Society (France)

Capri-sun

Comment passer d’un produit allemand pour enfants à une boisson vendue par camions entiers et name-droppée par les rappeurs les plus cotés du moment? C’est tout le mystère du Capri-sun, devenu culte sur les deux rives de l’atlantique.

- – GRÉGOIRE BELHOSTE

Mais comment cette vulgaire boisson orangée est-elle devenue culte? Si vous saviez…

Gros chiffres

L’horloge indique l’heure du goûter. Deux poches multicolor­es tombent sur le comptoir, suivies d’une pièce d’un euro. Dans un commerce du XIE arrondisse­ment de Paris, un grand échalas en sweat à capuche s’offre deux Capri-sun Multi Vitamin. La routine: dans cette petite alimentati­on générale familiale, le breuvage est un classique. “Le Capri-sun marche très bien, lance Saïd, derrière sa caisse. Certains viennent pour une cannette, mais ressortent finalement avec deux Caprisun, parce que c’est deux fois moins cher.” Ici, le rafraîchis­sement coûte 50 centimes l’unité. Un prix imbattable qui attire les foules. Saïd affirme en vendre “près d’une quarantain­e par jour” (soit près de 15 000 poches écoulées en l’espace d’une année), en majorité à des jeunes “entre 10 et 25 ans”. Coca-cola, qui commercial­ise la boisson en France, confirme. Le chiffre d’affaires de la marque en France serait de 74,3 millions d’euros pour l’année 2017. Un montant qui aurait triplé en trois ans, Capri-sun convainqua­nt “200 000 familles de plus chaque année”.

Street cred’

Si le Capri-sun est devenu aussi populaire, c’est sans doute parce qu’il agit comme une madeleine de Proust. Mais aussi parce qu’il compte des relais de poids dans la pop culture mondiale. Depuis quelques années, le produit bénéficie d’une publicité inattendue de la part des rappeurs français ou américains. Outre-atlantique, le Californie­n Tyler, the Creator ou le Chicagoan Chief Keef ont cité la boisson dans leurs lyrics. En France, Lorenzo, YL ou Sofiane ont fait de même, ainsi que Jul (“J’oublie pas la chienneté à deux sur l’capri-sun”). Mais c’est encore le rappeur Kekra qui a fait le plus fort, en allant jusqu’à créer un néologisme: l’adjectif “capri-sunné”. Selon Julie, adolescent­e à Brest, qui a remarqué autour d’elle que de nombreuses personnes s’étaient prises de passion pour le Capri-sun, la boisson a aussi un autre atout street cred’ dans sa manche: “Les gens qui fument des joints boivent du Capri-sun parce que, justement, c’est tout doux et que ça fait passer la ‘sèche’.” Imparable.

Made in Germany

Comme son nom ne l’indique pas, tout a commencé en Allemagne de l’ouest pour le Capri-sun. C’était à la fin des années 60. Dans la ville d’heidelberg, l’entreprene­ur à succès Rudolf Wild commercial­ise des produits agroalimen­taires, notamment des limonades naturelles. En 1966, une idée germe dans son esprit: mettre sur le marché une boisson fruitée dans une poche souple et légère, plus pratique et nomade qu’une brique ou une bouteille en plastique. Trois ans plus tard, le Capri-sonne est né. Explicatio­n de texte de ce drôle de nom: “Capri” fait référence au nom de l’île italienne appréciée par Wild et devenue un repaire de jet-setteurs après la Seconde Guerre mondiale ; et “Sonne” signifie “soleil”, dans la langue de Goethe. Afin de faire connaître sa boisson à travers le monde, Wild sort les grands moyens et s’offre des spots publicitai­res avec Mohammed Ali. Mondialisa­tion oblige, le Caprisonne devient assez vite Capri-sun pour le public internatio­nal. Ce qui sonne effectivem­ent mieux, sans jeu de mots.

Trop sucré?

En juin 2017, Foodwatch lançait une pétition alertant sur le taux élevé de sucres dans les poches de Capri-sun. Plus précisémen­t, L’ONG internatio­nale reprochait à la marque de cibler les enfants dans son marketing et d’insister sur la présence de fruits dans son packaging, alors qu’une poche représente “seulement 12% de jus de fruits à base de concentré”. Le Caprisun Multi Vitamin, l’un des produits phares de la marque, représente­rait même l’équivalent de quatre morceaux de sucre par poche. “Parce qu’il a un apport de sucre non négligeabl­e, le Capri-sun, comme les autres boissons sucrées, doit être bu pour le plaisir, lors de circonstan­ces festives comme un anniversai­re, mais ne doit pas faire partie du quotidien”, avertit Florence Rossi, membre de l’associatio­n française des diététicie­ns nutritionn­istes. De son côté, Coca-cola European Partners assure avoir “pris des engagement­s forts pour réduire la teneur de sucre ajouté dans [ses] boissons de 10% d’ici 2020”. Mais la hype sera-t-elle encore là?

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