“À TERME, NOUS AURONS DES COACHS NUMÉRIQUES”
Pourquoi les coachs en développement ont-ils le vent en poupe? Et qu’est-ce que cela dit du moment que nous vivons? Le philosophe Yannis Constantinidès, auteur du Nouveau culte du corps, dans les pas de Nietzsche, tente d’apporter des réponses.
Cette mode des coachs est-elle représentative de la solitude de l’être occidental?
Pas seulement. Le drame de l’individu aujourd’hui, c’est qu’il ne sait plus vers qui se tourner dans sa quête de sens. Il n’y a plus de grands récits politiques, il n’y a plus d’objectifs collectifs, plus de religion, de famille, de bien général. Le coaching est un phénomène qui accompagne la sécularisation des sociétés occidentales. Vous observerez ainsi que dans les pays occidentaux où règne encore une culture religieuse forte, en Grèce par exemple, le phénomène est moins prégnant. Il faut aussi parler du développement de l’autonomie au sens économique. Désormais, nous vivons dans une société libérale où tout le monde est censé faire de l’argent, devenir propriétaire et jouer sa carte indépendamment de la dynamique publique.
Les coachs en développement personnel proposent, plutôt que des séances individuelles, des séminaires avec des dizaines ou des centaines de personnes. C’est paradoxal, non?
Effectivement, il n’y a absolument rien de personnel là-dedans. Je compare cela aux accueils personnalisés dans les hôtels, avec une hôtesse qui va saluer le client par son nom. C’est en réalité l’accueil le plus impersonnel qui soit, ce sera le même pour tout le monde, mais cela vous fera sans doute plaisir dans l’instant. On retrouve aussi cela chez les coachs sportifs. Ils s’occupent d’un client, lui proposent une série d’exercices censés être adaptés à son poids, son niveau de forme, mais en fin de compte, c’est toujours la même formule qui est proposée. Les coachs demandent à des personnes de sortir d’elles-mêmes et d’adhérer à quelque chose de vague, avec des messages courts et efficaces comme “Faites-le! Passez à l’acte!” tirés de thérapies cognitives comportementales qui disent très rapidement comment sortir d’une impasse relationnelle ou professionnelle, mais qui ne correspondent peut-être pas à ce que la personne souhaite réellement devenir. Et puis, tout le monde a-t-il la même définition du bonheur?
Quel avenir prédisez-vous aux coachs en développement personnel?
Vendre du rêve marchera toujours, mais ce business va peut-être se casser la gueule, on passera à autre chose. En médecine apparaissent des logiciels d’annonce du diagnostic. Une machine vous révèle quelle maladie vous avez. Votre application Runtastic vous propose également déjà un programme d’entraînement pour vous mettre en forme ou bien préparer une course. En salle de sport, les machines s’occupent de votre programme. Je prédis que l’on aura, à terme, des coachs numériques. J’imagine un robot qui fera la morale à son propriétaire: “Aujourd’hui, tu n’as pas fait tes cinq kilomètres.” Alors, certes, il restera toujours la possibilité de le débrancher. Mais, si on est dépendant, aussi celle de le rebrancher.