement: ‘manger avec avidité, détruire, consommer et gaspiller’.” À méditer avec vos restes de crêpes célestes de la Chandeleur, donc.