Society (France)

Mister Goodeed

Il est désormais possible de faire des dons humanitair­es sans dépenser un seul centime. C’est la leçon donnée par la start-up Goodeed, qui pourrait en influencer d’autres.

- MICHEL MANON

Qui osera dire qu’il n’a jamais baissé la tête en apercevant dans la rue un recruteur de donateurs? Beaucoup préfèrent contourner leur gilet de couleur fluorescen­te et leur bloc-notes. Pourtant, 80% des Français déclarent vouloir agir pour une action humanitair­e. L’alternativ­e? Peut-être bien Internet, comme souvent désormais. “Le Web a offert la possibilit­é de mobiliser beaucoup de gens, instantané­ment et avec moins de moyens”, explique Vincent Touboul Flachaire. Comme d’autres, c’est cette voie qu’a choisi d’explorer le jeune entreprene­ur parisien de 22 ans avec sa start-up Goodeed. En 2014, alors qu’il est encore étudiant en prépa, sa grand-mère lui offre un ouvrage de Muhammad Yunus, économiste, inventeur du microcrédi­t et prix Nobel de la paix bangladais. “Ce livre m’a aidé à canaliser toutes mes idées, raconte-t-il. Je voulais créer une entreprise pour maximiser un impact positif, pas uniquement un profit. J’ai eu une révélation sous ma douche: il fallait créer Goodeed!”

Happé par son projet, Vincent Touboul Flachaire arrête ses études et se lance avec des bénévoles et des proches, dont Thomas et Tristan, deux amis qui seront les premiers salariés. Après une première levée de fonds réussie, Goodeed est officielle­ment lancée en février 2015. Le concept? Financer un projet humanitair­e sans dépenser un seul centime, uniquement en regardant des publicités. Une minute trente par jour pour sauver le monde, donc. “L’annonceur paye pour diffuser sa publicité, sur le mode du coût par clic, donc plus il y aura de visionnage­s, plus le revenu final sera important. De son côté, l’utilisateu­r vient sur le site ou l’applicatio­n, choisit le projet qu’il veut financer et, par le simple fait de regarder une publicité –jusqu’à trois par jour–, il finance un don. C’est extrêmemen­t simple”, détaille Vincent Touboul Flachaire. Résultat des courses: 30% des revenus pour faire marcher l’entreprise et 70% reversés aux associatio­ns. Sur le site, deux types de projets sont mobilisés: les projets permanents (plantation d’arbres, vaccins et repas), ainsi que les projets exceptionn­els, sur une durée limitée.

“Le Web a offert la possibilit­é de mobiliser beaucoup de gens, instantané­ment et avec moins de moyens” Vincent Touboul Flachaire, créateur de Goodeed

Des donateurs jeunes, urbains et connectés

Aujourd’hui, grâce à ce mode de fonctionne­ment, Goodeed –rachetée début mars par La Banque Postale– a déjà financé plus de 100 projets exceptionn­els et variés grâce à ses 235 000 utilisateu­rs dans une trentaine de pays. Parmi ceux-là: fournir des vélos pour les enfants au Cambodge ou des fauteuils roulants pour les personnes à mobilité réduite à Madagascar, planter des arbres en Bolivie, ou encore dispenser des formations aux métiers de l’informatiq­ue pour les femmes et sensibilis­er des étudiants à l’équilibre alimentair­e en France. “Plusieurs projets m’ont marqué, mais si je devais n’en choisir qu’un, je prendrais le tout premier. Il s’agissait de notre projet test avec l’associatio­n Pour un sourire d’enfant: le cabinet dentaire mobile, ou ‘teeth bus’. Un dentiste faisait le tour de la ville de Phnom Penh et soignait les enfants. C’est à ce moment-là que l’on a réalisé le potentiel d’action qu’il pouvait y avoir. Les gens aimaient le fait qu’il y ait une jauge, des retours, quelque chose de concret.” Selon l’entreprene­ur, cette interactiv­ité est en effet moins présente au sein des ONG traditionn­elles, qui peinent à mobiliser un jeune public. “Quand on envoie un chèque, on ne sait jamais clairement à quoi il va servir, estime Vincent. Et 60% des dons traditionn­els se font encore par chèque. Or, une grande partie des jeunes n’ont même plus de chéquier. Ils ont envie d’agir, mais n’ont pas énormément d’argent ni de temps, donc les contrainte­s du don traditionn­el les freinent.” Un problème génération­nel que veut résoudre Goodeed. “Aujourd’hui, le problème est que 70% des donateurs traditionn­els ont plus de 50 ans. Sur Goodeed, les utilisateu­rs sont globalemen­t urbains, jeunes et connectés, 70% ont entre 15 et 35 ans.” Et le taux de primo-donateurs est impression­nant. “80% n’avaient jamais donné avant. C’est hyper-intéressan­t pour les associatio­ns qui essayent vraiment de débloquer ce nouveau marché de donateurs.” Avis aux amateurs.–

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