Mister Goodeed
Il est désormais possible de faire des dons humanitaires sans dépenser un seul centime. C’est la leçon donnée par la start-up Goodeed, qui pourrait en influencer d’autres.
Qui osera dire qu’il n’a jamais baissé la tête en apercevant dans la rue un recruteur de donateurs? Beaucoup préfèrent contourner leur gilet de couleur fluorescente et leur bloc-notes. Pourtant, 80% des Français déclarent vouloir agir pour une action humanitaire. L’alternative? Peut-être bien Internet, comme souvent désormais. “Le Web a offert la possibilité de mobiliser beaucoup de gens, instantanément et avec moins de moyens”, explique Vincent Touboul Flachaire. Comme d’autres, c’est cette voie qu’a choisi d’explorer le jeune entrepreneur parisien de 22 ans avec sa start-up Goodeed. En 2014, alors qu’il est encore étudiant en prépa, sa grand-mère lui offre un ouvrage de Muhammad Yunus, économiste, inventeur du microcrédit et prix Nobel de la paix bangladais. “Ce livre m’a aidé à canaliser toutes mes idées, raconte-t-il. Je voulais créer une entreprise pour maximiser un impact positif, pas uniquement un profit. J’ai eu une révélation sous ma douche: il fallait créer Goodeed!”
Happé par son projet, Vincent Touboul Flachaire arrête ses études et se lance avec des bénévoles et des proches, dont Thomas et Tristan, deux amis qui seront les premiers salariés. Après une première levée de fonds réussie, Goodeed est officiellement lancée en février 2015. Le concept? Financer un projet humanitaire sans dépenser un seul centime, uniquement en regardant des publicités. Une minute trente par jour pour sauver le monde, donc. “L’annonceur paye pour diffuser sa publicité, sur le mode du coût par clic, donc plus il y aura de visionnages, plus le revenu final sera important. De son côté, l’utilisateur vient sur le site ou l’application, choisit le projet qu’il veut financer et, par le simple fait de regarder une publicité –jusqu’à trois par jour–, il finance un don. C’est extrêmement simple”, détaille Vincent Touboul Flachaire. Résultat des courses: 30% des revenus pour faire marcher l’entreprise et 70% reversés aux associations. Sur le site, deux types de projets sont mobilisés: les projets permanents (plantation d’arbres, vaccins et repas), ainsi que les projets exceptionnels, sur une durée limitée.
“Le Web a offert la possibilité de mobiliser beaucoup de gens, instantanément et avec moins de moyens” Vincent Touboul Flachaire, créateur de Goodeed
Des donateurs jeunes, urbains et connectés
Aujourd’hui, grâce à ce mode de fonctionnement, Goodeed –rachetée début mars par La Banque Postale– a déjà financé plus de 100 projets exceptionnels et variés grâce à ses 235 000 utilisateurs dans une trentaine de pays. Parmi ceux-là: fournir des vélos pour les enfants au Cambodge ou des fauteuils roulants pour les personnes à mobilité réduite à Madagascar, planter des arbres en Bolivie, ou encore dispenser des formations aux métiers de l’informatique pour les femmes et sensibiliser des étudiants à l’équilibre alimentaire en France. “Plusieurs projets m’ont marqué, mais si je devais n’en choisir qu’un, je prendrais le tout premier. Il s’agissait de notre projet test avec l’association Pour un sourire d’enfant: le cabinet dentaire mobile, ou ‘teeth bus’. Un dentiste faisait le tour de la ville de Phnom Penh et soignait les enfants. C’est à ce moment-là que l’on a réalisé le potentiel d’action qu’il pouvait y avoir. Les gens aimaient le fait qu’il y ait une jauge, des retours, quelque chose de concret.” Selon l’entrepreneur, cette interactivité est en effet moins présente au sein des ONG traditionnelles, qui peinent à mobiliser un jeune public. “Quand on envoie un chèque, on ne sait jamais clairement à quoi il va servir, estime Vincent. Et 60% des dons traditionnels se font encore par chèque. Or, une grande partie des jeunes n’ont même plus de chéquier. Ils ont envie d’agir, mais n’ont pas énormément d’argent ni de temps, donc les contraintes du don traditionnel les freinent.” Un problème générationnel que veut résoudre Goodeed. “Aujourd’hui, le problème est que 70% des donateurs traditionnels ont plus de 50 ans. Sur Goodeed, les utilisateurs sont globalement urbains, jeunes et connectés, 70% ont entre 15 et 35 ans.” Et le taux de primo-donateurs est impressionnant. “80% n’avaient jamais donné avant. C’est hyper-intéressant pour les associations qui essayent vraiment de débloquer ce nouveau marché de donateurs.” Avis aux amateurs.–